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L'habitat englobe
le volet le plus important de la composition de la ville. Il s'impose par son
importante échelle territoriale. Il est varié dans la forme posturale qu'il
requiert dans différentes situations, et sa richissime typologie. A la base,
l'habitat est plus qu'un lieu de vie, il est généralement le résultat de
processus constitutifs longs et complexes qui lient et ancrent dans le lieu des
aspects sociaux, économiques et constructifs. Il constitue l'aboutissement d'un
travail soutenu dans la grande durée de production d'espace pratique et social
au vrai sens du terme.
C'est en cela peut-être que la question de l'échec de l'architecture ?moderne? s'illustre par la rupture qu'elle incarne avec les mouvements traditionnels de transmission des vieux modèles. Au-delà de ce fait qu'elle ne fait que reproduire des clichés, l'architecture moderne semble incapable d'imposer son modèle, en tout cas suffisamment à la hauteur de l'esprit de modernité auquel elle aspire, en perpétuant justement cette concurrence injuste, et de mon point de vue absurde, entre le produit incertain de l'être individuel représenté essentiellement par l'architecte formé et le produit longuement et lentement façonné de l'être collectif, lequel est globalement la société et la contribution qualifiée le plus souvent de naturelle de l'acteur social qui est le constructeur artisan. Je continue à penser que l'architecture moderne est incapable d'inventer son modèle malgré les gestations agitées de ses architectes qui ne cessent de s'aveugler par la domination croissante de la technologie pour faire croire le contraire. Le culturalisme continue à faire son chemin, et à imprégner aussi bien les travaux des architectes de tête de liste que les architectes méconnus qui agissent dans l'ombre des maîtres et des starlettes de la mode. Je crois que la rupture insaisissable qui s'opère depuis des lustres entre l'héritage des anciens et les tentatives héroïques de la vieille modernité et de la modernité évoluée, dite contemporaine, est toujours d'actualité. Depuis la disparition supposée de la ville coutumière (ancienne) de l'imaginaire collectif et l'affirmation à l'échelle mondiale de la ville moderne (usage généralisé des machines domestiques et autres, recours croissant à la voiture et aux transports publics, globalisation des moyens de communication), son exploration révèle bien des aspects de la personnalité de l'être collectif algérien à l'état trouble. Des questionnements relatifs à la nature interne variée de cet être s'imposent et méritent de notre part un arrêt intéressé. Car en effet, m'attelant à l'observation générale du cas de la société algérienne, je ne peux m'empêcher de constater la mutation éthique de fond qu'elle connait, et j'oserai même dire l'affirmation d'une forme de desislamisation rampante qui engendre, dans de nombreux cas dans la douleur, un rapport de distanciation avec toute manifestation de fait religieux. En d'autres termes, je peux comprendre la crispation des comportements devant l'idée de retrait en cours de l'être religieux, la résurgence d'un style vestimentaire déraciné chez les hommes et les femmes qui se veut être solennellement pieux dans l'apparence, et la peur que peuvent avoir les uns et les autres de quitter une identité fabriquée de toute pièce et déconnectée au sens kahnien du terme de la quintessence de la religion, alors que la plupart se défont de l'idée de chercher la nature d'une religion pour ne s'accrocher qu'à une image frêle qu'ils changent et s'échangent uniquement par intérêt de se protéger de la manifestation de mentalités arriérées auxquelles ils peuvent grandement contribuer. Je crois que rendre compte de ces peurs ambiantes, et de ces mutations en cours mais rapides à cause de l'effet certain des moyens de communication qui ont pulvérisé les limites traditionnelles des milieux culturel, social et politique, peut nous aider à expliquer l'inadéquation des modèles d'habiter proposés voire imposés avec l'être collectif au socle identitaire trouble. La problématique en cours de l'Algérien qui affiche son désir de vivre à l'européenne, à l'occidentale, et qui condamne en même temps l'Occident de beaucoup de choses, est celle d'un malaise conditionnée par des tas de discours contradictoires qui ne lui laissent pas beaucoup de choix, hormis celui d'organiser son chez-soi comme il se projette dans son présent, et de l'assumer tantôt ouvertement, tantôt hypocritement. L'habitat qui m'intéresse est aussi bien celui qui est relatif à la manière d'habiter qu'à l'espace fabriqué. Autrement dit, il m'importe suite au discours que je tente de développer de faire le lien entre ce qui relève de la représentation socioculturelle et ce qui relève de l'organisation spatiale. * Architecte-urbaniste |