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Le ministre d'Etat britannique chargé de l'Energie et du Changement
climatique, Lord Marland, qui effectue aujourd'hui
une visite à Alger,s'exprime dans cet entretien sur
l'objet de sa visite et les sujets d'actualité.
Le Quotidien d'Oran: Avant d'aborder la relation entre l'Algérie et la Grande-Bretagne dans le domaine de l'énergie, nous voudrions vous demander comment vous percevez le marché global de l'énergie. Le pétrole et le gaz de schiste vont-ils modifier, selon vous, l'offre globale ? Et dans quel sens et dans quels horizons temporels ? Lord Jonathan Marland: Le marché mondial de l'énergie est très dynamique, complexe et réactif, par nature. L'AIE prévoit que le gaz aura un rôle de plus en plus important à jouer dans le mix énergétique mondial, et que les ressources mondiales de gaz peuvent facilement répondre aux demandes mondiales prévues pour les 25 prochaines années et voir plus. Alors que les marchés mondiaux du gaz ont été traditionnellement régionaux, ils sont de plus en plus interconnectés, de sorte que ce qui se passe en Extrême-Orient, par exemple, peut affecter l'approvisionnement en gaz en Europe. Par exemple, les événements de Fukushima, l'an dernier, ont entraîné une perte significative de capacité de production nucléaire qui a augmenté la demande en gaz et les prix, au niveau mondial. En termes de potentiel de gaz de schiste, alors qu'il a eu un impact significatif sur le marché américain, il y a une grande incertitude associée à la prévision des effets de gaz non conventionnel dans le monde. Des prévisions consensuelles suggèrent que les prix vont augmenter au cours des prochaines décennies, mais avec l'augmentation de la production de gaz non conventionnel, il est probable que cette croissance sera plus modérée qu'en l'absence de gaz non conventionnel et cela augmentera aussi les chances de réduction des prix du gaz. Il y a beaucoup d'incertitude concernant le potentiel de production de l'huile de schiste en dehors des Etats-Unis. Dans de nombreux cas, il semble que l'exploitation de telles ressources n'est pas économique, bien que cela soit une décision commerciale qui revient aux personnes potentiellement concernées. Si elle est rentable à produire à grande échelle, l'huile de schiste pourrait apporter une contribution importante à la sécurité de l'approvisionnement. Les gouvernements doivent protéger l'environnement en réglementant correctement les activités de production de l'huile de schiste. Q.O.: Le gaz de schiste suscite des réserves et des oppositions de la part des mouvements de protection de l'environnement. Certains pays européens ont déjà légiféré contre le procédé de la fracturation hydraulique. La Grande-Bretagne, où l'on a découvert des gisements prometteurs comme à Blackpool, a estimé qu'il ne faut pas légiférer au niveau européen. Seriez-vous plus favorable au gaz de schiste que les autres membres de l'UE ? L.J.M.: Juste pour être clair, il y a déjà un cadre global de législation européenne sur la protection de l'environnement. Ceci s'applique au gaz de schiste comme à tout autre type d'exploration pétrolière et gazière et activités de production. Nous sommes heureux de constater que la Commission européenne convient qu'il n'y a actuellement pas de nécessité pour une nouvelle législation ou une réglementation spécifique concernant le gaz de schiste. Quant à notre attitude à l'égard du gaz de schiste, elle est la même que notre attitude à l'égard de tous les autres types de ressources d'hydrocarbures locales, conventionnelles ou non conventionnelles. Nous cherchons un développement économique de ces ressources, à condition que cela puisse être effectué en toute sécurité et avec une protection adéquate de l'environnement. Q.O.: Dans le domaine des énergies renouvelables, la Grande-Bretagne est en avance dans le domaine de l'éolien. Pourtant, à l'inverse de l'Allemagne et de l'Italie, qui ont décidé de rompre avec le nucléaire après la catastrophe de Fukushima, l'option du nucléaire a été confortée dans la politique du gouvernement. Les Allemands et les Italiens ont-ils tort ? L.J.M.: Cette question concerne l'Allemagne et l'Italie. Bien sûr, ils devront tous les deux répondre aux besoins énergétiques de leurs économies, et ils doivent tous les deux répondre à leurs objectifs nationaux de réduction des émissions. Donc, si une source d'énergie à faible émission de carbone est écartée, d'autres seront nécessaires pour combler l'écart. Au Royaume-Uni, nous sommes déterminés à avoir la fiabilité qu'apporte la diversité de sources d'énergie. Cela signifie que nous voulons une forte augmentation de la quantité d'énergie renouvelable, y compris l'énergie éolienne, nous voulons développer la technologie de capture et de stockage du carbone afin que nous puissions utiliser le gaz et le charbon de façon plus propre, et nous voulons voir de nouvelles centrales nucléaires. Nous avons pris une approche fondée après Fukushima. Nous avons demandé à notre inspecteur nucléaire en chef de faire un rapport sur les leçons à retenir. Il est vital que nous ne soyons pas complaisants, mais les circonstances à Fukushima sont si différentes de celles du Royaume-Uni que nous sommes confiants dans la mise en place de notre programme de nouvelle centrale nucléaire. Q.O.: Votre pays est très en pointe en matière de sanction contre l'Iran. En cas d'évolution vers un conflit, quel serait l'effet sur les prix du pétrole ? Vous avez certainement élaboré des scénarios relatifs à l'impact d'un conflit sur le marché mondial des hydrocarbures. Quelles sont les hypothèses que vous privilégiez en termes de prix et de disponibilité ? L.J.M.: Il est impossible de prédire le prix du pétrole. Nous travaillons, ainsi que les partenaires de l'UE, avec les pays producteurs et consommateurs à travers le monde pour s'assurer qu'il n'y a pas de pénurie dans les marchés de l'UE ou mondiaux de pétrole. Cela fait aussi partie de la raison pour laquelle l'UE a adopté une approche progressive des sanctions. Q.O.: Comment appréciez-vous la contribution de l'Algérie à la sécurité énergétique de l'Europe ? Des responsables du secteur en Algérie et ailleurs s'inquiètent de la remise en cause des contrats de fourniture de gaz à long terme en faisant valoir que cela risquait de dissuader les investissements. Quelle est votre approche de ce sujet ? L.J.M.: L'Algérie est le troisième fournisseur de gaz vers l'Europe et a été un fournisseur de gaz fiable pour le Royaume-Uni depuis de nombreuses années. Nous saluons la contribution de l'Algérie à la sécurité énergétique de l'UE et du Royaume-Uni et nous serons heureux de continuer à recevoir le gaz algérien pour les nombreuses années à venir. Le marché britannique est très dynamique et il attire le gaz d'une variété de sources (par exemple, de la Norvège et du continent par canalisation, et par gazoduc), à la fois pour l'utilisation au Royaume-Uni et en tant que corridor pour une distribution à l'UE. Notre message à l'Algérie est que le gaz jouait et continuera à jouer un rôle important dans le mix énergétique du Royaume-Uni pour les décennies à venir. Les sources des importations en gaz du Royaume-Uni et le type de contrats en vertu desquels ce gaz est importé et vendu sont ultimement une décision commerciale qui revient aux expéditeurs de gaz. Les contrats à long terme peuvent jouer un rôle important dans la sécurité de l'approvisionnement en gaz. Nous avons récemment signé des contrats d'approvisionnement considérable avec la Norvège et le Qatar, et nous nous réjouirons de conclure d'autres accords d'approvisionnement de gaz entre le Royaume-Uni et les participants du marché du gaz algérien. Q.O.: Le directeur de l'institution britannique EIC, Terry Willis, a déclaré que le climat d'investissement en Algérie était bon et que la règle algérienne de partage des investissements (51/49) ne pose aucun problème. Partagez-vous ce point de vue, considérant qu'en octobre, William Hague a déclaré que les procédures douanières et les lois doivent être plus flexibles pour les investisseurs étrangers ? L.J.M.: Les lois établies par l'Algérie sont une question souveraine qui appartient au peuple et gouvernement algériens. Les compagnies britanniques exercent dans différents environnements d'affaires à travers le monde. Les entreprises ont besoin avant tout de stabilité et de processus transparents pour qu'elles puissent adapter leurs modèles d'affaires en fonction de l'environnement réglementaire local. En ce qui concerne les procédures douanières, il est important pour n'importe quelle entreprise que ses marchandises soient dédouanées d'une manière très rapide, efficace et transparente. C'est le cas surtout dans l'industrie hydrocarbure où il est impérativement nécessaire de recevoir les pièces détachées le plus tôt possible. Q.O.: British Petrolum envisageait de vendre ses actifs en Algérie mais finalement, il a renoncé à l'idée. Les rumeurs du départ de British Gaz ont été démenties. Ainsi, la présence des entreprises britanniques en Algérie n'a donc pas été réduite. Pensez-vous qu'elle pourrait être renforcée avec l'annonce par les autorités algériennes d'une révision des impôts sur le secteur d'énergie? L.J.M.: Je suis ravi de voir que des entreprises britanniques ont eu une présence importante en Algérie et sont devenues des partenaires importants à long terme. BP est un partenaire de longue date et un des plus grands investisseurs étrangers de l'Algérie. En signe d'engagement continu et d'évolution des relations, le projet de Salah CCS, dirigé conjointement avec Sonatrach, BP et Statoil, a été reconnu par le Forum sur le leadership en matière de séquestration du carbone comme l'un des trois sites mondiaux de démonstration les plus importants en matière de contrôle et de vérification de CO2. Il y avait des articles de presse sur British Gaz. Je sais qu'ils continuent à honorer leurs contrats mais qu'ils sont en train de modifier leur présence selon leurs opérations. Il demeure vrai qu'un large éventail d'entreprises britanniques, activant dans le secteur, soient intéressés par le secteur d'hydrocarbures algérien. Cela est démontré par la participation d'une vingtaine de compagnies activant dans l'industrie pétrolière à la mission commerciale, la semaine dernière. Plus d'entreprises viendront le mois prochain pour examiner les opportunités disponibles dans le secteur des énergies renouvelables. Le secteur des hydrocarbures britannique est un chef de file mondial et je suis convaincu qu'avec les opportunités énormes qui existent actuellement en Algérie, et comme l'Algérie est en train de développer son énorme potentiel d'énergies renouvelables non conventionnel, ce partenariat est disposé à grandir au cours des années à venir. J'accueille avec enthousiasme l'annonce faite par le ministre de l'Energie que l'Algérie prévoit d'apporter des amendements à la loi sur les hydrocarbures, en particulier si cette dernière va faire de l'Algérie une destination plus attrayante pour l'investissement britannique. Q.O.: L'Algérie a annoncé un programme ambitieux pour le développement de l'énergie renouvelable avant 2030. Elle n'a pas dit non au plan Desertec mais elle n'a pas dit oui non plus. Elle veut qu'un pareil projet soit traduit sur le terrain par un transfert de savoir et l'établissement d'une industrie dans ce secteur. Que pensez-vous de ces exigences ? L.J.M.: Travailler avec l'Algérie revêt un grand intérêt afin de développer son potentiel d'énergies renouvelables, incomparable dans la région. Aller de l'avant dans cette initiative, représente l'élément important de ma visite en Algérie et une mission commerciale composée d'entreprises activant dans le secteur d'énergies renouvelables visitera l'Algérie bientôt pour voir comment nous pouvons élargir les partenariats commerciaux mutuels. J'étais très impressionné par la stratégie ambitieuse des énergies renouvelables faite par le ministère de l'Energie et des Mines algérien et je comprends que le projet Desertec n'est qu'un élément dans la stratégie des énergies renouvelables de l'Algérie. Mais c'est une décision du gouvernement algérien. Le Royaume-Uni est un leader mondial dans l'expertise dans certains domaines de la technologie des énergies renouvelables. Comme cette relation se développe, je suis sûr que des entreprises britanniques chercheront à développer leur partenariat avec des entreprises algériennes. L'élément principal de ces partenariats sera le transfert des compétences et de technologies. A titre d'exemple, Petrofac, une entreprise britannique, fournisseur d'industrie pétrolière a construit un centre de formation dans ses établissements à Hassi Messaoud, qui cherche à donner à la population de Hassi Messaoud des compétences nécessaires pour travailler dans le secteur des hydrocarbures. A la fin de leur formation, on leur donne un certificat reconnu. J'approuve chaleureusement ce type d'initiative et je suis confiant que des sociétés britanniques adopteront de plus en plus ce modèle en élargissant leurs opérations en Algérie. |