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De retour du
pèlerinage, les hadjis ont l'habitude de rapporter ce qui les a le plus marqués
au cours de leur séjour dans les lieux saints. Je ne dérogerai pas à la règle
commune.
J'ai découvert ce que je pourrai appeler les représentants d'un monde musulman très divers en tout point de vue. Couleurs, races, langues, tailles, discrétion, exubérance, politesse, sagesse, brutalité aussi, éducation religieuse évidente, rustre, méconnaissance presque totale des piliers de l'islam pas souvent mais présente, pauvres et très pauvres, aisés et riches. Incontestablement, la foi a réuni ces millions de personnes en un même lieu pendant plusieurs jours. Malheureusement, je ne crois pas qu'un Ibn Khaldoun, qu'un Ibn Rochd, qu'un Ibn Sina, qu'un Salah Eddine El Ayoubi, qu'un Emir Abdelkader, contemporains et autres étaient là ! Le plus saisissant était la différence de moyens matériels et financiers qui caractérisait les pèlerins. En effet, une part non négligeable dormait à Minéne à même le sol tandis que beaucoup attendaient les sociétés caritatives qui avec des camions surchargés de boites distribuaient la nourriture à longueur de journées. Sans vouloir choquer quiconque, je dirai que l'on trouve côte à côte à la Mecque : Manhattan et Calcutta. Les tours El Abraj, d'un luxe imposant, donnent sur la rue El Hyjra et la rue Ibrahim où les eaux nauséabondes ne sont pas toujours absentes. Ainsi l'hétérogénéité des images est caractéristique de ces lieux et cela peut s'expliquer quelque peu. Mais je ne m'attendais pas à autant de différence et autant de contraste. Or animée d'une foi pareille cette « populace » qui vient souvent de très loin et que beaucoup qualifie de hère n'est-elle pas capable du meilleur ? Venir dans des micro- bus dépourvus de tout confort du fin fond de l'Afrique jusqu'à la Mecque n'est-il pas révélateur de l'énergie emmagasinée ? Alors quoi faire pour dépasser l'état dans lequel se trouve la majeure partie des pays musulmans ? Avec modestie et aussi modération, je dirai que la seule solution qui leur reste n'est-elle pas de démurer ces hommes et ces femmes, pour reprendre le mot d'un grand penseur français (qui a été emmuré lui aussi pour avoir émis des idées qui n'allaient pas dans le sens de la volonté d'une partie de l'élite politique française. D'ailleurs cet emmurement n'est pas récent en France. En effet l'Emir Abdelkader a vu son livre: Lettre aux Français, «emmuré» pendant un siècle dans la bibliothèque nationale de Paris ! Puis démuré par les Autorités françaises et traduit en français par René R. Khawan. Il a été publié en 1977 aux Editions Phébus !) Serait-il vain d'espérer qu'un jour les pays musulmans où au moins certains d'entre eux rejoignent le peloton de têtes des pays développés ? Beaucoup de réformes, d'efforts et de temps seront nécessaires car l'écart est trop grand. LES DIFFERENTES HALTES Je dirai quelques mots sur les différents types de hadj et sur ces haltes, non pour les faire connaitre au lecteur, ce serait non seulement inutile mais cela relèverait d'une prétention qui n'est pas mienne, mais pour dire comment j'ai vécu ces moments et le sentiment qui m'est resté. Ceux qui se rendent à la Mecque pour accomplir le hadj ont le choix entre trois formules dites Hadj At Tamattou, Hadj el qirân et Hadj el Ifrâd. Notre groupe a été guidé sur la première formule. Le sacrifice y est obligatoire et dans le cas de l'impossibilité de s'acquitter du sacrifice il y a lieu pour le hadji de jeuner 10 jours dont trois à la Mecque. Hadj Al Qirân: le Hadji formule l'intention d'accomplir à la fois le Hadj et l'Omra. Il accomplit le tawaf et demeure à l'état de Ihram jusqu'au moment de l'accomplissement des rites du hadj. Les interdits sont explicites et le sacrifice obligatoire. Pour nous ces conditions n'ont été en rien pour le non choix de ce type de Hadj. Hadj Al Ifrad : c'est le fait de formuler au moment de la sacralisation pour le Hadj à partir du miquât. Le Hadji accompli le tawaf Al quoudoum et demeure en Ihram jusqu'au moment du Hadj. Le Hadji n'st pas redevable d'une offrande. Deux interrogations s'imposent pourquoi certains choisissent une formule et pas l'autre ? Est-ce par conviction, par héritage culturel, par mimétisme, par appartenance à un Medheb, par nécessité de santé ou nécessité financière ou autres ? Le Hadj el qirân est il privilégié par les ascètes et le hadj ifrad par les ascètes et ou pauvres. Telle est la question restée sans réponse pour le moment pour un non initié comme moi. Or une catégorie de pèlerins qui porte le même ihram durant toute la période requise m'interpelle car certains, en toute évidence, sont d'un dénuement évident. Beaucoup déambulent avec une tenue tellement repoussante, et l'adjectif, n'est pas assez fort et la communauté musulmane ne peut qu'être interpelée, individus et oulémas ensembles. Cette situation est profondément attristante. ARAFAT Après les péripéties de voyage, nous sommes arrivés très tôt à Arafat comme il se doit. Le séjour, bien organisé, nous a permis de nous consacrer entièrement à la lecture du coran et aux incantations. Pour me dégourdir les jambes, j'ai effectué une brève sortie pour voir de loin la grotte Hira. Le spectacle offert par ces milliers de pèlerins qui escaladaient la montagne était tout simplement saisissant mais non sans danger. Notre séjour tirant à sa fin, nous devions quitter Arafat à 15heures 30 pour rejoindre Mouzdalifa ; les organisateurs ayant décidé de réserver les cars disponibles aux femmes et aux hommes âgés ! C'était sans compter avec les indisciplinés ! La pagaille s'est vite installée sans que les organisateurs trouvent remède. Le voyage allait durer 7 heures 30mn environ, certains passagers debout ou assis sur le plancher ! MOUZDALIFA Nous arrivons tard la nuit à Mouzdalifa illuminé par des milliers de candélabres. Des centaines de milliers de pélerins qui avaient décidé d'y passer la nuit étaient assis ou allongés souvent à même le sol à la belle étoile. C'était une vue inoubliable. Après un «repos» de quelques instants et que nous ayons fait la prière, nous avons pris à pied, la direction de Minène. Déjà le jour se levait. MINENE Après avoir fait la prière du matin et quelques instants de court repos, l'acte pour lequel nous nous trouvions à Minène nous interpela. Dés la sortie du camp, une marée humaine qui s'étirait sur des centaines de mètres était devant et derrière nous. Celle-ci s'amplifiait au fur et à mesure que la procession progressait. A Plusieurs dizaine de mètres du mur il devenait presque impossible d'avancer et d'accéder au bassin dans lequel les cailloux devaient être jetés. Le spectacle était tout simplement inconvenant car certains hadjis s'adonnaient « à la lapidation de Satan » qui par les mules ou tout autre objet alors qu'il est recommandé de le faire avec des pierres de petite taille. Sans essayer de me frotter à l'exégèse, domaine qui m'est inconnu, « rami el jamarates » expression qui signifie jeter les braises incandescentes ne peut être que symbolique ! Selon ma « lecture » Satan étant en nous, comment alors l'exorciser, comment s'en débarrasser ? Ce n'est que par des attitudes qui s'inspirent du comportement du prophète et des obligations expressément formulées dans le coran que l'on peut y arriver. C'est un travail permanent sur soi même : s'interdire de mentir, de voler, de brimer les pauvres et les faibles, s'astreindre à faire du bien, d'être juste, modeste et d'autres qualités peuvent faire de nous des hadjis au sens plein du terme. Peu de gens peuvent y prétendre et le comportement de certains des nôtres lors de l'accès à l'avion qui nous a conduit à Djeddah puis à Alger est loin de refléter la « norme » du hadji telle qu'elle a été imaginée par les exégètes de l'islam (et dieu est témoin). Je développerai plus loin le pourquoi de cette attitude inadmissible. LE TAWAF AL IFADA A notre retour à la Mecque, nous devions faire le tawaf al ifada pour clore nos obligations. Ce que nous avons accompli dés le deuxième jour après la prière du Dohr. Les hadjis étaient si nombreux que nous avons opté pour le faire d'accéder directement au deuxième étage de la mosquée ce qui allongeait la distance à parcourir. Là aussi la foule était si dense que nous sommes montés à la terrasse pour compléter les deux tours qui restaient à effectuer. Là la prière de l'Asr nous rattrapa et ce fut le «blocage» total. Impossible de terminer les circumambulations, impossible de trouver une place pour prier ! Ainsi depuis notre retour à la Mecque une foule immense occupait en permanence le sahn de la Kaaba et une bonne partie de la mosquée alors qu'à notre arrivée à la Mecque nous avions fait le tawaf de l'Omra dite Tamattou dans le sahn ! Présentement donc les risques d'une bousculade fatale sont grands, plus tard ils le seront davantage ce qui doit interpeler les Autorités religieuses pour une solution qui allie à la fois les dogmes et la sécurité des Hadjis. Sachant que le Tawaf se fait obligatoirement autour de la Kaaba tandis que la prière peut se faire en dehors de la mosquée puisque toute la Mecque est Haram. En toute humilité voilà une proposition parmi d'autres et je demanderai rémission si cette suggestion contrevient aux dogmes de notre religion ! LA BUREAUCRATIE SAOUDIENNE ET SON PENDANT INATTENDU ET SURTOUT INCONNU! A l'instar de tous ceux qui ont transité par Djeddah, j'ai connu la bureaucratie saoudienne (plus de trois heures pour sortir de l'aéroport) ; passage obligé devant plusieurs guichets sans compter ceux de la police des frontières. Passeport confisqué par les services du Moutawaf et attente indéterminée pour prendre le bus qui nous emmène à la Mecque. Au retour, j'ai connu aussi son efficacité. Pour des raisons personnelles «j'ai sauté» l'étape Mecque Médine et Médine Djeddah et suis allé directement de La Mecque à Djeddah .Ces étapes devant être assurées par une compagnie affrétée par l'agence de voyage et était donc payée d'avance. Une fois les formalités d'embarquement terminées je fus convoqué à un bureau qui m'a remis une certaine somme d'argent en remboursement de la prestation que la compagnie n'allait pas effectuer ! Entre le moment où l'information a été donnée et l'enregistrement à l'aéroport moins de 5 heures s'étaient écoulées. Tout commentaire serait superflu. JE NE SAURAI, PAR LE FAIT D'UN COURT SEJOUR, EMETTRE UNE CONCLUSION ET ENCORE MOINS AVANCER UN AVIS PEREMPTOIRE D'abord je dis en toute conscience, que ce qui a été fait et ce qui se réalisera par la suite puisque le programme d'aménagement de la Mecque et de ses environs durera des années, peut être encore une décennie, est impressionnant, grandiose même. Certes, par la suite, les commentaires seraient multiples et ils le sont d'ors et déjà. Une montagne de pierres connue sous l'appellation djebel Omar aura disparu pour laisser place à des infrastructures diverses. Des hôtels de très haut standing disparaitront car jugés très proche du Haram. Ainsi la Mecque aura une toute autre physionomie à la fin des travaux. De même les réalisations du mur de lapidation, l'aménagement d'Arafat et de ses infrastructures, de Mouzdalifa et de Minène peuvent être donnés en référence. Mais ce qui est le moins visible c'est l'approvisionnement en eau et en boissons fraiches, en nourriture et d'autres utilités en toutes heures du jour et de la nuit. Que dire d'Alger qui se vide pendant les fêtes et arrive à manquer de pains et de produits essentiels ? Ici Minéne passe en une nuit de presque zéro habitant à des millions ! Six cette année ! Néanmoins le pendant de ces travaux me donne le sentiment et je risque de me fourvoyer, que les Saoudiens courent derrière un mirage qu'ils ne rattraperont jamais sauf s'ils allient ces travaux à une réflexion qui relèvera, elle, des hommes de religion à l'instar de ce qui a été fait pour Safaa et Maroua. Or ceci a été fait après qu'il y eut des catastrophes ! Doit-on attendre pareils événements pour engager la réflexion qui doit agréer la majorité des oulémas ? Or les prémices de ce qui risque d'arriver sont déjà présentes. Cette année les pèlerins n'ont pas pu quitter Minène le troisième jour date limite prévue, les autorités ayant réduit fortement la circulation à cause des embouteillages ; parcourir quelques kilomètres qui séparent Arafat de Mouzdalifa en presque 8 heures est intenable. Est ce que nous n'irons pas de plus en plus vers des situations plus graves vu que la population de hadjis s'accroîtra immanquablement sous l'effet démographique ? LES DERNIERES INTERROGATIONS JE LES ADRESSERAI RESPECTUEUSEMENT A NOS AUTORITES -Pourquoi imposer aux hadjis algériens une seule formule, la formule unique dite basique obligeant du fait de cette décision ceux qui le peuvent et le veulent un autre standing d'opter pour cette formule contre leur gré comme d'autres qui s'adressent à d'autres compagnies de transport et donc d'autres escales pour aller à la Mecque pour trouver le standing qu'ils souhaitent ? Ceci relève cependant d'un choix personnel qui doit être assumé par celui qui le prend. Reste cependant une interrogation, une énigme : pourquoi obliger ceux qui optent pour un «voyage libre» non organisé par l'administration, à débourser sans contrepartie 220 000 dinars représentant le pécule en devise qu'ils ne perçoivent pas et les frais d'hébergement et de transport dont ils ne bénéficient pas ? Ceci est loin d'être un plaidoyer pro domo ayant emprunté moi-même le circuit commun. -Pourquoi obliger Air Algérie à délivrer tous les billets à destination de Djeddah en classe économique alors que ses avions sont utilisés dans des lignes internationales et donc aménagés en conséquence. Nos Autorités sont elles informées de la « tbahdila » qui a eu court à l'aéroport d'Alger mais aussi et surtout dans celui de Djeddah ? Les hadjis en ont parlé. Les journaux ont répercuté l'information sans en donner les causes. Pour la même somme déboursée pourquoi certains pistonnés ou chanceux les copains et les débrouillards bénéficient du confort des sièges et de l'espace offerts par la classe première et d'autres non ? Comment qualifier ceux qui pendant la longue attente dans la salle d'embarquement déambulent, gesticulent et s'expriment à haute voix et au moment de l'embarquement se mettent sur des chaises roulantes pour accéder prioritairement en tant que malades ! Cette minorité cache malheureusement le comportement humble et fervent de la majorité des Hadjis. C'est dommage pour la «marque» du pays. La forte implication de notre administration centrale et locale dans ce que l'on appelle l'opération du hadj : Le ministère de l'intérieur et des collectivités locales avec ses démembrements locaux et les communes de tout le territoire national, le ministère des finances (la banque centrale), le ministère des télécommunications (les postes), le ministère des affaires religieuses et ses démembrements nationaux et locaux, le ministère de la santé et ses commissions médicales locales et la mission médicale algérienne à Médine et à la Mecque, les agences de voyages publiques et privées, Air Algérie et ses agences, appelle les observations et remarques suivantes : d'abord la disponibilité et le sérieux des agents chargés du «dossier hadj» à la circonscription territoriale méritent d'être signalés, le professionnalisme des médecins faisant partie de la mission médicale à la Mecque est remarquable, enfin l'organisation mise en place à l'aéroport pour les multiples formalités était presque parfaite. Alors comment expliquer les récriminations formulées? A cause justement de ces multiples structures et les procédures que leur simple présence sur le «parcours» induit; à ce propos, par exemple, l'utilité de la commission médicale locale, composée de médecins chevronnés mais remplissant un travail de bureaucrate se pose.Peut elle, en toute conscience recaler, pour motif médical, une personne en possession du passeport hadj ? Il n'est pas exagéré de dire que la préparation du Hadj par les heureux élus est une opération lourde, écrasante même. On en sort quelque peu «lessivé».Et si on ajoute la pénibilité physique du hadj on réalise pourquoi les hadjis reviennent fatigués malgré leur ferveur et leur joie d'avoir accompli un devoir sacré. Or, si on sait que le Hadj dans les années 1970, donc pas si loin, était une opération des plus simples : un passeport valide, une autorisation de sortie délivrée par la préfecture pour les non fonctionnaires et un billet d'avion. Voilà l'essentiel des formalités requises! Comment on est arrivé là et pourquoi ? Est-ce que tous les pays musulmans «drivent» de la même manière leur opération, en un mot par leur administration? Est ce que les administrations des pays étrangers qui ont des nationaux et ou des ressortissants musulmans s'impliquent directement et fortement dans l'opération hadj? Que non ! Les agences de voyages s'occupent de l'essentiel. Ni formalité de change, ni poste pour le virement de la somme exigée pour le hadj, ni organisme central du hadj qui recevra dans son compte tout l' argent récolté, et qui sera chargé de sa répartition au prorata du nombre de hadjis pris en charge par chacune des agences impliquées dans le hadj, ni commission médicale locale « n'attendent » le Hadji. Enfin aujourd'hui ceux qui posent problème à la Mecque et particulièrement lors des haltes ne sont pas les hadjis officiels ou « ambassadeurs » de leur pays mais les autres Un million et demi de Hadjis officiels et quatre millions autres. Est-ce un problème strictement saoudien ou un problème qui intéresse tout le monde musulman ? L'interrogation inspirera t'elle une réflexion ou est-ce une redondance? Pour conclure je dirai que depuis mon retour de la Mecque une question me taraude l'esprit. Serait il possible encore dans quelques décennies, tout au plus, de faire le pèlerinage dans les conditions actuelles de sécurité, d'hygiène et de convivialité somme toute acceptables ? Le Hadj étant un des piliers de l'Islam il survivra à toutes les péripéties. Aux Oulémas et aux dirigeants des pays musulmans d'apporter les réponses, toutes les réponses .Cela a été fait par le passé et sera fait. C'est ma conviction profonde. Mais au moment voulu ! «Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos oublis ni de nos fautes». (Sourate al Baqara.) |