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D'autant
plus que l'on part du principe que tout ce qui se meut sur terre, sous terre et
en dehors, a un sens. Si ce n'est pas le cas, ni l'espèce humaine, ni le monde
n'aurait de sens. Et le monde est régi par cette phrase «tout ce qui est vrai
est rationnel, tout ce qui est rationnel est vrai».
Rappelons l'histoire qui a précédé l'irruption de la Peste noire en Europe. A la fin du XIe siècle, l'Europe s'est lancée dans plusieurs croisades contre le monde musulman pour la conquête de Jérusalem. On dénombre huit croisades, et celles-ci ont duré jusqu'à la fin du XIIIe siècle, soit environ 200 ans. Pour comprendre le phénomène pandémique, il faut raisonner par négation. Si la Peste noire n'avait pas eu lieu, il est certain que l'Europe n'aurait pas perdu le tiers de sa population, aurait probablement augmenté, et donc aurait mené d'autres expéditions militaires en Orient. «Ce serait une voie de sortie pour la surpopulation en Europe.» Or, nous constatons que l'Europe non seulement a fait face à la première pandémie du monde, la peste bubonique, mais fut confrontée à la plus longue guerre de son histoire : «la guerre de Cent Ans», qui a commencé en 1337, avant même la peste noire ne se déclenche. La guerre de Cent Ans se termina en 1453. Regardons le mouvement de l'histoire. L'année 1453 coïncide à la fin de la guerre en Europe avec la prise de Constantinople par l'Empire ottoman. Et cette période cruciale de l'Europe fait ressortir qu'elle était en prise, sur le plan intérieur, par la pandémie et les guerres intereuropéennes, et sur le plan extérieur, par les avancées de l'Empire ottoman à ses frontières. La seule lucarne qui s'ouvrait pour l'Europe est l'océan Atlantique, puisque la population d'Europe se raffermissait, et les techniques nouvelles aidant en matière de navigation, d'armements ? les canons, les arquebuses utilisaient la poudre à canon ? allaient lui donner les moyens pour conquérir le monde. Et un timide empiètement sur les territoires du monde musulman. De plus, l'ambition de l'Europe de briser l'élan de l'Islam qui était aux portes de l'Europe, qui, convertissant le monde mongol, hantait les milieux chrétiens. «Le seul recours par l'Europe était les mers et océans. Et l'Europe ne savait pas qu'elle allait à la conquête du monde, et qu'elle allait, plus tard, prendre de revers du monde de l'Islam.» C'est ainsi que commencèrent les explorations européennes de terres nouvelles. Après la fin de l'empire musulman en Espagne qui a duré 778 ans - prise du royaume de Grenade par la Reconquista -, l'Europe, en quatre siècles, mit le monde en coupe réglée. De grands empires européens se constituèrent, et dans le sillage des peuplements, de grandes nations se sont fondées dans les nouveaux continents. Les États-Unis, le Mexique, le Brésil? On comprend, dès lors, que le monde qui était structuré à l'Est de l'Europe par l'Empire ottoman, les pandémies successives et les guerres qui ont succédé sur le plan interne, préparaient cette Europe à dominer le monde. «Aussi peut-on dire qu'un ordre transcende le monde.» Un itinéraire était tout tracé dans le destin de l'Europe. Le choix sur l'Europe s'est fait par sa géographie, sa démographie, ses guerres intraeuropéennes incessantes. L'Europe allait donc vers son destin, comme aujourd'hui, elle se renouvelle par d'autres cultures. Donc un processus qui travaille en boucle. 3. Le facteur nécessaire qui a bouleversé une Europe qui a dominé le monde Après la conquête de l'Afrique, les deux sous-continents américains, une partie de l'Asie dont le joyau britannique, l'Inde ? à l'époque le Pakistan et l'Inde constituaient une seule colonie pour le Royaume-Uni ?, et une domination de la Chine, vint le tour de l'Empire ottoman. Les territoires musulmans tombèrent un à un sous l'emprise européenne. L'Empire ottoman, décrit comme l'homme malade de l'Europe, s'est fait disséquer de ses possessions. Mais, comme tous les royaumes et empires passés, les empires européens sont aussi destinés à une fin. Le monde étant en perpétuel progrès. D'où viendra l'instrument du progrès du monde, i.e. le facteur qui libèrera les peuples de la domination coloniale européenne. «Ce sera la guerre, comme cela fut la pandémie au XIVe siècle.» Mais, au facteur «guerre», il faut lui associer un «acteur» qui brisera l'hégémonie européenne sur le monde. Précisément, cet acteur ne peut venir du monde colonisé, du monde dominé, car trop faible. Il ne peut venir que des empires européens qui disposent du destin des peuples du monde. Il viendra donc du cœur de l'Europe. Et qui est cet acteur européen ? C'est «l'Allemagne» qui mènera la vie dure aux empires européens. Etrangeté de l'Histoire, c'est dans la galerie des glaces au château de Versailles, en France, le 18 janvier 1871, après la défaite française, que fut proclamée la création de l'Empire allemand, entraînant également l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine et de la région de Metz. L'unité de l'Allemagne s'est faite par la guerre et en pays étranger. Avec cette victoire sur la France coloniale, les empires européens seront mis désormais sur le qui-vive. L'annonce fracassante de la puissance de ce nouvel acteur situé au centre de l'Europe fait désormais peser des nuages sur l'Europe dominatrice et sûre d'elle-même. 1914, la guerre tant redoutée avec l'Allemagne arrive. Tous les pays européens entrent en guerre. Les Alliés, à contrecœur y entrent, mais les dés sont jetés. Il faut mettre hors de combat l'Allemagne, cet acteur perturbateur de l'hégémonie de l'Europe sur le monde. Pour l'Allemagne et ses alliés, il s'agit de briser le monopole des empires européens et partager leurs empires. Le reste du monde étant l'enjeu entre les grandes puissances européennes. La guerre qui ne devait durer que quelques 6 mois, à l'instar de la guerre franco-prussienne (1870-1871), va durer plus de quatre années. Les souffrances seront sans commune mesure avec les guerres passées, pour les peuples d'Europe. Le principe de «guerre totale» sera érigé en modèle qui se généralisera à l'ensemble des sociétés des pays mobilisés. Le champ de bataille sera les pays entiers en guerre. Et dans cette Première Guerre mondiale va naître une nouvelle idéologie, en plein conflit mondial, le «communisme», qui aura à bouleverser, au XXe siècle, le cours de l'histoire. 4. Conclusion de la première partie Pour ne donner qu'un exemple, sur l'impact d'un phénomène cataclysmique, rappelons la guerre lancée contre l'Irak, en 2003, par les États-Unis. Après l'invasion et l'occupation, la victoire était totale pour les Américains. Deux ans après, l'Irak se transforma en «deuxième Vietnam». L'administration Bush désigna l'Iran, comme le pays perturbateur, dans le conflit armé opposant les forces américaines à la guérilla irakienne. L'Iran, de plus, poursuivait un programme d'enrichissement nucléaire auquel s'opposaient les grandes puissances. Tous les médias du monde faisaient état que l'administration Bush se préparait à étendre la guerre à l'Iran. Plusieurs porte-avions patrouillaient dans la région du golfe Persique. En 2005, les plans de guerre en relation avec l'Iran, largement diffusés, préparaient l'opinion mondiale à une opération militaire ou des armes tactiques seraient utilisées contre des sites nucléaires iraniens enfouis profondément sous terre. A cette époque, Israël, la Grande-Bretagne et l'OTAN faisaient partie de la coalition dirigée par les USA et sont critiqués dans le rôle actif qu'ils avaient avec l'opération militaire. Tout laissait croire à une guerre imminente contre l'Iran. Dans cette effervescence des médias et les nouvelles rapportées sur les intentions de l'administration Bush, et les risques d'une guerre qu'encourait la région moyen-orientale qu'éclatait, ce qui n'a pas du tout été pensé, du tout été attendu : «l'ouragan Katrina». La fin du mois août 2005, un gigantesque ouragan apparaissait et englobait plusieurs Etats américains. Les dévastations dues à l'ouragan Katrina étaient gigantesques. Une partie de la ville de la Nouvelle-Orléans était inondée, la Louisiane dans la désolation. On prédisait la mort de dizaines de milliers d'Américains vivant à la Nouvelle-Orléans, submergés par les eaux. Le monde entier avait les yeux braqués sur les États-Unis, et proposait son aide. Cuba et l'Iran offraient aussi leurs aides. La première puissance du monde était confrontée à un des plus grands cataclysmes de son histoire. Beaucoup d'Américains appelaient l'Amérique à faire pénitence, à demander pardon pour leurs fautes envers le monde. Cette séquence de l'histoire avec l'entrée en jeu d'un cataclysme naturel, l'ouragan Katrina, a changé les donnes et installé le doute dans l'establishment américain. L'ouragan et les dévastations qui ont suivi, coïncidant avec la crise iranienne, ont probablement fait prendre conscience à l'administration de Bush qu'ils ne sont pas maîtres de leur destinée. Et bombarder l'Iran qui n'a mené aucune agression contre un pays tiers, et quand bien même il aide un pays voisin, relève de la légitimité politique en tant que pays souverain. Et de se prévenir aussi contre une agression américaine, et probablement le programme nucléaire iranien entre dans cette recherche de se créer une immunité nucléaire contre la terreur que ne cessent les Américains de brandir contre l'Iran. Ceci étant, et en revenant à l'avertissement de Bill Gates sur une pandémie mondiale, après ces arguments historiques développés, faut-il craindre son irruption et pouvant provoquer la mort de plusieurs millions d'êtres humains ? Il y a effectivement ce climat de menace pandémique qui s'est installé dans le monde depuis le début des années 2000. Le SRAS a affecté d'abord la Chine, entre 2002 et 2003, puis s'est étendu à 27 pays, de différents continents. La grippe A (H1N1) en 2009, dont le taux de mortalité est très faible. L'épidémie Ebola qui a sévi en Afrique de l'Ouest entre 2014 et 2015 et qui a fait plus de 11000 morts. Et aujourd'hui, le virus Zika qui a frappé le Brésil (1,5 million de cas selon l'OMS en janvier 2016) et s'est étendu à une trentaine de pays. Heureusement, ses effets ne sont pas mortels. Par conséquent, l'avertissement de Bill Gates n'est pas vain, «cependant on ne peut penser que ce qui s'est passé en Europe, il y a sept siècles, puisse se reproduire». Certes, personne n'est devin, il faut seulement espérer que les peuples cessent de s'entredéchirer, et que les grandes puissances font preuve de responsabilité dans ces tragédies et ne soufflent plus sur les braises. Quant aux 33 millions de morts en 250 jours qu'annonce Bill Gates, peut-on se fier sur ce nombre macabre ? (2) Cette analyse n'a été initiée que pour dire qu'il appartiendra aux forces historiques de trancher sur les litiges (enjeux géostratégiques, intérêts vitaux, etc.) qui opposent les puissances. Enfin, une autre situation se présente au monde aujourd'hui. «L'Occident ne colonise plus le reste du monde, celui-ci est déjà colonisé par le pouvoir financier mondial.» Mais, ce qui se passe est qu'il se produit le phénomène inverse à ce que fut la colonisation des siècles passés. «Ce n'est plus le monde colonisé qui a été libéré, mais l'Occident qui commence à être colonisé par l'ex-monde colonisé.» Ironie de l'histoire, la colonisation n'est plus par le feu et le sang, mais par «une colonisation pacifique, humanitaire», qui est en train de se jouer en Europe, et dans les autres pays occidentaux (Australie, Canada, États-Unis). Il y a d'ailleurs des plans d'émigration et donc de peuplement et de repeuplement de l'Occident. L'Europe sait qu'elle gagne actuellement avec les migrants, mais ne le dit pas. Ce phénomène nouveau prend de l'ampleur en ce début de XXIe siècle. Le dépeuplement gagne l'Europe. «Selon les dernières projections d'Eurostat, la population de l'Union européenne dans sa configuration actuelle diminuerait de 108 millions d'habitants à l'horizon 2080. Les 507 millions en 2014 passeraient à 399 millions en 2080, en l'absence de migrations. La population d'origine étrangère en Europe serait évidemment bien supérieure si l'on y ajoutait l'effet de l'immigration passée, celui des unions mixtes et des différentiels de fécondité qui ne sont pas pris en compte. (?) D'ici 30 à 40 ans, on assistera à un boom des décès, notamment en Europe du Nord et de l'Ouest. Dans ces conditions, l'immigration apparaît comme une solution indispensable pour freiner le déclin démographique de l'Europe.» (3) Et ce sera à la population étrangère ou métissée qui aura à remplir pour une bonne part les caisses de retraite. Et tout cela compte. Puisque 30% la population active de l'UE aura de plus de 65 ans en 2060 contre 18% actuellement. Et, en 2080, le chiffre aura à augmenter. «L'Allemagne ne comptera que 50 millions sur les 80 millions qu'elle compte aujourd'hui.» L'Espagne, la Russie sont aussi menacées. De même le Japon, qui est confronté au déclin démographique. Les chiffres sont pratiquement similaires à l'Europe du fait du faible taux de natalité et du taux de vieillissement. «En 2060, les plus de 65 ans au Japon représenteront près de 40% du total contre plus de 20% aujourd'hui. Certains pensent que le gouvernement laisse délibérément sa population diminuer plutôt que de s'ouvrir à l'immigration. Cela lui permettrait aussi de résoudre le problème du financement de son vieillissement.» (4) Ces chiffres ne sont donnés que pour faire comprendre que le monde en 2060, 2080, ou dans un siècle, ne sera plus ce qu'il est aujourd'hui. L'Europe se transformera totalement, elle sera multiculturelle comme les États-Unis. C'est la raison pour laquelle il faut apporter une approche critique, historiciste qui sort de la vision historienne classique pour comprendre les forces qui bouleversent et transforment l'humanité dans le cours de l'histoire. *Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective www.sens-du-monde.com Notes : 2. «Bill Gates : une pandémie peut faire 33 millions de morts en 250 jours», par Sputik France. Le 28 mai 2015 http://fr.sputniknews.com/international/20150528/1016311297.html#ixzz40pNes9mn 3. «L'immigration, la solution au déclin démographique en Europe ?» publié par le Capital. Le 04 septembre 2015 http://www.capital.fr/a-la-une/politique-economique/l-immigration-la-solution-du-declin-demographique-en-europe-1068041 4. «Baisse record de la population japonaise en 2013» par RFI. Le 02 janvier 2014. http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20140102-japon-demographie-baisse-2013-femme-travail-immigration |