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Cette
phase de croissance de l'économie algérienne s'est accompagnée d'une formidable
hausse de l'inflation dans le monde. On peut même dire que la hausse de
l'inflation était prévisible en Occident, puisque celui-ci était le seul
détenteur des principales monnaies internationales. Les Américains qui
utilisaient la facturation des transactions pétrolières des pays d'Opep en dollar pour obliger les pays d'Europe et le Japon
à acheter massivement des dollars pour leurs importations pétrolières, et par
ce biais, financer leurs déficits commerciaux, provoquaient, par cette hausse
pétrolière, chez ces derniers, des déficits commerciaux. Certes, la demande
mondiale a augmenté, grâce au transfert du pouvoir d'achat aux pays pétroliers
et aux États-Unis (monétisation de leurs déficits), il demeurait cependant pour
les pays d'Europe qu'une alternative pour «dégonfler» leurs déficits commerciaux,
en particulier énergétique. Le seul moyen était de faire comme les Américains,
utiliser la «planche à billets». C'est ainsi qu'à travers les «changes
flottants», le monde connut une guerre monétaire avec pour conséquence une
«hausse de l'inflation à deux chiffres». Les États-Unis émettaient des
liquidités ex nihilo, les pays européens et le Japon émettaient à leur tour des
liquidités ex nihilo, et un équilibre s'opérait dans les fluctuations
erratiques des taux de change. S'il n'y a pas eu de krach de monnaie,
l'inflation mondiale par les prix a par contre fortement augmenté.
En 1979, le système financier mondial avec le deuxième krach pétrolier - celui-ci était nécessaire pour l'absorption des masses de dollars émises par la Fed américaine -, était menacé par le danger d'une forte hausse de l'inflation qu'elle faisait peser sur l'économie mondiale, rendant à terme le système financier international ingouvernable. C'est ainsi que la Banque centrale américaine prit deux décisions majeures pour combattre l'inflation. Augmenter le taux d'intérêt directeur à court terme, il est passé brusquement de 10 % à 20 %. Il a baissé sensiblement puis de nouveau il a remonté de nouveau. Et ces mesures prises se sont opérées entre 1979 et 1982, provoquant une forte récession économique aux États-Unis. La deuxième décision de la Fed a été de diminuer les émissions monétaires, provoquant un gap du dollar. C'est ainsi que le dollar fort a eu des conséquences graves sur les économies européennes. Le prix du pétrole n'était pas à 36 dollars le baril mais beaucoup plus, à 72 dollars le baril, en 1985, au taux de change constant de 1979. La hausse du taux d'intérêt américain a été une catastrophe pour le reste du monde qui s'est trouvé brusquement frappé par l'endettement. Les pays d'Afrique, d'Amérique latine et dans de nombreux pays en Asie qui se sont endettés à des taux très faibles dans les années 1970 auprès des pays occidentaux, mais contractuellement à des taux variables, se sont retrouvés du jour au lendemain «fortement endettés». C'est ainsi qu'avec la crise de solvabilité des pays endettés, le Fonds monétaire international s'est trouvé une nouvelle mission. Par le biais du rééchelonnement, les Occidentaux ne pouvant plus percevoir les remboursements, le FMI a eu cette tâche d'aider financièrement les pays en défaut de paiement mais en restructurant leurs économies. Donc toute aide financière est soumise à des conditionnalités. Et quoi que l'on dise, aujourd'hui avec le recul, la reprise économique et les progrès que ces pays ont opéré sur le plan macroéconomique, non seulement les conditionnalités du FMI ont été nécessaires pour l'assainissement financier, mais ces pays ont beaucoup appris dans la gestion de leurs finances. Toujours est-il que si l'Algérie continuait de croître avec la première phase d'expansion, celle-ci se terminait en 1985. En effet, les cours pétroliers ont continué d'être élevés durant cette année, mais en 1986, les cours du pétrole ont chuté, atteignant 10 dollars le baril. C'est le contrechoc pétrolier, la conjoncture pétrolière s'est retournée et commençait la phase de contraction de l'économie algérienne. 3. La phase de contraction du premier cycle économique en Algérie de 1986 à 1998 Si l'Algérie a échappé à la crise d'endettement, au début des années 1980, elle commencera à son tour, à ressentir les effets de la dépression économique qui a suivi le retournement de la conjoncture pétrolière. Cependant, on est en droit de s'interroger comment le contrechoc pétrolier a surgi en 1986 ? Si les chocs pétroliers sont aisément compris compte tenu de l'obligation des États-Unis de financer ses déficits commerciaux par le reste du monde, dont l'Europe qui a refusé et s'est mise aux changes flottants, le contrechoc pétrolier de 1986 est certainement motivé économiquement. Comment comprendre ? La crise d'endettement a opéré des ravages dans le reste du monde. La demande mondiale en Europe, au Japon et surtout dans le reste du monde s'est fortement affaissée. Par la hausse des taux d'intérêt, les États-Unis ont siphonné une grande partie des liquidités en dollars en circulation dans le monde. L'inflation mondiale a fortement baissé. Par conséquent maintenir des cours pétroliers élevés ne ferait qu'asphyxier les pays endettés, et une Europe dont les taux de change de leurs monnaies ont été divisés par deux. L'économie mondiale en pâtissait encore plus. Par le creusement des déficits commerciaux dans les pays du reste du monde (Afrique, Amérique du Sud, Asie) et le recours incessant du FMI pour les pays en cessation de paiement de la dette, et la pénalisation de l'Europe, du Japon et des nouveaux pays industrialisés en Asie par un prix du pétrole élevé et la contraction de leurs exportations vers les pays du reste du monde. Le contrechoc pétrolier de 1986 s'avérait donc une mesure salvatrice pour relancer l'économie mondiale. Mais c'était déjà trop tard, par l'endettement mondial qui a fait régresser fortement l'absorption mondiale, le mal était déjà fait. Un paradoxe cependant par ce que renferme ce contrechoc pétrolier. Peut-on dire que la crise pétrolière qui a débuté en 1986 comme d'ailleurs la crise d'endettement des années 1980 ont été négatives pour l'Algérie comme pour le reste du monde, comme même pour l'Occident ? Elles l'étaient certainement compte tenu des émeutes du pain, de la semoule, dans les pays d'Afrique, dans le monde arabe, d'ailleurs l'Algérie n'en échappera pas, avec ses cohortes de victimes, de morts, de blessés par balles, la paupérisation des masses populaires, mais malheureusement c'est le prix à payer par les peuples pour qu'ils avancent. L'histoire de l'humanité n'est pas une existence en sinécure, c'est un combat perpétuel pour l'existence depuis la nuit des temps. L'homme ne se sentant vivre qu'en luttant pour sa vie, et on comprend le sens des guerres, des crises, et les sacrifices des peuples. Pour cause, l'Algérie, dans cette phase dépressive, a été aussi touchée par les stratégies de déstabilisation menées par les États-Unis pour dominer le monde. L'utilisation des mosquées par le duo Etats-Unis - Arabie Saoudite depuis le premier choc pétrolier et l'islamisme dans ce qu'on a appelé une «ceinture verte», dans les années 1980, pour protéger les gisements pétroliers arabes, et devaient compenser l'affaiblissement des États-Unis face aux avancées soviétiques en Asie centrale. Le danger concernait essentiellement les gisements pétroliers et tout rapprochement de la puissance adverse, l'ex-URSS, mettait en péril les acquis américains dans cette région centrale du monde. C'est ainsi parallèlement aux guerres qui faisaient rage en Afghanistan, en Iran, en Irak, au Liban, des guerres pour ainsi dire par procuration, et les coups de boutoir d'Israël pour profiter de la situation et s'agrandir avec ce concept fou le «Grand Israël» alors que la population juive n'était que de 4 millions en Israël (source Banque mondiale). En Algérie aussi naissait un mouvement islamiste, et prenait progressivement de l'ampleur, aidé certainement par la gabegie du système de gouvernance algérien. Avec les richesses pétrolières, sans contre-pouvoir pour contrôler les finances publiques, la situation devenait, en plus de la crise économique, erratique, compte tenu de la corruption et des détournements des deniers publics à grande échelle. Le système politique et économique était ce qu'il était et relevait d'une phase historique que le pays devait absolument traverser. Et la corruption n'a pas cessé encore aujourd'hui, et cela est dû au sous-développement. En clair, la corruption n'est pas une fatalité, elle disparaîtra ou diminuera fortement au fur et à mesure que son système politique, économique et social se développera et se démocratisera. Et c'est un cours que l'Algérie atteindra inéluctablement comme sont déjà passés les autres pays «avancés». Ce qui nous fait dire que la situation conflictuelle dans le monde, le retournement pétrolier mondial depuis 1986, le mouvement islamiste en Algérie et dans le reste du monde, qui vont rebattre les donnes dans le monde s'inscrivent dans le développement de son histoire et du monde. Sur le plan géopolitique, les premières conséquences de la crise économique mondiale, majeure pour le développement ultérieur du monde, ont été la chute du Mur de Berlin, en 1989, la fin de l'existence de l'URSS en décembre 1991 et la dislocation de la Fédération de Yougoslavie en 1992. Une transformation d'une grande importance pour l'humanité puisqu'elle marque la «fin d'un monde bipolaire», et cette menace qui pèse sur le monde, le risque très fort d'une troisième guerre mondiale dans un monde bipolarisé. Sur le plan géopolitique, la deuxième conséquence touche le Japon, dont l'économie subira une double crise boursière et immobilière en 1990, qu'il ressent encore aujourd'hui. Et même les quantitative easing dénommés «abénomics», dans les années 2010, ne concourent qu'en partie à la croissance économique du Japon. Elle touchera aussi les États-Unis qui entreront en récession en 1992, et l'Europe qui entre en récession en 1993. Pour l'Algérie, la situation économique était catastrophique à la fin des années 1980. Tant sur le plan politique que sur le plan économique. Les émeutes d'octobre 1988 allaient changer complètement le cours de l'histoire algérienne. En effet, les limites du système politique socialiste sont atteintes. Le socialisme en fait qui a commencé bien n'était qu'une «illusion économique», cependant il était un passage obligé pour ces pays. Tant que l'économie tient, le socialisme tient. Mais précisément l'économie relève des aléas de l'histoire et des avancées des peuples. Et les émeutes d'octobre qui surgissent pratiquement du néant vont donner le déclic au pouvoir en place d'ouvrir une nouvelle page de l'histoire. Le lourd bilan des manifestations qui se compte en plusieurs centaines de morts et de blessés, et pour prévenir d'autres émeutes, du fait même qu'il n'y a pas de solution économique qui permettrait d'acheter la paix sociale, va rebattre les cartes politiques en Algérie. Par conséquent seule la promesse d'une ouverture politique et économique était susceptible de calmer le peuple. Approuvé par référendum le 23 février 1989, la nouvelle Constitution algérienne abolissait le système politique du parti unique. Son Printemps, elle va le vivre plus de vingt ans avant le Printemps arabe de 2011. Rapidement, avec le multipartisme décrété, plusieurs partis vont se constituer (FFS, FIS, PAGS, RCD)... La liberté d'expression devient aussi une réalité à travers la libération de la presse. De nombreux journaux apparaissent. Les quotidiens El Watan, Le Matin, Liberté, El Khabar donnent un nouveau visage démocratique de l'Algérie. Au final, grâce à la crise économique qui a suivi le contrechoc pétrolier, l'Algérie qui s'engage dans un processus de démocratisation, certes balbutiant encore, reste un cas unique que n'a vécu aucun pays du monde arabe. C'est dire l'importance de l'Algérie dans le concert des nations arabes et dans le monde. Tous les pays arabes regardent avec crainte le nouveau régime politique en Algérie, et la peur d'une contagion de ses avancées démocratiques dans leurs systèmes politiques. Sauf que dans cette démocratisation de l'Algérie, des dérapages vont commencer et se terminer par une effusion de sang pendant plusieurs années. En effet, une décennie noire qui va commencer pour le peuple algérien en prise avec le terrorisme islamique. Un processus s'inscrivant dans cette «ceinture verte stratégique», pensée par le duo Etats-Unis - Arabie Saoudite, et dont le peuple en sortira victorieux. Sur le plan économique, après des restructurations, le FMI fit son passage en Algérie, comme il le fit dans d'autres pays. En 1994, un accord dit «stand-by» a été scellé avec les autorités financières algériennes. Le dinar dévalué à 40,17 % de sa valeur, une restructuration drastique de toute l'industrie publique avec liquidation et privatisation des entreprises pour la plupart déficitaires, les chiffres en Algérie donnent environ 400 000 salariés (mis à la retraite ou indemnisés) mis au chômage. La situation était très précaire au double plan économique et politique. Si des succès étaient remportés contre le terrorisme islamique, la situation économique toujours faible risquait d'hypothéquer toute sortie de crise. A suivre |