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Où partir quand le soleil te tue ?
par Moncef Wafi
Où passer
ses vacances quand on a uniquement comme bagages un délit de sale gueule, un
passeport suspect et une religion explosive ? Les vacances en Algérie, ou du
moins pour l'Algérie d'en bas, celle de l'arrière-cour et des douars, se
limitent à rôtir sous le soleil et voir les jours mourir de vieillesse. Les
vacances sont un prolongement de tous les mois, des années passées à essayer de
survivre pour ne pas se noyer dans un jerrican d'essence ou jouer à la roulette
russe en embarquant sur un boat-people en direction d'ailleurs. N'importe où
mais pas ici à attendre que ta vie arrive à son terme. Passer des vacances en
Algérie, c'est mourir noyé dans des retenues d'eau, des bâches d'eau ou dans
les puits puisque, historiquement, l'Algérien ne sait pas nager. Sauf dans les
eaux troubles pour ceux qui ont compris comment tourne le pays. C'est se jeter
dans les eaux des barrages puis couler comme une pierre inutile parce qu'il n'y
a nulle part où aller ou que le maire du patelin a décidé de fermer la piscine.
Comme ça, parce que personne ne rend de compte à ce peuple. Passer des
vacances, c'est partir en colonie pour les plus chanceux des démunis. Dormir
dans des dortoirs, serrés les uns contre les autres pour bien sentir sa misère,
se battre contre des moustiques voraces, manger un bout de pain avec de la
pastèque irriguée à l'eau des égouts et se baigner sous le regard sévère des
autres estivants. C'est se bagarrer avec les parkingueurs,
propriétaires de la plage, parce que vous vous faites blouser. Parce que l'Etat
a décrété que les plages sont gratuites mais pas pour toi. Parce que des
énergumènes forts de gourdins et d'une vengeance facile vous gâchent votre
après-midi alors qu'en Tunisie on n'hésite pas à les mettre en prison. Passer
ses vacances en Algérie, c'est regarder les autres s'amuser, les nantis de la
République bronzer sous le soleil et profiter des privilèges gratuits que leur
offre le poste de papa ou les relations de maman. C'est rêver à un visa pour la
France en maudissant le soir où t'a applaudi le Portugal. C'est regretter de
naître dans un pays qui te rappelle chaque jour que tu n'es qu'un citoyen de
seconde zone, une statistique nationale bonne à inscrire sur les listes
électorales. Passer ses vacances en Algérie, c'est cogiter pendant un mois à
craindre la fermeture de ton usine ou un chômage technique. Et puis tout compte
fait, il vaut mieux sacrifier des vacances dans un pays qui ne travaille
jamais.
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