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La
saison estivale ne faisant que commencer, les fausses annonces fondent au
soleil l'une après l'autre. De l'interdiction des solariums, des «messieurs
plages» garants d'un petit séjour sans casse-tête au bord de la mer, des camps
de toile en guise d'alternative à la location immobilière, des bateaux-taxis Oran-Corniche?
il n'en est rien finalement. La grosse désillusion, elle, se situe ailleurs.
Sur la route, en fait.
L'on est allé dans la série d'engagements à la légère jusqu'à promettre une circulation fluide entre Oran et son littoral ouest pour l'été 2016, grâce à la mise en service de la nouvelle liaison autoroutière RN2-Corniche supérieure. Une annonce que contredisait pourtant de manière tranchante la cadence d'évolution de ce chantier. Pas besoin de sortir de l'Ecole Ponts Paris Tech pour conclure, aujourd'hui encore, au vu de ce qui reste à réaliser, que la nouvelle desserte montagneuse ne sera pas menée à bout de sitôt. Même pas avant la fin d'année. Mais au-delà de cette «myopie» -chez ceux-là mêmes qui sont censés être précis dans leurs projections et réservés dans leurs déclarations- dans l'anticipation de l'échéance de livraison à partir de la situation physique et le planning du chantier, le plus aberrant est ce mot trop fort : « Circulation fluide ». Dans l'absolu, comment peut-on fluidifier une voie routière arrivée à saturation en résorbant seulement une partie des points noirs, à savoir pour le cas d'espèce le segment à partir de l'entrée de Mers El-Kébir ? Il aurait été plus sage de parler d'atténuation de la pression, de désengorgement partiel du trafic. Ce qui serait déjà une bonne chose pour cette destination à grand trafic mais qui, paradoxalement, n'a jamais fait l'objet d'un projet adéquat. On n'en est pas encore là et, pour l'heure, tout le problème est comment alléger un tant soit peu la situation qui tend à s'accentuer, notamment avec le début du rush estival (les grandes arrivées des émigrés mais aussi le déferlement massif des touristes locaux, deux phénomènes qui passent d'habitude à la vitesse supérieure dès la mi-juillet : période des congés, affichage des résultats des examens?). En effet, les grosses difficultés ne font que commencer, abstraction faite des récurrents, mais sans grande ampleur, embouteillages de «week-end» et d'autres journées de pic de chaleur que connaît la Corniche depuis la fin du mois de ramadhan. Tronçon Mers el-Kébir : le pire des points noirs Ce n'est pas de l'anticipation «théorique», c'est un fait. A peine l'Aïd el-Fitr passé, les plages ont été prises d'assaut, d'un seul coup. Il n'en fallait pas plus pour que la Corniche réveille ses vieux démons : les bouchons, les encombrements, les manœuvres de chauffards, les jeux de cascade des motards risque-tout, la montée d'adrénaline, le bruissement des moteurs et les coups de klaxon stridents durant toute la nuit, les accidents, les disputes et bagarres, les vols à la sauvette et à la roulotte? Autant d'effets directs et collatéraux -accrus par l'incivisme il est vrai- d'une route obsolète, en mal de normes et d'espace, qui ne répond plus à la demande depuis plusieurs années déjà. C'est donc du pareil au même, cette année encore, du «copier-coller» par rapport aux saisons estivales précédentes. Un peu pire même, par endroits du moins. C'est le cas notamment du tronçon de la RN2 (dite aussi route des tunnels) longeant Mers El-Kébir, précisément de Sainte-Clotide au virage de l'Escargot (dit aussi Vieux Port). Connu pour être un goulot d'étranglement, en temps normal, malgré son dédoublement sous forme d'une section autoroutière de 2,5 km il y a une vingtaine d'année, ce segment a franchi un cap en termes d'impraticabilité à cause du chantier de l'échangeur mastodonte qui s'y trouve. L'ouvrage d'art, grosse masse de béton au tablier courbé et en pente, dont la structure est presque finie et n'attend que la jonction-route pour desservir le flux, a imposé des restrictions, fort incommodantes, pour le trafic dans les deux sens. La «faute» n'est pas dans ce gigantesque pont en soi, loin de là, mais plutôt dans le fait qu'il soit fin prêt -physiquement parlant- mais non-opérationnel du fait que la nouvelle route (voie d'évitement) qu'il aura à desservir est encore en cours de réalisation. Conséquence : étant non fonctionnel, cet échangeur aux immenses poteaux d'appui implantés dans ce qui fut le terre-plein de la section autoroutière RN2 devient tout simplement un objet encombrant, presque un cul-de-sac. Dans l'empressement de rattraper un gros retard, suite au coup de gueule du wali au détour d'une visite d'inspection au chantier, accompagné de décisions de cessation de fonction ou de fin de mission pour certains responsables du projet (aussi bien du côté de l'entreprise de réalisation ENGOA que du côté du maître d'ouvrage, la DTP, et le bureau de contrôle et de suivi BCS), l'on a oublié, ou plutôt sous-estimé, l'élément très important : la circulation temporaire. Dans l'empressement on oublie le plus prioritaire Résultat : le tronçon longeant le chantier, et même bien au-delà, s'est transformé en point noir. C'est pire qu'il ne l'était en temps ordinaire. C'est tout le segment de 2,5 km, s'étendant du poste de contrôle fixe de la Gendarmerie nationale à hauteur de Sainte-Clotide jusqu'à l'entrée de Mers El-Kébir, qui en subit les désagréments. C'est que le plan de déviation conçu pour réguler la circulation provisoirement n'a de plan que le nom. C'est plutôt un «non-plan». Si des restrictions étaient inévitables, d'aucuns ne pourraient en revanche comprendre comment on a transformé un long tronçon de voie en double-sens après la fermeture de l'autre voie, «bouffée» par le chantier, alors qu'il existe bel et bien suffisamment d'espace côté gauche (flanc opposé à la base navale, côté ancienne chapelle de Longs-Champs) pour en créer facilement une autre. Prenant enfin conscience de cette grosse bêtise, l'on a essayé de rectifier le tir à la dernière minute. Mais une sottise en chassant l'autre, la voie de dégagement fraîchement créée ne semble pas faire bon ménage avec le périmètre de sécurité de la caserne militaire d'à-côté, comme en témoignent les barrières et autres dispositifs ralentisseurs disposés anarchiquement. L'absence de signalisation temporaire adéquate (lumineuse le cas échéant, pour indiquer la déviation au niveau de cet axe très mal éclairé et qui enregistre un afflux important durant la nuit) est l'omission de trop. Si cette partie de la route donne le tournis aux automobilistes, ça ne circule pas pour autant comme sur des roulettes sur le reste de l'itinéraire. Petite analyse par parties. Le tronçon «Bastos-Pêcherie» s'encombre quotidiennement, notamment durant la tranche horaire 11h-14h, restaurants spécialité poissons aidant, mais aussi et surtout en raison de l'entrée-sortie du port, à l'occasion des arrivées-départs des car-ferries. Le tronçon «Fort Lamoune-Sainte Clotide» oscille entre encombrement et embouteillage à cause entre autres du chantier de confortement du massif rocheux (mise en place d'un grillage anti-éboulement sur la falaise) toujours en cours. Le tronçon «Mers El Kébir-Saint Rock» se resserre et se desserre au gré du thermomètre, du rush et des «humeurs» des micro-chantiers qui s'y déroulent. Et au goût des demi-mesures à l'improviste qui s'y opèrent pour défaire les bouchons. Ça circule mal partout Enfin, la Corniche supérieure, chargée malgré elle de fonctions «intérimaires» qui pèsent trop sur ses frêles épaules (utilisée en tant que déviation, détour et dérivatif basculant entre le mode facultatif et le mode obligatoire imposé par le Plan Delphine de la Gendarmerie nationale aux heures de forte tension sur la desserte principale), est visiblement sous forte pression et n'arrive plus à supporter l'incommensurable flux qui se rabat sur elle dans les deux sens. Les scènes d'encombrement qui ont lieu, tout au long de la ligne longeant El-Hassi sont entre autres symptômes du surpoids et du surmenage dont souffre ce double chemin de wilaya surexploité. Et dans cette inadéquation entre l'offre (en termes d'infrastructures routières) et la demande (en termes de trafic réel), une batterie de scénarios-variantes, pour le moins irréfléchis, pour faire face à la saison de baignade, tombent à l'eau par une simple expérience mentale, s'auto-excluent par elles-mêmes, car heurtant la logique, le bon sens même. On en cite la variante suggérant la déviation du flux venant de «Coca», à hauteur de l'intersection CW45/CW44, vers la RN2 en passant par le CV1, chemin -plutôt sentier- grossièrement réhabilité depuis peu, traversant la localité de Mers El-Kébir dans le sens de la verticale, et qui est fort mal commode, comparativement avec l'ampleur du flux devant transiter par là. On en cite aussi la proposition «surréaliste», dont la légèreté du raisonnement est d'autant étonnante qu'elle vient d'un chef de collectivité locale, suggérant la fermeture partielle (dans un sens) de la route de la Corniche à partir de 17h. Ceci alors que les autorités locales sont engagées dans un contre-la-montre pour réceptionner le projet de la liaison autoroutière qui contournera Mers El-Kébir pour déboucher sur la Corniche supérieure. Après avoir perdu beaucoup de temps dans la phase «escalade», on prend enfin toute la mesure du retard accusé et on veut réaliser une «descente» ultrarapide du col. Avec comme objectif : atteindre la ligne d'arrivée, la livraison de l'ouvrage tout entier, «fin septembre prochain», selon la DTP. C'est en tout cas l'échéance annoncée par devant le premier responsable du secteur, Abdelkader Ouali, lors de sa dernière visite. La solution «partielle» qui tarde à venir Si on avait prêté à ce projet la même attention ?et, partant, le même accompagnement- qu'on lui prête depuis le pressing mis par l'actuel chef de l'exécutif local, il aurait abouti il y a bien longtemps. Et le ministre des TP ne serait pas venu le 10 mai dernier à Oran pour voir des bulldozers et des brises-roches en train de mettre à plat ce qui subsiste des 5 kilomètres du massif montagneux mais plutôt une autoroute neuve déjà en service. On n'en est pas là, pour l'instant, et il faudra prendre au mot l'engagement de livraison, bien qu'il apparaisse assez ambitieux. On met de côté la partie autoroute qui s'est presque frayée son chemin de bout en bout dans le mont, à coups d'engins et d'explosifs, et on lui ajoute l'échangeur via la RN2 qui en est aux dernières retouches. Mais qu'en est-il de la jonction en route, les deux autres ouvrages d'art entre viaduc et passage supérieur au-dessus d'un oued à sec à hauteur de Haï Ouarsenis, ainsi que l'expropriation d'une petite bande de terrain d'une propriété agricole privée sise au lieudit « Aïn Khedidja» ? Si le lot jonction en route sur près d'un kilomètre en pente ne pose pas vraiment problème, les deux autres points cités, en revanche, eux, posent quelques soucis. Le non-règlement du dossier expropriation, dont une première proposition d'indemnisation avait été refusée par la propriétaire des lieux est source d'interrogations. Abstraction faite donc de l'achèvement de près de 20% du linéaire montagneux, d'un petit tronçon routier en guise de trait d'union entre l'autoroute et l'échangeur et de quelques «bricoles» à ce niveau, livrer le projet dans sa globalité vers fin septembre, d'après l'engagement du maître d'ouvrage, revient à dire que tous les lots qui restent seront achevés en quatre petits mois. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on aura fort à faire pour être au rendez-vous. Bateaux-taxis : trop de pub pour un si petit moyen de transport L'idée d'une liaison maritime Oran-Corniche, qui devait être concrétisée par un projet dont l'aboutissement était -pompeusement- annoncé pour cette saison estivale, relevait plus de l'esprit politique démagogique que du pragmatisme économique. De par sa teneur et son énoncé, cette idée était venue surtout pour donner un stimulus au vieil esprit d'immobilisme, où la mer, surchargée malgré elle d'impératifs et de restrictifs, était presque interdite aux hommes pour faire la navette ou pratiquer la plaisance. La grande bleue n'était bonne, chez-nous, que pour se rincer l'œil à partir de la fenêtre de sa voiture. Mais fort peu pour faire de la plaisance et jamais pour faire un raccourci. En saison estivale, la mer était un point de chute, une destination, point barre. En été comme en hiver, seul le «monomodal» urbain par voie terrestre est possible. Usée et asphyxiée, la route en corniche datant de l'ère coloniale n'en pouvait plus. A part le dédoublement d'un tronçon de 2,5 km à hauteur de Mer El-Kébir et la mise en place d'un filet anti-éboulement sur le talus, aucune opération sérieuse pour la mise à jour de cette desserte n'a été faite jusqu'ici. Même l'action impérative et impérieuse d'élargissement de l'axe entre l'usine désaffectée de la SNTA (ex-Bastos) et le tunnel, pour défaire le goulot d'étranglement qui s'y forme à chaque flux, n'a pu être menée par les pouvoirs publics, comme le suggérait une étude de la DTP, et ce devant la résistance opposée par une poignée de restaurateurs spécialité poissons, dont la plupart sont locataires chez la mairie. Un cas d'école de l'utilité publique à deux vitesses. A défaut donc de pouvoir intervenir sur le sujet, on multiplie les traitements de lifting qui n'en finissent pas : on fait, défait et refait bordures, ronds-points et balustrades, à coups de PCD. L'embouteillage demeurant donc un mal endémique de cette voie routière dont on veut cacher les rides et les tâches de vieillesse avec un grotesque maquillage rajeunissant, l'intérêt devait être porté ailleurs, vers le projet de la nouvelle Corniche supérieure. Et là, on a pour le moment un ouvrage d'art qui attend une section pour lui être raccordé et boucler la boucle du futur évitement de Mers El-Kébir. Ce n'est pas pour demain. On est donc en pleine période des grandes chaleurs sans voir venir ces fameux bateaux de transport urbain, officiellement annoncés avec tant d'effet en début d'année. Renseignement pris : «Le projet a été reporté à l'année prochaine, la plateforme portuaire et logistique n'étant pas prête pour cet été». Le problème n'est pas tant dans cette fausse annonce d'échéance que dans l'illusion d'optique qui entoure les objectifs réels de ce dispositif. Qu'on se détrempe ! Il ne peut s'agir, dans le meilleur des cas, que d'un mode de transport de plaisance, mais en aucun cas d'un moyen de transport en commun alternatif. Ce qui n'est pas rien en soi, loin s'en faut. A court terme, en tout cas, l'objectif n'en est pas de désengorger la voie routière desservant cette destination balnéaire. Pour la simple raison que deux navires de 300 places seront affrétés par l'ENTMV en phase de démarrage, soit une capacité de 600 places. On peut multiplier ce chiffre par une fréquence de 10 rotations/jour, soit 6.000 personnes, cela reste tout de même «symbolique» par rapport à l'énorme flux quotidien moyen (plusieurs dizaines de milliers) qui transite par voie terrestre. Or, à l'avenir, si cette liaison par mer venait à être renforcée en flotte, avec en amont l'entrée en jeu d'opérateurs privés, pour répondre à une éventuelle hausse de la demande, à ce moment-là, oui, on pourrait parler de mode alternatif et de moyen d'atténuation du trafic routier. |
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