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A Tlemcen, un monument est une
chose écrite; le tympan d'une nef est un morceau
d'histoire, le chapiteau d'une colonne est une date commémorative, une frise
est un choix de maximes, un édifice est une chronique. Faute d'iconographie,
faute de pouvoir figurer la légende et l'histoire, les artistes écrivent
partout sur les murs le témoignage de leur foi et le récit de leur passé. C'est
ainsi que dans les nefs des mosquées tlemcéniennes,
flottent encore quelques souffles d'un art convaincu, d'un art tendre et
savant. Les monuments qui se dressent sous le ciel de Tlemcen sont riches en
souvenirs historiques. Ce ne sont pas seulement des ruines, ce sont des
édifices civils et religieux portant le caractère d'un art, à la fois élégant
et châtié, plein de noblesse et de fantaisie. Chaque dynastie, chaque règne
semble y avoir laissé l'empreinte de son génie particulier. On pourrait, en
quelque sorte, faire l'histoire de Tlemcen par celle des monuments.
Tlemcen est assurément, de toutes les villes musulmanes d'Algérie, celle qui conserve les monuments les plus riches et les plus précieux. Oeuvres d'un art exquis, où s'allient le plaisir de l'œil et de l'esprit, la force et la grâce. L'art et l'histoire sont intimement liés, qu'il est impossible de parler du passé sans se référer aux monuments. Ressources identitaires par excellence soutenant une cohésion sociale, développant ainsi une impulsion économique et culturelle durable. Le choix en 2011 de Tlemcen, capitale de la culture islamique, n'a fait que confirmer la richesse de son patrimoine. Plus de 80% de l'art andalou est concentré dans son espace. La mise en valeur de son patrimoine, à cette occasion, place son architecture traditionnelle d'une ville pilote méditerranéenne sur l'orbite d'un classement d'une ville de patrimoine mondial. Cette ancienne capitale des Zianides tient encore, par son dynamisme, à concourir au dialogue culturel régional et interrégional. L'affluence des visiteurs cette année n'a fait que raffermir le rapprochement des peuples et de cultiver le partage du savoir d'une histoire qui traverse le monde maghrébin et arabe. Les édifices anciens n'ont pas souffert, la patine de la brique et la faïence ont bravé le temps. L'une est encore dorée, l'autre luisante comme au temps de la suprématie des émirs. Nous allons, en effet, trouver de parfaits spécimens de l'architecture musulmane du XIIe au XVe siècle et surtout les belles époques du XIIe, des reliques d'un passé de gloire, de foi et d'art. Tlemcen ne continue-t-elle pas à s'enorgueillir du passage du Grand Idriss, qui laissa son empreinte à son antique mosquée d'Agadir ? (banlieue nord de Tlemcen). Les Romains, enchantés de sa découverte, la surnommèrent Pomaria (les vergers). La capitale du royaume de Syphax (Siga) continue à défier, par son mausolée, les intempéries du temps. Les canaux d'irrigation et surtout Saquiet El Nasrani entretiennent nos souvenirs d'enfance où son plan d'eau, aussi minime, servit à l'exercice de nos plongeons. Le patrimoine berbère des Almohades, des Almoravides sillonne la ville en marquant les grandes places de mosquées célèbres. Le patrimoine andalou, turc, espagnol, français heurte nos pas à chaque coin de rue pour nous rappeler leur présence. Les musées imposants interpellent le visiteur. L'entretien de la mémoire par les colloques, séminaires, chants, visites guidées soigne la vitalité des lieux pour en faire un lieu de pèlerinage. L'esprit du Souf de Sidi Boumédienne, patron de la ville de Tlemcen (sans jamais trop y vivre), veille au patrimoine immatériel en maintenant ses chants et ses légendes à la plus parfaite convivialité. Tlemcen, par ses palais zianides (Méchouar), ses mosquées ancestrales (Idriss I d'Agadir, d'Aïn El-Houtz, de Mansourah (œuvre des Mérinides), ses médersas (Tachfinya, Yacoubia, Ouled Limam, Khaldounia) entretiennent un dialogue vivant avec son visiteur. Le chant andalou continue à être marmonné in petto, aussi bien chez le cordonnier que chez le tisserand, avec ils mettent la joie dans leur café, trompant la morosité. On suit le sillage de notre Mohamed Dib (Au café) avant que les bailleurs de balivernes mitraillent la quotidienneté. Les copeaux de l'histoire s'éparpillent dans une cacophonie sans relâche. Dans la ruelle des Sept Arcades, les moins jeunes croisent la blancheur immaculée des haïks aux silhouettes attirantes. Des femmes qui inspirent, des femmes d'élan, des femmes qui couvent l'or des fnik, pour les moments difficiles. Cet or, cette arobase de la réussite qui rendent Tlemcen «Khiar en ness». Un compte d'avance sur crédit de notabilité in fine, le chant des cascades avec Cheikha Titma continuent à folâtrer dans la symphonie du vent, nimbé de nostalgie jusqu'à la banlieue parisienne captée chez nos anciens Koulouglis et Juifs. |