Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
«Nous n'avions
qu'une seule chaîne de télévision mais elle arrivait superbement à satisfaire
les goûts des téléspectateurs en apportant le divertissement et la distraction
dans les foyers».
Telle une maîtresse d'école, cette boîte magique exigea le silence et la concentration et voulait que tous les regards soient braqués sur sa personne. Elle était unique et portait de sombres vêtements mais il faut bien reconnaître qu'elle se débrouillait admirablement pour apporter la joie et satisfaire les goûts et caprices de chacun de nous. Vêtue d'un simple habit gris, l'idée de mettre des couleurs plus gaies ne lui effleurait même pas l'esprit. C'était au début des années 70 qu'elle pénétra presque simultanément dans la plupart des foyers algériens. Telle une princesse, elle choisit la meilleure pièce de la maison et s'y installa confortablement. Ce choix n'était pas fortuit car elle aimait être bien entourée, bien regardée et bien écoutée par l'ensemble des membres de la famille. Quelques proches et voisins sont venus lui rendre visite, la voir de plus près et nous féliciter pour cette nouvelle acquisition. Elle a permis à plusieurs voisins de se regrouper dans une seule pièce pour suivre les matchs d'une superbe Coupe du monde qui restera dans les annales. Pelé, Mazzola, Bobby Charlton et les autres C'était lors de la prestigieuse compétition footballistique que cet appareil tant convoité à l'époque accéda à nos demeures. C'était grâce au petit écran que nous suivîmes en direct la plupart des matchs de football qui se sont déroulés au Mexique durant l'été 1970. Ce tournoi mondial restera à jamais gravé dans ma mémoire car il nous a permis de voir de très bons matchs ainsi que des joueurs hors du commun. C'était grâce à ce petit écran que nous arrivions à suivre les exploits d'un joueur légendaire qui faisait partie d'une grande nation de football. Les habitants de ce pays idolâtraient le football et le considéraient un peu comme leur seconde religion. Cet attaquant unique en son genre savait tout faire sur le terrain et le ballon lui obéissait au doigt et à l'œil. Il était magicien et le terrain était son royaume. C'était un roi et c'était grâce à lui que son équipe a remporté la Coupe du monde 1970. Sous ses ordres, il y avait également Gerson, Tostao, Jarinzinho, Révelino qui ont contribué à la concrétisation de ce grand exploit sportif. C'était également grâce à cette petite boîte à images que nous avions découvert des stades merveilleux comme Guadalajara ou le stade Aztèques ainsi que des joueurs légendaires comme Banks, Riva, Mazzola, Bobby Charlton mais surtout un libéro de charme qui commençait alors à faire son petit bonhomme de chemin au sein de la sélection allemande. Quatre années plus tard, il deviendra l'empereur de la RFA et brandira le fameux trophée Jules Rimet. Une année après, cette boîte à merveilles nous a permis de découvrir un joueur hollandais peu ordinaire. Il portait un numéro qui entrera dans la légende. Son nom était difficile à prononcer mais ce Hollandais volant arrivait facilement à surclasser ses adversaires et remporta successivement trois Coupes d'Europe des clubs champions. Johan Cruijff avait également remporté trois fois le Ballon d'or qui récompensait le meilleur joueur d'Europe. Il s'envolera quelques années plus tard au FC Barcelone pour un montant qui défraya la chronique en ce temps-là. La frêle silhouette au chapeau et à la canne Charlot était un personnage avec lequel on ne s'ennuyait jamais. Cette frêle silhouette a accompagné une bonne partie de mon enfance. Sans prononcer le moindre mot, le petit bonhomme réussissait à nous faire tordre de rire à chacune de ses apparitions. Sympathique et jovial, Charlot avait toujours l'indélicatesse de se trouver au mauvais endroit et au mauvais moment. Quand il y avait un fâcheux évènement qui se produisait, nous savions pertinemment qu'une tuile allait lui tomber sur la tête mais notre héros arrivait toujours à s'en sortir admirablement. Les autres personnages qui ont réussi superbement à apporter le rire et la joie dans nos foyers sont Laurel et Hardy. Ces deux personnages étaient un peu opposés, l'un était gros alors que l'autre était petit, mais Ils se complétaient à merveille. Les deux compères passaient leur temps à se quereller au grand plaisir des amoureux du petit écran. Ce duo atteindra une telle notoriété qu'il restera peut-être le tandem le plus célèbre de l'histoire du petit écran. Toujours accrochés aux feuilletons et aux séries télévisés Loin des rires et des amusements, nous ressentions beaucoup d'émotion en suivant les péripéties d'une famille algérienne durant la triste période coloniale. Le feuilleton «El-Harik» tiré du roman «L'incendie» de Mohamed Dib, décrivait très bien cette grande maison dans laquelle s'entassaient plusieurs familles. Nous suivions au jour le jour les difficultés rencontrées par Lala Aïni pour subvenir aux nombreux besoins de sa famille. Le réalisateur, Mustapha Badie nous montrait alors la misère et la pauvreté qui sévissaient durant cette grise époque. Les séries policières qui nous tenaient en haleine et que nous ne voulions guère rater pour tout l'or du monde étaient nombreuses et variées. Il y avait ce médecin accusé à tort du meurtre de sa femme qui passait son temps à fuir un tenace officier de police et en même temps tenter de trouver le véritable coupable. Richard Kimble était ce fugitif qui était toujours à la recherche de l'assassin de sa femme mais à chaque fois qu'il s'approchait du but, il y avait un obstacle qui se dressait et l'empêchait de mettre la main sur le véritable meurtrier. On peut citer également cette brigade des finances composée de personnes intègres qui luttaient inlassablement contre les trafiquants d'alcool durant la période de la prohibition aux Etats-Unis. Conduit par Eliot Ness, ce groupe d'incorruptibles s'évertuait à détruire les distilleries clandestines et a surtout réussi à épingler le fameux «Al Capone» pour? fraude fiscale. Il y avait également une autre série (de science-fiction cette fois-ci) qui nous décrivait le dur combat d'un homme contre des créatures venues d'une autre planète. David Vincent luttait contre ces créatures spéciales qui ont pris l'apparence humaine pour envahir la Terre et en faire leur univers. Personne ne le croyait mais à force de courage et de persévérance, il réussissait à chaque épisode à convaincre quelques-uns de ses semblables et arrivait à les rallier à sa juste cause. Nous adorions également ce voleur qui ne ressemblait guère aux autres malfaiteurs car il était sympathique et jovial. Il était voleur mais il avait beaucoup d'élégance et de charisme. Quand il volait une femme, il lui fit apporter des fleurs. C'était bien Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur, incarné admirablement à l'écran par Georges Descrière, accompagné d'une superbe chanson de Jacques Dutronc. Le Monsieur cinéma de la télévision et la caméra cachée Durant notre tumultueuse jeunesse, Ahmed Bedjaoui a su trouver les bons arguments pour nous assagir en nous transportant dans le monde merveilleux du rêve et de l'imagination. Grâce à l'émission «Télé ciné-club», l'animateur nous a fait voir des films qui nous ont tant fait rêver comme «Quand passent les cigognes» ou «On vivra jusqu'à lundi». Ce grand Monsieur du cinéma nous a fait connaître des réalisateurs et des acteurs célèbres comme Francis Ford Coppola, John Spielberg ainsi que Garry Grant, Burt Lancaster, James Stewart ou Henri Fonda. Ahmed Bedjaoui a su éveiller en nous le sens de la critique des œuvres cinématographiques et c'était grâce à lui que nous avions appris à voir les longs-métrages avec un autre regard. Régulièrement, Hadj Rahim débarquait chez nous avec sa caméra pleine de surprises. Dans sa célèbre émission «La caméra cachée», le réalisateur nous montrait les réactions (colère et émotion) de citoyens ordinaires face à des faits insolites. Ces citoyens qui ont eu la malchance (pour notre grand bonheur) de se trouver au mauvais moment et au mauvais endroit n'arrivaient pas à comprendre ce qui leur arrivait. Quand ils sont piégés par la caméra invisible, ces badauds laissaient éclater leur colère et il fallait beaucoup de temps pour les apaiser. On se rappelle certainement de ce cadavre caché dans la malle d'une voiture ou de ce monsieur (comédien) qui voulait casser la croûte dans un jardin public alors que c'était le mois sacré du Ramadhan. Divertissements et loisirs de la RTA La télévision a énormément contribué à divertir notre enfance et une bonne partie de notre jeunesse en nous proposant des pièces théâtrales et des soirées musicales qui ont apporté du rire et de la bonne et saine ambiance dans la plupart de nos foyers. Dans la pièce théâtrale «Si Belkacem Elbourgeoisi», Hassane El-Hassani interprétait admirablement le rôle d'un riche propriétaire terrien qui voulait entrer dans la caste des «bourgeois» par tous les moyens, passait son temps à apprendre les bonnes manières et le savoir-faire que seuls les «bourgeois» possédaient, pensait-il. Beaucoup de grands chanteurs de talent défilaient dans nos petits écrans. On peut citer, entre autres, El-Anka, Fadhila Dziria, Deriassa, Noura, Idir et Blaoui El-Houari qui venaient régulièrement nous rendre visite en apportant avec eux une ambiance festive au sein de nos foyers. Il y avait de la belle chanson kabyle, de l'andalou, du chaabi, du chaoui et du targui qui nous venait du fin fond de notre profond Sahara. El Hachemi Guerrouabi aimait «El-Acima» et El-Bahdja n'était pas insensible à son charme et à son légendaire sourire. Le maestro chantait pour sa blanche dulcinée et la capitale dansait langoureusement au rythme du maître du chaabi et quand il ne la voyait pas, il prenait son téléphone et demandait, dans un émouvant «Allo Allo», des nouvelles de chaque quartier, rue et ruelles de la ville de son enfance. On a tous dans le cœur les deux merveilleuses chansons qui accompagnaient le générique du début et de la fin de l'émission éducative «El-Hadika Es-Sahira» (le jardin enchanté). Cette émission proposait aux petits enfants des jeux récréatifs et des chants dans une très bonne ambiance. Les enfants avaient beaucoup d'admiration pour Nadi et El-Badi et un tonnerre d'applaudissements accompagnait chacune de leurs apparitions sur scène. Ces deux hommes portant des vêtements de clown étaient les personnages préférés des enfants. Je termine cet article en vous disant tout simplement «Ila lika, ila lika» (au revoir). |
|