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2ème partie
Comment comprendre «ce cours drastiquement baissier du prix de baril de pétrole» ? Quel impact a-t-il sur le plan économique mondial ? Il est évident qu'il met en grande difficulté les pays exportateurs de pétrole. Il permet à l'Occident de bénéficier d'un cours de pétrole et de gaz bas, ce qui ne peut que se traduire par un excédent commercial, où à défaut moins de liquidités financières à consacrer aux importations pétrolières. La Chine bénéficierait, en tant que grand pays importateur de pétrole et de gaz, d'une économie de devises. Mais on ne peut oublier que tant les pays pétroliers que la Chine et les autres pays émergents du BRICS et d'Asie ont beaucoup gagné durant cette conjoncture, qui a commencé depuis les années 2000 et leur a été extrêmement favorable. Alors que, si elle a été favorable à l'Occident jusqu'à 2007, elle s'est retournée ensuite avec les deux crises successives, la crise immobilière et la crise financière. Les réserves de change de la Chine, qui s'établissaient à 165,574 milliards de dollars en 2000, ont quintuplé en 2005, pour atteindre 818, 872 milliards de dollars. En 2008, elles sont multipliées par 12 pour atteindre 1 966,200 milliards de dollars. Après la crise financière de 2008, et les programmes de « quantitative easing » américains, elles passaient, en 2010, à 2914,154 milliards de dollars. En 2014, à 3 952,130 milliards de dollars. (2) Et ce, malgré le taux de croissance en Chine qui a chuté à 7,8% en 2012. «La Russie, pays exportateur de pétrole et de gaz», a vu ses réserves passer de quelques dizaines de milliards de dollars en 2000 à 124,541 milliards de dollars, en 2004. En 2008, les réserves ont quadruplé pour s'établir à 427 milliards de dollars. En 2012, elles sont à 537,618 milliards de dollars. «L'Arabie Saoudite, premier producteur et premier exportateur des pays de l'OPEP», ses réserves de change se sont accrues pour atteindre, en 2014, à 743 milliards de dollars. Les autres pétromonarchies arabes ont engrangé toutes de fortes réserves de change. «L'Algérie», partie de réserves de change négligeables, de surcroît endettée, redoutant même en 1998 (mini krach pétrolier), un nouveau programme d'ajustement structurel (PAS), a vu, en 2006, ses réserves de change bondir à 77,781 milliards de dollars. En 2007, elles passent à 110,180 milliards de dollars. La dette extérieure est en grande partie remboursée. De 58,3% en 1999, elle passe à 34,2% en 2003, et, en 2007, la dette n'est plus que de 3,6% du PIB. Quant aux réserves de change, elles ont atteint 143,102 milliards de dollars, en 2008, 148,95 milliards de dollars, en 2009 et 193,269 milliards de dollars en juin 2014. La dette extérieure est de 3,719 milliards de dollars. (3) Au final, qui profitait de ces QE ? Il est évident que ce sont les pays du reste du monde. Et si la reprise en Occident, le chômage baissait, il n'en demeure pas moins que l'Occident s'endettait. « Surtout qu'il se créait un cercle vicieux », les Banques centrales créaient dans les programmes des QE, MES, Abénomics, des liquidités monétaires qui allaient, à travers les déficits commerciaux occidentaux, grossir les réserves de change de la Chine, de la Russie, des pays arabes exportateurs de pétrole, et les autres pays émergents qui, à leur tour, plaçaient leurs excédents (réserves de change) en Occident, pour que les pays occidentaux consomment les produits made in China, d'Amérique du Sud, d'Asie, et importent du pétrole et du gaz de Russie, des pays arabes. On comprend dès lors que les QE, et bien avant les QE et donc la crise de 2008, les déficits récurrents des balances courantes des pays occidentaux, en particulier des États-Unis, ont crée des dysfonctionnements mondiaux qui sont allés en s'accentuant. Il est évident que « ces déséquilibres macroéconomiques provoqueraient à terme une remise en cause du système économique mondial tel qu'il a été configuré depuis les années 1980, à la suite de la forte inflation des années 1970 ». Sous la double contrainte de l'endettement et de l'écart de compétitivité, l'Occident forcément s'affaiblirait « d'où l'obligation de trouver une parade pour mettre un terme à cette spirale de dysfonctionnements mondiaux qui vont en s'accentuant. » Et les conséquences seront sérieuses pour l'économie mondiale. D'autant plus qu'il est devenu un « débiteur net » vis-à-vis du reste du monde. Le bilan de la Fed américaine, de la BCE grossissait, à plus de 4000 milliards de dollars pour la Fed en 2013. Et ceux de la BCE, la Banque d'Angleterre et du Japon, ont suivi le sillage de la Fed. La question qui se pose aux autorités monétaires américaines et européennes est « Comment sortir de l'endettement ? Mettre fin aux déséquilibres mondiaux ». 4. COMMENT METTRE FIN AUX DESEQUILIBRES MONDIAUX ? UNE CRISE FINANCIERE DEJA ANNONCEE EN 2012 Il faut dire que la Chine n'a émergé que grâce aux délocalisations occidentales, au transfert technologique occidental et aux investissements occidentaux, et aujourd'hui avec le rattrapage industriel, la situation s'est inversée. Mais c'est le balancier de l'histoire qui a commandé cette inversion des forces économiques. Précisément, si la situation du monde des années 1980 s'est inversée, c'est « par ce que c'était nécessaire. » A l'époque, c'était l'Afrique, l'Amérique du Sud et le bloc socialiste de l'Est qui s'endettait. Et l'Occident ne pouvait pas toujours être le créancier du monde. Sinon l'humanité serait sans sens. Aujourd'hui, et ce depuis les années 2000, c'est l'Occident qui est endetté. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'Allemagne prônait l'austérité et n'était pas comprise, pour justement lutter contre cet endettement devenu à la fin massif pour l'Europe, et l'Occident. Et qui commandait des cures d'austérité, qui étaient mal comprises, mal reçues par les sociétés occidentales. Il fallait diminuer l'endettement et gagner de compétitivité. Nonobstant ces contraintes, l'Occident trouvera néanmoins une parade, qui, au fond, était toute tracée. « Arrêter le processus par lequel le reste du monde s'enrichissait au détriment de l'Occident. » Et le premier coup de semonce est donné en 2013, lorsque la Fed américaine avait annoncé qu'elle allait mettre fin aux quantitative easing. Une panique s'empara de l'Inde, du Brésil et d'autres pays. La roupie indienne a dévissé de près d'un quart de sa valeur après l'annonce de la Banque centrale américaine. Le Monde.fr écrit « La dégringolade sans fin de la roupie indienne. » (4) Un autre journal La Croix (5) écrit : « Depuis le début de la crise économique mondiale en 2008, la Fed s'est employée à soutenir l'activité. Son objectif était de maintenir les taux d'intérêt au plancher pour favoriser le crédit. Elle s'est engagée dans des programmes de rachat de la dette souveraine américaine. Plus besoin de hausser les taux de rémunération des bons du Trésor pour attirer les investisseurs, puisque la Fed peut acheter jusqu'à 85 milliards de dollars par mois. Cette politique de quantitative easing (QE), sans équivalent par son ampleur, a des risques. En accroissant la masse monétaire, elle peut déclencher une inflation incontrôlée. [?]Les capitaux désertent les pays émergents. « La fermeture du robinet des liquidités américaines inquiète, en premier lieu, les pays émergents. Ces liquidités étaient censées soutenir l'activité américaine. Dans les faits, beaucoup de ces capitaux ont servi à financer les dettes souveraines des pays émergents. » « Ces capitaux y trouvaient une meilleure rémunération, avec moins de risques, les pays émergents étant peu endettés », constate Johanna Melka. Aujourd'hui, ces capitaux mobiles ? hot money ? sont de retour aux États-Unis. Les investisseurs sont attirés par la remontée des taux qui leur permet une meilleure rémunération. « Il n'est pas complètement illogique que les pays qui ont profité des afflux de capitaux soient les premiers à en souffrir », constate Frederik Ducrozet. Ces dernières années, ces capitaux étrangers ont permis aux pays émergents de bénéficier de taux d'intérêt bas. Cela a soutenu leur croissance. Aujourd'hui, le retrait de ces capitaux a pour effet de baisser les cours de Bourse et ceux des devises dans ces mêmes pays émergents. La Bourse brésilienne a baissé de 18 % depuis le début de l'année. La roupie indienne a perdu 57 % de sa valeur face au billet vert depuis son niveau le plus haut en février 2008. [?] 3. Les économies fragiles souffrent le plus. « À l'exception notable de l'Indonésie, les grands pays émergents ralentissent », résume Sylvain Broyer, chez Natixis. La Chine fait évoluer son modèle économique basé sur l'exportation de biens industriels vers une économie portée par la consommation intérieure. « Le Brésil, l'Afrique du Sud, la Russie et l'Inde accusent la fin de l'embellie des prix de matières premières, qui représentent 60 % de leur économie », précise Sylvain Broyer. Dans ces pays, le seul moyen pour soutenir l'activité est de relancer les investissements, notoirement faibles. » Quand Frederik Ducrozet dit « Il n'est pas complètement illogique que les pays qui ont profité des afflux de capitaux soient les premiers à en souffrir », on a bien envie d'être d'accord avec lui. En effet, beaucoup de pays qui ne travaillent pas dans le sens qu'ils ne sont pas productifs, et c'est le cas des pays arabes exportateurs de pétrole, qui ne font que vivre de la manne pétrolière et naviguent à vue, ou s'entretuent pour cette manne providentielle. Et le plus grave, ces pays se découvrent brusquement qu'ils ne sont pas chiites mais sunnites, ou l'inverse, et commencent à s'entretuer pour le chiisme ou le sunnisme, alors qu'en réalité ils s'entretuent pour mettre la main sur le pétrole. Fermons cette parenthèse, dite seulement en passant sur les miracles que crée le pétrole. Puisque les grandes puissances sont aussi de la partie dans ce conflit bientôt centenaire. Une fin des QE pour ces pays signifiait « la fin de cet âge d'or qui a commencé depuis les attentats du 11 septembre 2001 ». Les États-Unis n'en finissaient pas de déverser des masses de liquidités sur le monde depuis la destruction du World Trade Center. Rappelons ce que déclaraient le ministre des Finances brésilien et le gouverneur de la Banque de Chine qui critiquaient, à l'époque (avant 2013), les quantitative easing. Qu'en est-il aujourd'hui, avec la fin des QE en Occident, pour les pays du reste du monde, depuis 2014 ? « Ils regrettent les QE qu'ils avaient dénoncés ? » Et depuis l'été 2014, avec la fin du QE3, les pays du reste du monde sont désormais sur la sellette. Et même le QE annoncé en janvier 2015 par la BCE se fait sur les excédents des pays européens suite à la forte baisse des prix de pétrole. Ces excédents donnent des marges à la Banque centrale de la zone euro pour racheter des bons souverains et privés. Avec la chute des prix du pétrole, et de la demande mondiale, la Chine comme la Russie, les pays émergents et les pays arabes pétroliers sont forcés de puiser dans leurs réserves de change pour financer leurs économies (déficits). L'impératif de mettre fin à la spirale d'endettement, et procéder au début de résorption de l'endettement était plus que nécessaire. Si les États-Unis n'avaient pas pas mis fin aux QE, l'endettement qui monterait crescendo les amènerait à « vendre les bijoux de famille, leurs monuments, leurs universités, leurs musées, leurs autoroutes, leurs ports? » Comme l'avait fait naguère, au milieu des années 1980, le Japon, devenu le premier créancier du monde, pour tomber finalement en crise en 1990. Et c'est valable pour les autres puissances financières et monétaires occidentales. Evidemment, ces cas de figure ne surviendront pas parce que l'Occident a des munitions, et celles-ci auront à marquer le monde, y compris l'Occident lui-même. Un nouveau paradigme du monde est en marche. Ainsi se comprend mieux pourquoi la crise pétrolière est étroitement liée à la fin des quantitative easing. Cette crise financière qui a un impact sur le pétrole a déjà été annoncée dans une des analyses qui avait été transmise à un journal (algérien), en 2012, et qui ne l'a pas publiée. (6) Probablement qu'elle a été perçue, à l'époque, « rocambolesque, impensable, dur à admettre. » Pourtant la crise est là, identique au pronostic énoncé il ya deux ans. Et le seul mérite de l'auteur est d'avoir saisi les forces économiques qui travaillaient l'économie mondiale et devaient aboutir à la crise d'aujourd'hui. Et surtout, elle n'est qu'à ses débuts, le plus dur est à venir. « Probablement suivie de progrès comme toutes les crises qui ont jalonné l'histoire de l'humanité. » Nombre d'économistes mettent en cause l'Arabie Saoudite de mener une guerre des prix contre les producteurs américains de pétrole de schiste, donc elle casse les prix. Cette approche d'explication de la crise pétrolière n'est que partielle. En réalité, la situation des pays producteurs de pétrole ressemble plus à celle des quinze millions d'agriculteurs américains, en 1929, endettés et proches de la ruine. Pour s'en sortir de l'endettement, et sans aide de l'Etat américain jusqu'en 1933, ils n'avaient qu'une solution, vendre plus de blé, de produits agricoles. Et plus ils vendaient, plus les prix baissaient. Et ça allait de pair avec la politique restrictive de la Fed américaine, à l'époque. Pareillement, les pays arabes producteurs de pétrole, face à la chute des cours pétroliers, et des réserves de change qui s'amenuisent, n'ont qu'une solution, « vendre plus pour éviter une explosion sociale ». Tous les pays arabes de l'OPEP vivent dans la crainte de se trouver démunis devant la crise. Et les gouvernements savent que leurs peuples ont évolué et n'accepteront pas la misère et aucune force de sécurité ne pourrait inverser la donne. Surtout que les dictatures sud-américaines et les dictatures des pays de l'Est ont été emportées par la vague de révolution des années 1980, suite à la crise de l'endettement, qui a abouti à la chute du « Mur de Berlin », en 1989 et la disparition de l'Union soviétique, deux années plus tard. Et récemment le « Printemps arabe ». On comprend dès lors que l'abondance du pétrole sur les marchés est avant tout un « réflexe de sécurité », entraînant une forte offre d'autant plus que l'Iran sera aussi de la partie, avec les accords récents sur le nucléaire. Et l'Iran a aussi été obligé de lâcher du lest dans les négociations sur son programme nucléaire qui est aussi un « réflexe de sécurité » contre des sanctions occidentales qui allaient étouffer son économie et entraîner une explosion sociale. D'autant plus que le « Printemps arabe » n'est pas terminé et ses effets se font toujours sentir par les nombreux conflits qui courent et ne trouveront certainement pas de solution, tout au plus provisoire. Et que l'hiver qui a suivi, le feu continue toujours de couver dans ce monde intermédiaire. « Où tout est provisoire, tout est à refaire. Aucune structure politique, économique et sociale n'est viable dans ce monde. » A suivre... * Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective Notes : 2. http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/Chine/balance-des-paiements-courants.html 3. Tendances monétaires et financières au second semestre 2007-au second semestre 2008- au second semestre de 2009-au premier semestre 2014-au premier semestre 2015 http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes7.htm http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes5.htm http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes1.htm http://www.bank-of-algeria.dz/pdf/notedeconjoncture_n45.pdf http://www.bank-of-algeria.dz/pdf/nc49.pdf 4. « En Inde, la dégringolade sans fin de la roupie » Le Monde.fr avec AFP, 28 août 2013 http://www.lemonde.fr/argent/article/2013/08/28/en-inde-la-degringolade-sans-fin-de-la-roupie 5. « La Réserve fédérale américaine fait vaciller les pays émergents » par le journal La Croix, le 21 août 2013 http://www.la-croix.com/Actualite/Economie-Entreprises/Economie/La-Reserve-federale-americaine-fait-vaciller-les-pays-emergents 6. «PROSPECTIVE : Pourquoi l'Occident et les pays pétroliers n'échapperont pas à une crise économique majeure ? §6. La déflation, une réponse définitive aux «quantitative easing» », par Medjdoub Hamed www.sens-du-monde.com , 31 décembre 2012 www.franceculture.fr , 3 juillet 2014 |