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«Bien que les actes de
terrorisme islamistes fassent l'objet d'une attention disproportionnée de la
part des politiciens et des journalistes, la réalité est que les extrémistes de
l'ultra-droite constituent une menace contre le peuple américain autrement plus
sérieuse que les terroristes liés à Daesh ou à des
organisations similaires. Charles Kurzman, professeur
à l'Université de Caroline du Nord, et David Schanzer,
professeur à l'Université Duke, ont expliqué sur le ?New York Times', en juin
dernier, que les actes terroristes inspirés par l'Islam ont causé 50 morts, au
cours des 13 et demie dernières années, alors qu'au cours de la décennie
commençant après le 11 Septembre 2001, «les extrémistes de droite ont exécuté,
en moyenne, 337 attaques par an, et causé un total de 254 morts.» Jan Millhiser, dans : «Vous courez un risque, sept fois
supérieur, d'être tués par un extrémiste de droite que par un terroriste
islamiste.» Novembre 2015. Site internet www.thinkprogress.com
L'article, dont la traduction est proposée ci-après, n'a été rédigé ni par le Doyen d'El Azhar, ni par Tarik Ramadan, et il n'a pas été publié sur un quotidien faisant de l'anti-américanisme sa ligne éditoriale pure et dure. Il vient, simplement, conforter, non seulement, par une analyse rigoureuse, mais également par des informations, tirées de bonne source, les prises de position de l'ancienne ministre ? déléguée de la justice américaine, licenciée par le Président Donald Trump, la lettre collective de condamnation signée, par plus de 900 diplomates de carrière américains en activité, et justifier, à la fois l'alarmisme et l'indignation exprimés par les manifestations qui ont regroupé des centaines de milliers d'Américains, de toutes les couches sociales et de toutes les religions, mais, également, les décisions d'annulation prises par des autorités judiciaires fédérales américaines, contre les mesures prises en direction des citoyens de pays à majorité musulmane, par la nouvelle administration contrôlant, actuellement, la Maison-Blanche. Voici l'article : Trump pousse au Centre de la prise de décision politique américaine une vision sombre de l'Islam Ce fut lors d'un rassemblement électoral que le Président Donald Trump a révélé la sombre vision d'un pays mis en état de siège par «l'islam radical,» vision qui est en train de changer radicalement, les politiques des Etats-Unis. Les Etats-Unis en état de siège par l'Islam !!? A Youngstown, en Ohio, et sur une scène entièrement alignée de drapeaux américains, Monsieur Trump, qui, quelques mois auparavant, avait appelé à «une interdiction totale et complète» de l'entrée de musulmans sur le sol américain, a présenté la thèse suivant laquelle les Etats-Unis étaient confrontés à une menace de même niveau que les plus grands maux du XXème siècle. L'état islamique était en train de brutaliser le Moyen-Orient, et les émigrés musulmans, en Occident tuaient des victimes innocentes dans les nightclubs, les bureaux et les églises. En conséquence, il a déclaré qu'il fallait prendre des mesures extrêmes. Il a dit à ses partisans : «On ne doit pas permettre, à l'idéologie haineuse du radicalisme islamiste de résider ou de se répandre dans nos communautés.» M. Trump se faisait, alors, l'écho d'une idéologie anti-musulmane, familière à tous ceux qui sont plongés dans les débats sur la sécurité et le contre-terrorisme, depuis ces quelque vingt dernières années. Il a embrassé une vision, profondément, soupçonneuse de l'Islam que nombre de ses collaborateurs ont promue, et plus particulièrement le lieutenant général, en retraite, Michael T. Flynn, maintenant son conseiller à la Sécurité nationale, et son conseiller politique principal Stephen K. Bannon. «Le choc des civilisations,» une idéologie fumeuse qui inspire une ligne politique basée sur une vision fantaisiste de la scène internationale Cette vision du monde tire sa substance de la thèse du «choc des civilisations,» inventée par le Professeur Samuel P. Huntington, et combine des avertissements directs contre la violence extrémiste, à des critiques de l'Islam, fondées sur une connaissance superficielle de cette religion. Cette vision met dans le même panier, les groupes terroristes, du type de ?el Qaida' et ?Daesh', et des groupes largement non-violents comme l'Association des Frères Musulmans et ses branches. Elle y jette même les 1,7 milliard de musulmans, dans le monde. sous sa forme extrême, cette vision promeut des théories «conspiratrices» sur l'infiltration de l'Islam, et le danger que courraient les Etats-Unis de se voir imposés la ?Charia', la législation musulmane. Ceux qui épousent cette vision présentent l'Islam comme une idéologie, foncièrement hostile, dont les adhérents sont les ennemis du christianisme et du judaïsme, et qui tente de conquérir les incroyants par la violence ou par une sorte de lavage de cerveau furtif. Le Décret-loi signé sur l'émigration par Trump vendredi 27 janvier dernier peut être considéré comme la première victoire majeure pour cette école géopolitique. Et une seconde action, qui déclarerait que l'association des Frères Musulmans, le mouvement politique du Moyen-Orient, serait une organisation terroriste, est actuellement en cours de discussion à la Maison- Blanche, selon des hauts responsables de l'Administration américaine. Au-delà des restrictions que ce décret-loi impose contre les réfugiés et les visiteurs, en provenance de sept pays à majorité musulmane, il déclare que les Etats-Unis devraient tenir éloignés ceux qui auraient «des attitudes hostiles envers ce pays et ses principes fondateurs,» et «ceux qui placeraient des idéologies violentes, au-dessus des lois américaines,» ce qui constitue une référence claire, à la ?Charia'. Cette sombre vision de l'Islam a été rejetée par les chercheurs les plus éminents et écartée tant par le Président Bush que par le Président Obama. Elle a, cependant fleuri aux franges de l'extrême droite américaine, depuis les attaques de 11 Septembre 2001. Avec l'élection de Trump, cette vision est maintenant placée au centre du système de prise de décision concernant l'état de droit et la sécurité, ce qui alarme nombre de musulmans. Un decret-loi, premier pas vers des législations islamophobes criminalisant l'appartenance à l'Islam M. Trump a insisté sur le fait que le décret-loi ne constitue pas «une exclusion des musulmans.» Et ses partisans disent que c'est une précaution, raisonnable, pour assurer la sécurité des citoyens américains. Questionnés sur l'apparente antipathie envers l'Islam qui paraît avoir inspiré ce décret-loi, la Maison-Blanche a rappelé les commentaires de M. Trump, lors d'un discours, prononcé en août 2016, et à une autre occasion, qui indiquaient son soutien pour les musulmans inclinés vers le réformisme. M. Trump a dit, en août 2016 : «Mon administration sera l'amie de tous les réformateurs modérés musulmans au Moyen-Orient, et amplifiera leur message.» James E. Carafano, expert en sécurité à ?Heritage Foundation,' (think-tank d'extrême droite américain, nda) qui a conseillé l'équipe de transition au ministère de la Sécurité intérieure et au département d'Etat, a expliqué que ce décret-loi «ne faisait que prévenir la menace.» Selon lui, comme la pression s'accroît contre Daesh : «des dizaines de milliers de combattants étrangers vont fuir. Certains pourraient tenter d'atteindre les Etats-Unis, en prétendant être des réfugiés. Aussi un interrogatoire approfondi de ces réfugiés est-il crucial.» Mais les critiques de ce décret-loi considèrent que c'est une démonstration maladroite de rigueur contre les musulmans étrangers, en vue d'impressionner la base électorale de Trump, base dont les vues sont déformées par des conseillers, répandant des idées distordues sur l'Islam. Un climat de haine entretenu contre l'Islam Asma Asfarrudin, professeur en Etudes islamiques à l'Université de l'Indiana, et présidente du Centre d'études sur l'Islam et la Démocratie, a dit, à ce sujet : «Ils sont en train d'exploiter le climat de haine et de suspicion ,créé depuis le 11 Septembre 2001. C'est une ligne narrative fondamentale qui oppose le Monde musulman à l'Occident, et qui va dans les sens des vues des partisans de Trump, dont la connaissance de l'Islam ne va pas au-delà des informations diffusées par les médias et des attaques terroristes.» Elle ajoute : «ce décret-loi fera long-feu parce qu'il renforce la ligne jihadistec selon laquelle les Etats-Unis seraient en guerre contre l'Islam. La Maison-Blanche est une grande boîte de résonance. La diabolisation de l'Islam et des musulmans deviendra encore plus intense.» Une longue liste d'islamophobes professionnels convaincus autour du Président américain En tête de liste de ceux dans l'Administration de M. Trump, qui ont une longue histoire de critique de l'Islam, se retrouvent M.M Bannon et Flynn. Ce dernier a «tweeté,» en février 2016, un lien avec un clip vidéo et a écrit : «La peur des musulmans EST RATIONNELLE.» Il a déclaré dans une interview : «L'Islam n'est pas, nécessairement, une religion, mais un système politique qui a une doctrine religieuse derrière lui.» M. Bannon s'est exprimé, avec passion, sur les dangers économiques et sécuritaires de l'émigration. Il a pris un rôle directeur dans la mise en forme du récent décret-loi. Lors d'une discussion au Vatican, il a été jusqu'à déclarer : «l'Occident judéo-chrétien est en guerre contre l'Islam.» Il a ajouté : «il y a une grande guerre qui est en train de bouillir, une guerre qui est déjà globale. Chacun des jours où nous refusons de considérer ce fait comme il se présente, et ses dimensions, et son caractère vicieux réel, sera un jour où vous vous mordrez les doigts que nous n'ayons pas agi.» Ailleurs, dans un talk-show pour la station radio Breitbart, M. Bannon a déclaré : «l'Islam est une religion de soumission.» Et il a sonné l'alarme contre l'influence musulmane en Europe : «pour être d'une franchise brutale, le christianisme est en train de mourir, en Europe, et l'Islam est en phase d'ascension.» Parmi les autres personnalités, exprimant des vues similaires, il y a Sebastien Gorka, qui a enseigné à l'Université de Défense nationale, et est conseiller-adjoint à la sécurité nationale. L'épouse de M. Gorka , Katherine, qui a été à la tête de think-tanks qui se concentrent sur les dangers présentés par l'Islam, travaille, maintenant, au ministère de la Sécurité intérieure. Tera Dahl, qui était l'assistante de l'ancienne députée Michelle Bachmann, républicaine du Minnesota, est actuellement fonctionnaire au Conseil national de sécurité. Walid Pharés, Américain d'origine libanaise chrétienne, a été conseiller pour le contre-terrorisme auprès de nombre d'hommes politiques, et a conseillé la campagne électorale de Trump, mais n'occupe aucun poste officiel, actuellement. Tous les quatre ont été des contributeurs au site d'extrême droite ?Breitbart News', site géré auparavant' par M. Bannon. Tous reflètent des opinions de ce que certains ont décrit comme «l'industrie de l'islamophobie,» un réseau de chercheurs qui, depuis, longtemps, lancent la sonnette d'alarme contre le danger islamique, et se sont, fortement, réjouis de l'élection de Donald Trump. La Charia, un danger pour les libertés aux Etats-Unis ? Ils avertissent du danger que présenteraient les lois musulmanse pour les libertés, aux Etats-Unis, et ils ont persuadé nombre d'organes législatifs d'états américains, d'interdire l'usage de la Charia (le plus éminent de ces ?antis-sharia' est un certain Yeroshulami, avocat californien, sioniste américain, qui a même inventé la notion de «jihad vestimentaire,» pour qualifier le port du foulard par les femmes musulmanes, nda). C'est une affirmation qui surprend la majorité des musulmans et des islamologues, car les musulmans constituent, seulement 1% de la population des Etats-Unis, et ne sont pas du tout en position d'imposer leurs vues au 99% restants. Shahid Hamid, du ?Brooking Institute,'a souligné que : «la majorité des musulmans ne font pas une lecture littérale du Coran. Vous pouvez avoir cinq musulmans qui disent tous que ce sont les paroles exactes de Dieu, mais qui ne sont pas d'accord sur leur sens dans la pratique.» Parmi les avocats les plus vocaux de la guerre contre l'Islam se trouvent Pamela Geller, de l'institution ?Arrêtez l'Islamisation des Etats-Unis,' ?Stop Islamization of América,' (sioniste extrémiste qui a lancé, il y a quelques années, de cela, une campagne d'affiches dans les transports en commun des grands centres urbains américains, pour l'interdiction de la pratique de l'Islam aux Etats-Unis, nda) Robert Spencer de : ?Surveillez le jihad,' ?Jihad Watch,' et Frank Gaffney, du ?Centre de la Politique sécuritaire,» «Center for Security Policy.» Tous ont été les hôtes des programmes radio de Bannon, avant qu'il ne devienne directeur général de la campagne électorale de Trump, en août 2016. M Gaffney est apparu 34 fois dan ces programmes. Ses analyses ont, souvent, été citées par M. Flynn dans ses discours. Katherine Conway, maintenant conseillère de M. Trump, a souvent effectué des sondages pour le compte de M. Gaffney. L'an dernier, le «Centre de la Politique sécuritaire» a accordé, au sénateur Jeff Session, actuellement candidat de M. Trump, pour le poste de ministre de la Justice, la médaille de «Gardien de la Flamme.» M. Session a souvent averti de «la menace totalitaire posée par l'Islam.» Guerre déclarée contre l'Islam, quelles que soient ses manifestations M. Gaffney a été qualifié de «l'un des islamophobes les plus notoires,» par le «centre méridional pour la législation anti-pauvreté,» La Ligue anti-diffamatoire l'a accusé d'être l'un des pourvoyeurs des théories conspiratrices anti-musulmanes. Et même la Conférence d'Action politique des Conservateurs, congrès annuel des politiciens et des militants de droite, a exclu temporairement M Gaffney, après qu'il ait accusé deux de ses organisateurs d'être des membres de l'association des Frères Musulmans. Dans une interview, M. Gaffney a expliqué ses vues sur l'Islam, qui mettent l'accent moins sur le jihad violent d'El Qaida et sur Daesh que sur ses aspects les plus sereins, dont il voit, partout, la manifestation. Suivant ses vues, les ennemis potentiels se cachent, au vu et au su de tout le monde - la prière dans les mosquées, les associations d'étudiants musulmans, les organisations de défense des droits musulmanes- et pratiquent «une forme sournoise, subversive de jihad.» Il a déclaré : «Ils creusent, essentiellement, comme des termites, sous les structures de la société civile et des autres institutions, des tunnels, avec pour objectif de créer les conditions de succès du jihad.» Le lendemain des élections, M. Gaffney a exprimé ainsi à la station ?Breitbart News', sa joie de voir M. Trump élu :» C'est une grande bénédiction littéralement de Dieu, mais je pense, évidemment, du candidat Trump aussi.» Il n'a pas tari d'éloges pour les collaborateurs de M. Trump, en citant les noms de Bannon et de Flynn, dont il a dit «qu'ils allaient nous conduire vers le sauvetage de la République.» *Scott Shane, Matthew Rosenberg et Eric Lipton, paru sur le «New York Times» du 2 février 2017, traduit par Mourad Benachenhou |