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par Emmanuel Macron(1), José Manuel Barroso(2) Et Mohamed Cheikh El Ghazouani(3) PARIS
- Beaucoup évoquent aujourd'hui un recul du multilatéralisme. Or, nous ne
pouvons pas laisser le repli et la fragmentation prendre le dessus. Qu'il
s'agisse du changement climatique et de l'effondrement de la biodiversité, des
conflits et tensions géopolitiques, ou des turbulences qui malmènent le monde
actuel, nous savons que des formes nouvelles et renforcées de coopération
mondiale sont nécessaires pour surmonter les défis mondiaux. De réels motifs
d'optimisme existent heureusement quant à la capacité de nouveaux partenariats
innovants à façonner un monde meilleur. Et c'est sans doute dans nos efforts
collectifs d'amélioration des résultats en matière de santé mondiale que le
bilan et les fruits potentiels du multilatéralisme sont les plus remarquables.
Au cours des dernières décennies, le multilatéralisme, la solidarité et les partenariats ont abouti à d'éclatantes victoires contre les maladies infectieuses, transformant la vie de certaines des communautés les plus marginalisées au monde. Le taux de mortalité infantile mondial a ainsi diminué de moitié depuis l'an 2000, la vaccination figurant parmi les principales raisons de cette évolution. Peu d'actions s'annoncent aussi prometteuses pour l'humanité dans les années à venir que la vaccination. Les avancées scientifiques ont conduit à de nouveaux vaccins plus efficaces, notamment au tout premier vaccin au monde contre le paludisme, qui est actuellement déployé dans plusieurs pays africains. L'innovation joue par ailleurs un rôle clé dans la possibilité pour plus de pays que jamais auparavant de produire et d'accéder aux vaccins. Le 20 juin, à un mois des Jeux olympiques et paralympiques qui rassembleront le monde, un certain nombre de dirigeants issus de gouvernements nationaux, de la société civile et du secteur privé se réuniront à Paris dans le cadre de l'événement « Protégeons notre avenir : Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales ». Coorganisé par la France au nom du réseau Team Europe (qui inclut l'Union européenne, les États membres de l'UE, la Banque européenne d'investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement), de l'Union africaine (UA) et de Gavi, l'Alliance du vaccin, cet événement incarne l'esprit de solidarité qui sous-tend ces accomplissements. La moitié de l'Afrique souffrant actuellement d'une nouvelle épidémie de choléra, maladie devenue endémique sur le continent en conséquence directe du changement climatique, il s'agit là d'une démonstration de plus, après le COVID-19, de la nécessité d'un approvisionnement en vaccins plus prévisible et plus accessible pour les pays en voie de développement. Le Forum a pour ambition de marquer le début d'une nouvelle ère pour la vaccination et l'équité, à l'heure où Gavi élabore son plan visant à protéger davantage d'enfants contre plus de maladies que jamais auparavant. Aujourd'hui dans sa 25e année d'existence, Gavi a déjà vacciné plus d'un milliard d'enfants dans les pays à revenu faible - soit un huitième de l'humanité. En chemin, Gavi a contribué à empêcher plusieurs millions de décès, libéré l'équivalent de centaines de milliards de dollars en bienfaits économiques, et participé à la prévention ainsi qu'à la réponse aux épidémies de maladies nouvelles et réémergentes. Nous souhaitons qu'à l'avenir les vaccins jouent un rôle plus important encore dans la protection de tous (un vaccin contre le cancer du côlon est actuellement testé au Royaume-Uni) et dans le développement des pays. Les vaccins revêtent une utilité essentielle dans la réduction du risque de résistance aux antibiotiques, et lorsqu'il s'agit d'aider les États à s'adapter au changement climatique, ils confèrent une protection contre les épidémies de maladies véhiculées par l'eau, telles que le choléra, ainsi que de maladies transmises par les moustiques, telles que le paludisme et la fièvre jaune, toutes susceptibles d'être provoquées par les inondations, les sécheresses et l'augmentation des températures. La souveraineté vaccinale, c'est la possi-bilité pour les États de prendre en main leur propre stratégie nationale, et de disposer des moyens d'accéder aux vaccins dont ils ont besoin, notamment en périodes de crise et de perturbation des chaînes d'approvisionnement mondiales, du type de celle survenue durant la pandémie de COVID-19. Un point fort singulier du modèle de Gavi réside dans sa viabilité intrinsèque, dans la mesure où il regroupe la demande afin de garantir des prix abordables, tout en demandant aux pays de couvrir davantage de coûts à mesure que leur revenu national augmente. À ce jour, 19 économies nationales ont suffisamment progressé pour ne plus avoir besoin du soutien de Gavi, et financent désormais l'intégralité des coûts de leur programme de vaccination national. Au cours des cinq prochaines années, les pays appuyés par Gavi procéderont à leur plus grand investissement jamais réalisé dans la vaccination, en couvrant plus de 40 % des coûts de leurs vaccins usuels. La souveraineté vaccinale, c'est également la possibilité d'accéder à un approvisionnement sécurisé en vaccins. La pandémie a mis en lumière l'injustice et l'inefficacité inhérentes à la concentration de la production de vaccins dans une poignée de pays, ce qui s'est traduit par de longs délais d'accès pour les États et les continents exclus de l'écosystème de fabrication. L'Accélérateur de la production des vaccins en Afrique (AVMA), mécanisme de financement d'un milliard de dollars qui sera également lancé à Paris, est conçu pour rééquilibrer cet écosystème en catalysant l'émergence d'une solide capacité de fabrication de vaccins en Afrique, le continent produisant actuellement 2 % seulement des vaccins qu'il utilise. L'AVMA placera l'accent sur le financement de vaccins actuellement en pénurie, tels que les vaccins contre le choléra et le virus Ebola. Cette démarche s'inscrit en phase avec l'Agenda 2063 de l'UA, qui énonce que l'objectif d'une population en bonne santé et prospère en Afrique peut être atteint au travers de la recherche, du développement et de l'innovation. Cet effort sera bénéfique pour le monde entier, dans la mesure où personne ne sera en sécurité tant que tous les êtres humains ne le seront pas. Dans un monde qui apparaît souvent di-visé, le forum Protégeons notre avenir constitue l'opportunité de célébrer l'impact mondial inégalé de la vaccination, et plus largement du potentiel inexploité de la solidarité et des partenariats au niveau planétaire. Nous serons présents aux côtés des chefs d'État du monde entier, pour démontrer notre soutien indéfectible au programme ambitieux de Gavi, ainsi qu'aux efforts que l'alliance fournit pour réunir les fonds nécessaires à la réalisation d'un avenir plus sain et plus prospère, grâce à une démarche consistant à faire de la génération actuelle la génération la plus protégée de l'histoire. 1- Emmanuel Macron est président de la République française. 2 - José Manuel Barroso, ancien président de la Commission européenne et ancien Premier ministre du Portugal, est président de Gavi, l'Alliance du vaccin. 2 - Mohamed Cheikh El Ghazouani est président de la Mauritanie, et président de l'Union africaine. |
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