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Après le
référendum sur le Brexit, l'année à venir va voir de
nombreuses élections dans quelques grands pays occidentaux aux résultats et aux
conséquences très incertaines
Lundi dernier, en marge du sommet du G20 qui se tenait en Chine, Barak Obama et Vladimir Poutine se sont longuement entretenus. Sur l'imbroglio syro-irakien bien sûr. Il s'agissait certainement du dernier tête-à-tête entre les deux hommes puisque dans deux mois, Barak Obama va céder sa place à la Maison-Blanche après des élections présidentielles américaines qui n'ont pas fini de révéler leur lot de surprises. Clinton ? Trump ? Barak Obama aurait pu tenter dans un dernier geste de trouver une avancée sur le conflit syrien : obtenir un nouveau cessez-le-feu, malgré l'échec patent des précédents ou lever le blocus sur Alep. Mais les discussions entre les deux présidents n'ont pu aboutir. Washington a depuis accusé Moscou d'avoir «fait marche arrière» sur certains points dans les négociations. Moscou et Washington, qui effectuent séparément des frappes contre les jihadistes en Syrie, sont notamment en désaccord sur le sort du président syrien Bachar al-Assad, tandis que le régime de Damas continue de cibler l'opposition syrienne avec le soutien russe. Le conflit syrien s'est encore compliqué en cette fin d'été par l'intervention de plus en plus direct de l'armée turque. L'opération « Bouclier contre l'Euphrate », décrétée par Erdogan après la mystérieuse tentative de coup d'état en Turquie, vise essentiellement les forces kurdes en Syrie, et beaucoup plus marginalement les troupes de Daesh et les groupes islamistes radicaux qui interviennent en Syrie. Obama semble pourtant avoir été contraint d'abandonner ses alliés kurdes pour ne pas froisser son allié dans l'Otan, Ankara. Mais surtout à deux mois d'une élection qui reste très ouverte, il ne peut guère prendre de décisions hardies. Vladimir Poutine qui n'a pas la pression d'un calendrier électoral, doit regarder cela avec beaucoup d'amusement. Jouant une vraie-fausse alliance avec Erdogan, il a même profité du G20 pour réamorcer une normalisation des relations avec ses pairs occidentaux. Objectif ? Assouplir très vite les sanctions internationales que la Russie avait subies après la crise ukrainienne et l'annexion par Moscou de la Crimée. Plusieurs scénarios après le vote du Brexit Le 23 juin dernier, 51,9% des électeurs britanniques ont entériné la sortie officielle du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le choix in fine des citoyens britanniques a semble-t-il, sidéré autant leurs parlementaires nationaux que les responsables européens. Mais le peuple est souverain. Et le voilier britannique reprend fièrement son indépendance et va voguer en toute liberté vers le grand large. Non ! Ca, c'est le film? En réalité, on rentre dans une phase d'immenses tractations entre le sortant et le reste de l'UE qui prendra de nombreuses années. Neuf, disent les plus pessimistes. La nouvelle Premier Ministre qui vient d'être élue à la suite du Brexit, Teresa May part à la négociation avec un sérieux atout en poche. Dans la réglementation en cours dans l'Union Européenne, le pays sortant est libre de faire quand il le veut sa demande officielle de sortie à la Commission européenne. Et Theresa May n'est pas du tout pressée d'appliquer rapidement ce dispositif de sortie, dit de l'article 50 du traité de Lisbonne. Elle veut prendre tout son temps pour obtenir le meilleur des ses ex-partenaires européens. La chef de l'exécutif britannique Theresa May souhaite ainsi obtenir «le meilleur accord pour le commerce, les biens et services avec l'UE», en clair pouvoir conserver un libre-accès total des produits britanniques au juteux marché européen. Un statut semblable à ceux de la Suisse ou de la Norvège, avec une zone garantie de libre-échange avec l'UE. La grande contrepartie que réclame les Européens, outre une sortie rapide, c'est que les Britanniques acceptent de leur côté le principe de la libre circulation des personnes, c'est-à-dire d'abord des Européens sur le sol britannique. Le Royaume-Uni compte 3,3 millions de citoyens de pays de l'Union européenne dont quelque 800.000 Polonais, et quelques 500 000 français. Tous ces Européens occupent de nombreux emplois et leur concurrence expliquent en partie le choix des électeurs pro-Brexit. Autre tractation en perspective, 1,3 millions de citoyens britanniques vivent dans l'UE dont une grande majorité de retraités qui ont choisi la France et l'Espagne? L'autre grand dossier très sensible entre Londres et Bruxelles, est l'immigration hors UE. Et la situation explosive que vit Calais, une ville portuaire dans le Nord de la France est à l'image des complexités en cours. Dans cette agglomération se sont concentrés dans les derniers mois selon les associations humanitaires, 9000 migrants en provenance principalement du Moyen-Orient et de l'Afrique. Ces derniers parqués dans des conditions misérables sur le « camp de la Lande » dit « la Jungle » n'ont qu'un espoir, une volonté : rejoindre l'Angleterre. Si l'on compte le camp de Grande-Synthe, près de Dunkerque, et les multiples implantations sauvages dans plusieurs agglomérations côtières, ce sont au moins 12000 déracinés qui se concentrent dans la région, dans l'espoir de rejoindre la Grande-Bretagne. Et leur nombre croît sans fin : ils n'étaient selon les mêmes ONG, que 4500 au début de l'été? Il est peu de dire que les autorités françaises, gendarmerie et services sanitaires commencent à être totalement débordés, que la délinquance augmente dans cette population démunie de tout, et que les Calaisiens ont dépassé les limites de leur ras-le-bol. De plus en plus de voix s'élèvent contre « l'accord du Touquet ». Quel est cet accord signé par Paris et Londres? »En 2003, la France et la Grande-Bretagne se sont mis d'accord pour contrôler leurs frontières côte à côte. La France a installé des gardes-frontières à côté de ceux des Anglais en territoire anglais et inversement. La conséquence directe, c'est que les agents britanniques ont la liberté de refuser le passage des migrants s'ils estiment que les conditions ne sont pas remplies et cela crée donc un engorgement à Calais», explique le journaliste Arnaux Comte. Bref, les gendarmes français font le boulot des douaniers anglais pour stopper des migrants qui veulent rejoindre « l'eldorado anglais ». Mais surtout, il n'y a pas réciprocité : la Grande-Bretagne étant une île, il y très peu d'immigrés hors UE qui viennent d'Angleterre pour passer en France et rejoindre l'Europe. En France, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer ce traité inégal et certains souhaitent dorénavant laisser passer les migrants vers la Grande-Bretagne. On imagine le bousin qui pourrait se dérouler sur la Manche? Sondages incessants : les Français deviennent chèvres La crise de Calais tombe évidemment mal pour le gouvernement Hollande tant la question de l'immigration a pris une énorme place dans la campagne qui a démarré pour l'élection présidentielle qui se déroulera au printemps prochain. Les attentats terroristes et notamment celui de Nice ont aggravé les tensions dans un pays pourtant qui a une vieille tradition d'intégration des populations migrantes depuis plusieurs siècles. Le 22 août dernier, un sondage Ipsos révélait que 57% des Français estiment qu'il y a trop d'immigrés en France et seulement 11% trouvent que l'immigration a un impact positif. Dans le même sens, pour 54% des sondés, l'immigration force la France à adopter des changements qui leur déplaisent et 60% des personnes interrogées estiment même que l'immigration a un impact négatif sur les services publics. Concernant plus particulièrement les réfugiés, sujet qui préoccupe l'Europe depuis plusieurs années, les Français sont 63% à penser qu'ils ne «pourront pas s'intégrer» et 45% voudraient la fermeture des frontières aux réfugiés. Les personnes interrogées pensent même à 67% que «des terroristes se font passer pour des réfugiés pour entrer dans l'hexagone». Inversement, ils sont 54% à estimer que la plupart des personnes se présentant comme des réfugiés «n'en sont pas véritablement». Les innombrables candidats de droite et de gauche qui se pressent au guichet de la présidentielle sont d'autant plus prêts à polémiquer sans fin sur l'accueil ou non des réfugiés ou même sur des sujets aussi loufoques que la « burkini », qu'ils sont incapables d'apporter la moindre réponse aux véritables inquiétudes des Français : la situation économique et sa dégradation continue depuis plusieurs années. Autre sondage récent, un Français sur deux craint de connaître personnellement la pauvreté dans les prochains mois? Et peu de solutions surgissent : croissance zéro au second trimestre (et 9,6% de chômage) et l'espérance d'un retour à +1% est largement insuffisant pour un redémarrage de l'économie. Difficulté supplémentaire et majeure, le gouvernement même s'il voulait changer radicalement de politique, devrait continuer à obéir aux contraintes de l'Union Européenne, partisan absolu des vertus de l'orthodoxie budgétaire et opposé à toute relance par le déficit. L'autre difficulté est l'organisation du mandat présidentiel français. En 2000, à la suite d'un référendum organisé par le président Jacques Chirac, la durée du mandat présidentiel est ramenée de sept à cinq ans. Il s'agissait également d'aligner le mandat présidentiel sur celui des députés (cinq ans) et, en même temps, de s'assurer de la synchronisation des deux élections par une loi électorale. Les dispositifs sont par 73,21% des électeurs, malgré une très forte abstention. L'idée parait à l'époque plutôt bonne et efficace mais elle a quelques défauts : dans un régime français qui est déjà très présidentiel, la modification constitutionnelle transforme le chef de l'État surtout en chef de sa seule majorité ; elle limite beaucoup les capacités d'ouvertures et d'alliances parlementaires. Et si l'on rajoute la vogue des « primaires » qui s'est établi depuis, on peut penser que la dernière année du mandat présidentiel est de plus une simple année de campagne électorale, peu propice aux vraies décisions. Du coup, confrontés à un nombre croisant d'apprentis candidats à la présidence de la République (une quarantaine au bas mot) qui, pour se distinguer les uns des autres, se sentent obligés de radicaliser d'autant plus leurs discours et de proposer des solutions de plus en plus absurdes ou totalement infaisables, les Français deviennent chèvres et répondent n'importe quoi à des sondages qui leur demandent tous les jours n'importe quoi : fin aout, selon un sondage BVA près d'un Français sur trois se déclarerait favorable à un retour du roi à la tête de la France ! Pour 37% des personnes interrogées, le gouvernement serait plus stable ! Et dire que la monarchie a été abolie il y a 168 ans? Alerte pour Angela Merkel Dimanche dernier, des élections partielles se déroulaient dans le petit Land allemand de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, le long de la Baltique. Les électeurs ont surtout décidé de punir sévèrement la très populaire Angela Merkel. Non seulement le parti de la Chancelière, le CDU, s'effondre à 19% des voix mais il se fait doubler par l'AFD, la nouvelle extrême droite allemande, qui se présentait pour la première fois dans la région et ratisse d'un coup 20,8 % des voix. Un résultat spectaculaire : l'AFD est, du jour au lendemain, propulsée deuxième force politique après le SPD. Cette élection équivalait en réalité à un référendum : pour ou contre l'accueil des réfugiés dont l'arrivée massive (plus d'1 million en un an) est selon le ressenti des électeurs allemands, en train de transformer profondément et négativement leur pays. C'est en Chine, où elle assistait au sommet du G20, qu'Angela Merkel a pris connaissance de ces résultats à un an des élections générales, d'autant plus catastrophiques pour elle que c'est son Land d'origine. Pourtant, elle n'en démord pas : en pleine décroissance démographique, et sans l'appui de l'immigration, l'économie allemande aurait manqué de 800 000 travailleurs essentiels à son développement et son succès. |
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