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La
victoire de François Fillon a soulagé ceux qui redoutaient Sarkozy II.
Pourtant, François Fillon est, sur beaucoup de thèmes, plus dur, plus à droite
que l'ancien président.
En remportant, haut la main, le premier tour de la primaire de la droite française, l'ancien Premier ministre François Fillon se place comme le grand favori pour le second tour, ce qui le met en orbite pour remporter la présidentielle, prévue en mai 2017. Le terne outsider, longtemps relégué en troisième, voire en quatrième positon, dans les sondages, a soudain été gagné par la grâce. En une soirée, est devenu l'homme qui émet de la lumière alors que, depuis de longs mois, tout le monde lui prédisait une fin de carrière politique bien fade. La France était convaincue que la primaire de la droite se jouerait entre le roi des sondages, Alain Juppé, homme politique français, le plus populaire, et Nicolas Sarkozy, celui qu'on déteste tant mais qui fait preuve d'une rare opiniâtreté, s'accrochant, à tout, pour se remettre en selle. Comme s'il considérait que le poste de président de la république lui appartenait de droit, et que tout candidat, autre que lui, ne serait qu'un usurpateur. Fillon ? Non, pas lui tout de même, disait-on. Sarkozy en avait fait un Premier ministre, mais le considérait comme un collaborateur. Pendant tout un quinquennat, il ne lui avait laissé aucun espace, l'humiliant régulièrement. Comment un homme, aussi insignifiant, pourrait-il rebondir pour écraser les cadors de la droite française ? Sa victoire éclatante permet de découvrir un homme qui baigne dans la vie politique, depuis bientôt quarante ans, mais dont la substance demeure un mystère! Son ton apaisé, son discours mesuré, son souci de ne pas faire de vagues, sa platitude, disent certains, en font un homme, apparemment, sans relief. C'est oublier que cet homme est plus à droite que Nicolas Sarkozy, sur les questions économiques. C'est un tatchérien, disent des analystes. Sur le plan social, il est très conservateur, le plus conservateur de tous les candidats. Catholique prononcé (catholique radical ne convient pas, semble-t-il), François Fillon est en fait, comme Nicolas Sarkozy, un identitaire, mais son discours policé occulte la réalité de sa pensée. Si Nicolas Sarkozy est plutôt a-religieux, reconverti gaulois, résolument tourné vers une hostilité de tous les instant à l'islamisme, François Fillon affirme, de son côté, que la France est un pays de la chrétienté menacé par l'Islam. De son point de vue, les choses sont claires : la France a une identité catholique. «Il n'y a pas de problème religieux en France. Il y a un problème lié à l'Islam», a-t-il déclaré, après avoir écrit un livre intitulé : «Vaincre le totalitarisme islamique». C'est dire que la question de «l'identité nationale» a bénéficié de supports très variés, en France, avant son couronnement: le Front National en a fait un thème permanent, Nicolas Sarkozy a adopté ce thème, par opportunisme politique, et François Fillon ramasse la mise derrière, au nom du petit peuple catholique de province. Idées de Donald Trump et sourire de Hillary Clinton. François Fillon apparaît comme un Donald Trump sans la vulgarité et les excès de langage du président élu américain ; c'est un Sarkozy sans bling-bling ni frasques. Il n'a pas hésité à soutenir que le système colonial avait entre autres objectifs de transmettre la culture occidentale chez les anciens colonisés, ce qui en fait un partisan résolu de la fameuse théorie des bienfaits du colonialisme. François Fillon est un partisan d'une ligne dure contre de nombreuses catégories vulnérables : il propose de supprimer pas moins d'un demi-million de postes de fonctionnaires, et s'attaquer, de différentes manières, à ceux qui sont supposés tirer profit de l'aide sociale. Il soutient que les gens doivent travailler plus, plus longtemps. Pauvres, musulmans, petits revenus, « la France d'en bas » a de quoi s'inquiéter. Tatchérisme économique, conservatisme social, ligne dure dans les rapports avec l'Islam, mais modération dans le ton, pour ne pas faire peur : c'est le contre-exemple Sarkozy. La France a détesté son ancien président, mais elle a adopté ses idées. Dans un élan remarquable, cette même France a affirmé son penchant pour les idées de Donald Trump, portées par le sourire de Hillary Clinton. En ce sens, François Fillon fait mieux que Donald Trump. |
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