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J'ai remarqué
qu'il y a une grande confusion autour de l'urbanisme aussi bien chez les
pratiquants du secteur public que du secteur privé, et plus particulièrement
dans le milieu des architectes qui ne trouvent pas par déficit théorique un
moyen de légitimation tenable.
Il paraît difficile pour de nombreux architectes de penser que les enjeux actuels dépassent de loin les préoccupations de l'architecture individuée, c'est-à-dire la nature même de l'architecture moderne qui a fait remplacer la société par l'architecte, et il faut aller plus loin, que l'architecture préindustrielle appelée ainsi par défaut de langage n'est plus un idéal puisque définitivement inatteignable. Si Hassan Fethy pour ne citer que celui-ci est apparu comme étant l'antithèse de l'architecture internationale pour reprendre le propos célèbre de Philip Johnson, aujourd'hui ses idées doivent intégrer le mouvement réel (expression de Marx) pour changer le cours de ce dernier en la faveur de la nature. Le Mzab est une leçon d'architecture mais surtout d'urbanisme qui ne doit plus nous induire en erreur par rapport à l'équilibre des territoires sous grande pression démographique. C'est ce qui m'a conduit sûrement par ironie à dire à mon ami Mohamed Larbi Merhoum, architecte algérois reconnu, «Moi je vante l'ancrage mais je n'aime pas l'encrage et je le trouve parfois nécessaire». De manière dogmatique, l'urbanisme algérien est rattaché automatiquement à la loi 90-29 relative à l'aménagement et l'urbanisme, laquelle pourtant, ne comporte aucune vision de la ville. Elle se veut être un outil juridique ayant pour objet de raisonner, rationner l'utilisation du sol en vue d'imposer ce que j'ai pris l'habitude de qualifier de modalité de ville : un sujet que je compte développer amplement et peut-être en détail à l'avenir. À mon sens, cette loi dont j'ai déjà décrit antérieurement les aspects de sa mauvaise rédaction, d'une part, a permis et même contenu toutes les dérives surtout d'aménagement que nos villes algériennes ont connues et d'autre part, conditionné l'assèchement intellectuel de nos urbanistes qui la prônent incontournable. Cette loi n'ayant eu aucun impact positif sur nos environnements urbains (aussi, à cause de la qualité des hommes et femmes ayant versé pour beaucoup dans la corruption) a servi à cautionner la production de documents écrits PDAU et POS ne reflétant pas généralement les problématiques de la vie urbaine et n'étant pas en mesure de suggérer la production d'un urbanisme réfléchi. Il est quand même étonnant de constater qu'aucun de ces documents ne soit en mesure d'être publiable sous forme de livre et de s'imposer en tant que référence littéraire comme relatif à l'histoire de nos villes, ce qui fut très possible ailleurs. Pour ce qui concerne l'urbanisme réfléchi, je dois dire que je fais référence au propos de l'architecte philosophe Louis Kahn considéré comme étant le dernier grand théoricien de l'architecture et le premier aussi à avoir exprimé un écart assumé avec l'urbanisme fonctionnaliste selon Bernard Huet. Ce dernier écrit à propos de Louis Kahn dont l'enseignement plus que tout autre doit être introduit dans l'enseignement de l'architecture et de l'urbanisme : «Kahn interroge la nature même de la ville, la permanence et la continuité des formes urbaines pour proposer des solutions à la crise qui frappe la ville contemporaine». Plus loin et dans le même texte, Bernard Huet précise que : «Pour lui, la ville représente, au même titre que l'art et l'architecture, la plus haute création du génie humain, 3 ce que la nature ne peut pas faire3». Pour revenir au cas algérien, des responsables nationaux ont étrangement fait une fixation sur la loi 90-29 qui célèbre ce que j'ai pris l'habitude d'appeler urbanisme réglementaire. Elle procède essentiellement par la production de cartes et de tableaux qui favorisent une lecture plutôt chiffrée, donc une sorte d'essentialisation de la statistique, une approche quantitative, conduisant à un résultat des plus abjects spatialement parlant. Cet urbanisme qui a failli dans sa mission de maîtriser la consommation du foncier (il s'agit bizarrement d'un mode de fonctionnarisation du sol) a servi dans de très nombreux cas à sélectionner une parcelle, un lot, un macro-lot pour la réalisation de programmes d'habitat ou d'équipements répondant à des besoins quantifiés plus que la réalisation d'une vision de ville, et à assouvir la déprédation des amis qui ne regardent que leurs intérêts personnels par rapport à un Etat de plus en plus affaibli. A ce sujet, je ne peux pas ne pas citer Rachid Sidi Boumediene qui par expérience du COMEDOR nous explique l'échec de l'urbanisme algérien en nous affirmant par exemple : «C'est pourquoi le PUD (on dit aussi PDU) du Zoning, hérité de la France, est resté un plan 3 passif3 ce qui en a fait un instrument adapté aux évolutions ultérieurs vers un Etat rentier, ce qui explique sa longévité». L'urbanisme algérien, rentier donc, n'est pas loin de l'urbanisme grec. Le foncier a cristallisé une grosse partie de la conscience philosophique et citoyenne des Grecs par ses multiples formes de détournements. Nous savons qu'ils (les Grecs) avaient un appétit très vif du foncier. L'histoire du foncier de chez les Grecs nous apprend que nos aarch ne sont pas éloignés des arourés grecs (on peut lire à ce sujet les travaux de Édouard Will (1920 - 1997 et éviter les travaux anglo-saxons généralement très approximatifs et idéologiquement orientés), et que les modalités de la gestion foncière a servi à remplacer une aristocratie par une autre en l'embourgeoisant d'une manière ou d'une autre d'abord. Ce qui s'est produit durant l'ère de Bouteflika n'est pas aussi différent du point de vue historique de l'épisode foncièrement mouvementé de la Grèce antique. Nous sommes encore en plein processus de lutte de communisation (marxiste) et libéralisation du bien-fonds, une étape de sa redistribution qui montre bien que nous avons du mal à nous détacher de nos penchants culturellement archaïques. Le caractère administratif et réglementaire de l'urbanisme algérien non seulement a dominé, affirmé la dictature des décideurs de l'appareil politico administratif, mais il a aussi séparé l'urbanisme de son essence culturelle et sociale. On a considéré et on persiste à ne pas changer de pratique, qu'il n'y a pas plus urgent que de loger les populations dans des ensembles-poulaillers. Le reste on s'en fout. Comme j'ai l'habitude de l'affirmer, le choix de la méthode qui est la planification urbaine n'est pas hasardeux. Il a correspondu à assoir l'autoritarisme auquel aspiraient nos primo dirigeants, et de ce fait pour historiciser la démarche, ces derniers n'ont fait que s'aligner aux tendances urgentistes du Plan de Constantine 1958, à les perpétuer à travers un discours qui privilégie le droit au logement comme moyen de régulation des crises sociales plus que le droit à la ville comme recherche d'espace d'épanouissement culturel et social. Autrement dit, le droit au logement comme la pression maintenue sur le foncier, est utilisé instrumentalisé déjà pour ne pas changer de mode de gouvernance de l'urbanisme rentier dominant et d'autre part est dirigé contre le peuple afin qu'il ne puisse pas s'extraire des limites contraignantes de la demande de réaliser des besoins pas plus que primitifs, c'est-à-dire loger manger travailler, et lâcher du leste à ceux qui veulent posséder et uniquement posséder. Mais une idée me vient encore : si le Plan de Constantine devait servir à sauvegarder l'Algérie comme étant le prolongement naturel de la France métropolitaine selon le propos célèbre du général Charles de Gaulle, l'urbanisme algérien qui en est principalement issu, a demeuré urgentiste œuvrant par le principe de la priorité pour assurer la pérennité du système politique établi dès l'indépendance. En fait j'en viens à penser que le dirigeant algérien dont le reconnu géographe Abed Bendjlid a divulgué quelques caractères relatifs à l'abus de pouvoir, a fait le choix d'un urbanisme qui lui permet de durer le plus longtemps quitte à sacrifier les territoires et à les entacher de laideurs. Aujourd'hui l'urgence des urgences c'est de sortir définitivement du Plan de Constantine en repensant l'urbanisme algérien, sujet que j'ai sommairement abordé, et d'abandonner les modes de gestion politico administratifs en cours comme la désignation abusive des walis, tout en habilitant (je ne dis pas 3 réhabilitation3 comme la plupart, puisque le maire n'a jamais compté) le maire dans ses droits et devoirs de s'occuper directement de sa circonscription, d'en prendre l'entière responsabilité. *Architecte (USTO) et docteur en urbanisme (IUP) |