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Les États-Unis, une croyance dans leur destinée planétaire Il est important de comprendre les intérêts américains dans le Proche et le Moyen-Orient et cette volonté de maintenir une mainmise coûte que coûte et aussi longtemps qu'il faudra, est liée aux gisements pétroliers que recèlent ces régions. A travers la commercialisation du pétrole, figure une donnée stratégique, le «libellé monétaire» du pétrole. Pour comprendre, faisons une analogie avec la Chine. Il est connu ces dernières années que ce sont les Chinois qui financent le gros des déficits courants américains. Et le gros des déficits provient aussi du solde commercial avec la Chine. Pour que les Américains continuent d'acheter les produits chinois, il est impératif que les derniers placent leurs excédents commerciaux en bons de Trésor américains. Ce placement en bons de Trésor permet aux Américains d'acheter leurs marchandises qui sont d'égale qualité et moins chers que les produits européens. Il faut quand même préciser que le recours à la planche à billets par les Etats-Unis, pour financer leurs déficits, ne ferait que déprécier le dollar et entraîner la fuite des capitaux. Donc la relation Etats-Unis-Chine est un passage obligé que certains économistes appellent «l'équilibre de la terreur». Pour le pétrole, facturé en dollars, une hausse des prix entraîne mécaniquement une hausse de la demande des dollars américains sur les marchés monétaires par l'Europe, la Chine, le Japon, et d'autres pays consommateurs de pétrole. Les pays pétroliers producteurs (Moyen-Orient et Afrique du Nord) enregistrent une hausse des recettes pétrolières, qui se traduit par des excédents commerciaux. Comme la Chine, ces excédents commerciaux des pays arabes doivent être investis en bons de Trésor pour financer les déficits courants américains. Si les excédents commerciaux de la Chine et des pays pétroliers arabes ne sont pas investis en bons de Trésor, les Etats-Unis ne pourraient plus financer leurs déficits. Conséquences : 1. Ils n'auraient plus d'intérêt à acheter des produits auprès de la Chine, tant les griefs sont nombreux (pratique déloyale des prix, ancrage du yuan, etc.). 2. Pour le pétrole, ils chercheraient à baisser les prix. Partant de cette donne, on perçoit mieux pourquoi la zone moyen-orientale est vitale pour l'Amérique. Et c'est là qu'entre Israël qui, en tant qu'acteur stratégique pour les Etats-Unis, doit maintenir un état de tension permanent dans cette zone. Car, il faut se dire que si la paix revenait dans cette région, les lobbies qui activent aux Etats-Unis et dans le monde seraient réduits à rien. A commencer par le lobby pro-israélien, et son obsession constante de maintenir les Palestiniens parqués dans des bantoustans, et pratiquer en toute impunité la politique de l'apartheid. En Afrique du Sud, il y avait un lobby blanc qui pratiquait l'apartheid, qu'est-il devenu ? Il a disparu ! Le lobby militaro-industriel aux Etats-Unis verrait son développement d'armements en régression. Le lobby pétrolier, qui, lui aussi, active dans les rouages de l'establishment américain et qui a besoin de la hausse des cours pétroliers pour ses investissements et ses dividendes, milite pour des tensions dans la région. Et cela sans prendre en compte le «libellé monétaire» qui sous-entend qu'il existe un autre lobby et peut-être le plus puissant, le «lobby financier aux Etats-Unis» ou «Wall Street». A ne prendre que le budget du Pentagone voté pour l'exercice 2009, il est passé en 2008 comme une lettre à la poste au Congrès américain, il dépasse le montant exorbitant des 600 milliards de dollars. Et l'on parle de crise financière aux Etats-Unis. Précisément, les besoins de l'épargne mondiale couplés à cette synergie lobbyiste permettent à la superpuissance de garder sa prééminence sur les autres puissances. Sur cette donne et son impact sur la politique extérieure, il n'y a pas de dissensions entre les Démocrates et les Républicains. Si dissension il y a, elle ne l'est que sur la «méthode». Les Etats-Unis croient qu'ils ont une destinée planétaire et que leur rôle, de par leur position, de leur histoire, de leur puissance et de leur culture, est d'influer sur l'ordre du monde. Des éléments diffus dans la conjoncture des premiers mois de 2009 Après cette mise en perspective rétrospective, il faut maintenant comprendre la conjoncture présente. Tout d'abord, comme il a été dit, le problème irakien est en cours de résolution. L'Afghanistan est dans une situation plus complexe, il est devenu un «défi» pour l'Occident, selon le terme du secrétaire américain à la Défense, R. Gates. Quel sens donner à ce terme «défi» ? Aujourd'hui, à part l'Iran et dans une moindre mesure, la Syrie, le monde musulman en général et le monde arabe en particulier ne peuvent guère influer sur les conflits proche et moyen-orientaux. Une question. Quel sens donner à la campagne militaire lancée par Israël contre le Hamas, le 27 décembre 2008 ? Et qui se termine la veille même de la prise de fonction du nouveau président noir américain, le 20 janvier 2009. Nombre d'analystes israéliens, ou amis d'Israël, ont tous été unanimes à dire que l'opération à Ghaza était improductive. Anthony Cordesman, un des analystes militaires les plus fiables du Moyen-Orient, s'interroge : «Israël s'est-il d'une manière ou d'une autre empêtré dans une guerre d'escalade sans un objectif stratégique clair, ou a-t-il au moins un objectif qu'il puisse atteindre de façon crédible. Israël finira-t-il par renforcer, politiquement, un ennemi qu'il aura battu en termes tactiques ? Les actions d'Israël compromettront-elles sérieusement la position des Etats-Unis dans la région, l'espoir de paix, de même que les régimes et les voix arabes modérés dans le processus ? Pour répondre sans ambages, la réponse jusqu'ici semble être oui». Cordesman conclut que «n'importe quel dirigeant peut adopter une position intransigeante et proclamer que les gains tactiques représentent une victoire significative. Si c'est tout ce que Olmert, Livni et Barak ont pour réponse, alors ils se sont déshonorés et ont porté un coup à leur pays et leurs amis». Et précisément, toute action a un objectif, surtout dans le domaine politico-militaire. Il n'y a pas d'actes gratuits ni de folie dans la guerre. Et s'il y a un objectif non avoué et crédible ? Ce qui change tout le jugement porté sur Israël. Deuxième question. Pourquoi l'Egypte se démène pour obtenir une trêve de 18 mois entre Israël et le Hamas avec pour toile de fond, une libération de plus d'un millier de détenus en échange du caporal israélien Gilad Shalit. Israël, selon les dernières informations, accepte de libérer quelque 1.000 prisonniers. Le Hamas demande la libération de plus de 1.400 prisonniers. Sans compter l'ouverture des passages frontaliers entre Ghaza et l'Egypte, placé sous la surveillance d'observateurs internationaux, un transfert de l'aide financière à Ghaza, et d'autres points qui restent à négocier. Que masque cette politique d'apaisement qui est sans rapport avec la politique israélienne menée deux mois auparavant ? Et pourquoi 18 mois, et non six mois comme précédemment ? Ou douze mois, ou plus ? Et à qui profite la trêve ? Si Israël négocie et pour une trêve, c'est qu'elle ne peut que lui profiter. Sinon pourquoi l'avoir rompue le 4 novembre 2008, lors de l'attaque aérienne menée dans la zone frontalière où six membres du Hamas furent tués, alors que, durant les six mois de trêve, il n'y eut aucune victime israélienne ? Si le Hamas avait demandé une trêve, il est sûr qu'Israël lui aurait imposé des exigences particulièrement contraignantes. Troisième question. Pourquoi les Etats-Unis envisagent désormais un retrait de l'Irak dans 23 mois au lieu de 16 promis par Barack Obama pendant la campagne présidentielle ? Dans une dépêche par Associated Press, il est fait état d'une solution intermédiaire possible de 19 mois, ce qui repousse à la fin 2010 le départ du dernier soldat américain. Pourquoi ces différentes options de calendrier ? La sécurité en Irak est-elle censée revenir à 23 mois et non 16 mois ? Ou 19 mois et non 23 mois ? Quatrième question. Pourquoi cet apaisement soudain de l'administration américaine envers l'Iran ? Ne prélude-t-il pas «une main de fer dans un gant de velours» ? Cinquième question. Pourquoi, lors de la 45e conférence de Munich en début de février 2009, le vice-président américain, Joe Biden, soulignait-il : «Si les Etats-Unis et la Russie peuvent avoir des désaccords, ils peuvent aussi travailler ensemble quand (leurs) intérêts coïncident, et ils coïncident dans beaucoup d'endroits.» De plus, il dit : «Je viens au nom d'un gouvernement nouveau qui est décidé à prendre un nouveau ton, non seulement dans les relations avec l'Union européenne, mais également à l'échelle planétaire.» La dimension planétaire ressort bien. Enfin, une troisième remarque. Joseph Biden a ainsi affirmé «qu'il n'était aucunement l'intention de la nouvelle administration américaine d'opposer l'OTAN et la construction d'une Europe de la défense». N'est-ce pas le signe que les Américains prennent désormais acte «de la nécessité d'avoir un allié fort», une évolution qui avait en fait commencé à la fin de l'administration Bush. Toutes ces questions font ressortir globalement que le monde va vivre une accalmie au moins jusqu'en 2010, date à laquelle le retrait américain d'Irak serait terminé. Que se passera-t-il après 2010 ? Et qu'en sera-il de la crise financière ? Le grand jeu en 2011 La situation ces dernières années a changé sur tous les plans et explique d'une certaine façon la crise financière mondiale. Et on sait pourquoi la zone moyen-orientale est vitale pour l'Amérique, mais elle est vitale aussi pour les autres grandes puissances, dont la Russie et la Chine. Pour ce qui est du lobby militaro-industriel américain, il n'est pas seul mais il y a bien trois lobbies. Les lobbies militaro-industriels, qu'ils soient américain, russe ou chinois, ont tous besoin de la guerre. Et tous se disputent le marché de l'armement mondial. Sans la guerre, ces lobbies périclitent et, donc, entraîneraient une décroissance de leurs PIB respectifs. Pékin comme Moscou seront plus soucieux, en cas de conflit armé entre l'Iran et les Etats-Unis, de regarder leurs intérêts respectifs, que de s'opposer aux Américains et alliés. Comme cela a été démontré dans le conflit Irak-Etats-Unis, une opposition tout au plus verbale. Les Américains passeraient outre, s'ils décidaient une guerre. De plus, une guerre est toujours un «test» pour voir les possibilités du potentiel militaire d'une puissance a fortiori les Etats-Unis, comme des limites qu'autorise le financement d'une guerre. Une guerre, ça se finance, la guerre du Vietnam a entraîné la fin de la convertibilité du dollar en or et une débâcle financière pour l'Amérique, au début des années 70. Le lobby pétrolier américain, lui aussi, n'est pas seul. Aujourd'hui, il y a deux autres lobbies, russe et chinois, qui activent dans les plates-bandes américaines. Les intérêts des lobbies russe et chinois sont contradictoires. Les Chinois cherchent un prix bas du pétrole, les Russes, le contraire. Sur cette donne, les «intérêts américains et russes coïncident», ils ne sont pas en «désaccords», les uns pour financer les déficits courants, les autres, pour une hausse des recettes pétrolières. Donc, en cas de conflit, et le détroit d'Ormuz, par où transite 40% de la production pétrolière mondiale, est perturbé, cela entraînerait une hausse immédiate des prix du pétrole. Ce sont d'abord les lobbies pétroliers américain et russe qui vont en profiter. Pour l'économie chinoise, elle a montré qu'elle peut supporter un cours de plus de 145 dollars le baril de pétrole - l'inflation ne joue plus comme dans les années 70 -, un coût à 200 dollars ne fera en fait que relancer l'économie mondiale et, donc, impulsera un nouveau souffle pour l'économie chinoise. Le lobby financier américain est aujourd'hui rejoint du lobby chinois. Les fonds souverains permettent de plus en plus une percée dans les finances occidentales, qui vient en complément de la politique monétaire chinoise et, bien moins perceptible, de la politique pétrolière. Il reste bien évidemment le lobby israélien. En bien des aspects, le lobby israélien est un «joker» au même titre que l'Iran, puisqu'il permet à cette situation de guerre permanente de perdurer, ce qui «satisfait tacitement toutes les grandes puissances». De là, on comprend pourquoi «la situation du problème israélo-palestinien ne se limite pas seulement à la Palestine», comme «les problèmes du monde arabe ne se limitent pas au seul monde arabe». Les questions de démocratie, et d'autres qui sont en suspens, que les Américains rappellent de manière récurrente, ne sont en fait que pour culpabiliser le monde arabe en particulier et le monde musulman en général. En d'autres termes, pour maintenir le monde arabe en état d'immaturité intellectuelle, un monde en somme arriéré et qui ne compte pas dans les grandes manoeuvres des puissances. Un pays arabe réellement démocratique serait un danger pour l'Occident. Le Liban était considéré dans les années 50 et 60 un Etat démocratique, un havre de paix, un lieu de dialogue privilégié, non seulement entre les Arabes et le reste du monde, mais souvent pour les Etats arabes entre eux. Et qu'est-il est devenu ensuite ? Un pays dévasté par Israël et l'Occident, son seul tort est son lieu géographique qu'il n'a pas choisi, le Proche-Orient. Aujourd'hui, la situation est encore plus complexe au Proche et au Moyen-Orient. Surtout avec l'Iran. Le formidable tapage médiatique occidental, qui lui fait dire ce qu'il n'a pas dit comme par exemple «raser l'Etat d'Israël», et d'autres inepties, fait que l'Iran ne sait pas qu'avec le «problème de l'enrichissement de l'énergie nucléaire», il est en train d'offrir un cadeau sur un plateau aux Etats-Unis comme le président Saddam l'avait fait, avant lui, en annexant le Koweït. En cas d'attaque, comme le laissent entendre les hauts placés du gouvernement, l'arme du pétrole sera utilisée par l'Iran par le «contrôle du Golfe persique», ce qui ferait monter les prix du pétrole. D'autre part, en dernière minute, avant un conflit armé, peut-il inverser la donne sur le plan de l'enrichissement nucléaire ? Il est peu probable, puisque avant lui, l'Irak, en envahissant le Koweït, pensait qu'il allait mettre les puissances devant le fait accompli. Ce qui est important de dire est que ni l'Irak, ni aujourd'hui l'Iran n'ont l'envergure de la Russie qui a envahi l'Ossétie du Sud, et encore, suite à une attaque de la Géorgie. De plus, l'Iran n'est pas la Corée du Nord. Se souvenir de la levée de boucliers du Japon, de la Corée du Sud, de la Chine quand les Etats-Unis ont menacé la Corée du Nord après 2003. C'est toute l'Asie derrière la Corée du Nord, même si celle-ci porte préjudice à l'Asie. En outre, à la différence de la Corée, l'Iran se trouve au coeur des ressources énergétiques mondiales. Et pour les Etats-Unis, le fait qu'ils doivent contrôler les ressources énergétiques du Moyen-Orient a été un principe de base de la politique étrangère. Ce n'est pas une question d'accès comme on l'entend souvent, mais une «question vitale». Ce qui veut dire que les Etats-Unis ne lâcheront pas prise, ils ne permettront pas à l'Iran de menacer son leadership dans la région, même si, aujourd'hui, les roulements des tambours de guerre se sont tus. L'Iran cherche aujourd'hui, à travers une reconnaissance de puissance régionale, à asseoir son régime islamique. Peut-il convaincre les Etats-Unis pour qui «volonté du peuple et pouvoir religieux, magistère du juriste théologien et démocratie ne se concilient pas» ? D'autant plus que son régime islamique n'est pas à son profit, comme le sont les régimes islamiques pakistanais ou séoudien. D'où la crainte américaine sur les ambitions nucléaires iraniennes. La situation de l'Iran est instable depuis la révolution de 1979. En vérité, c'est tout le Proche et le Moyen-Orient qui est instable, non pas depuis trente ans (1979-2009), mais depuis 60 ans, depuis la création de l'Etat d'Israël et les visées occidentales sur le pétrole dans cette région. Il n'y aura pas de solution pacifique ni sur le problème de l'Iran ni sur celui des bantoustans palestiniens. Et bien que l'Iran fait tout pour «envoyer des mauvais signaux», les Américains et les Israéliens, eux aussi, envoient des «mauvais signaux». Et en tant que membres de la communauté internationale, «leurs actes impliquent des responsabilités dans le grand jeu en 2011». Et si, comme le pensent les stratèges iraniens, qu'une éventuelle frappe contre les sites nucléaires iraniens ne ferait que retarder pour une courte durée le programme du pays et ne pourrait pas l'arrêter définitivement. Ou qu'«Israël soit à portée des missiles de la République islamique». En 1991, Israël était à portée des missiles irakiens. Les Américains ne s'arrêteraient pas pour cela. Cependant, au-delà de ce qui peut advenir, il y aura probablement des répercutions. Comme l'a dit la journaliste Ghania Oukazi, dans son article «Ghaza. Mahmoud Darwiche l'avait bien dit», le Quotidien d'Oran du 28 décembre 2008. «Pour le Moyen-Orient, la solution doit être à la guerre comme à la guerre. Rien n'avait servi d'aller à Annapolis, ni bien avant à Oslo ou à Camp David. Mahmoud Darwiche - Que Dieu ait son âme - l'avait bien dit, haut et fort». Il n'y a pas d'autres solutions... que d'amener ces puissances aux limites de leur puissance, comme cela a été pour les Etats-Unis au Vietnam, la France en Algérie, l'Afrique du Sud contre l'apartheid et tant d'autres pays qui ont combattu pour leur indépendance. Il en va de même pour la Palestine et pour tous les peuples opprimés et assujettis au joug des puissances. |