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Pourquoi la crise
économique et financière de 2008 reste toujours pendante ? Pourquoi les guerres
depuis l'attentat terroriste de 2001 ? Et le conflit qui couve au Moyen-Orient
? Allons-nous vers une extension de la guerre au Moyen-Orient, après la Syrie ?
Pour comprendre, posons-nous la question sur le sens des deux guerres mondiales
au XXe siècle et, entre les deux, la grande crise économique de 1929 ?
De ces trois événements majeurs dans l'histoire de l'humanité a résulté le monde d'aujourd'hui ? S'inscrivent-ils alors comme une «nécessité de l'Histoire» ? Si c'est le cas, quel sens donner aux bouleversements qui ont agité le monde durant tout le long du siècle passé ? Et encore aujourd'hui, en ce début de XXIe siècle, qui est de surcroît le début du troisième millénaire ? De même, qu'en est-il du déclin annoncé de l'Occident et de l'émergence de nouveaux pôles économiques en Asie, en Amérique du Sud et dans d'autres contrées du monde ? Leur émergence ne le doive-t-il pas à l'Occident ? Le principe des vases communicants n'a-t-il pas joué dans le rattrapage du retard industriel par les pays émergents ? Enfin, quel sens donner à l'irruption du «Printemps arabe» ? C'est à toutes ces questions qu'une nouvelle approche de l'Histoire politique et économique est initiée et, en tranchant avec les approches classiques, espère, à travers les développements qui vont suivre, apporter une meilleure compréhension du sens des crises et des guerres, et leur impact dans la marche du monde. 1. «Liberté» des hommes et «déterminisme» Pour tenter de comprendre la nature des crises et des guerres, il est important d'envisager l'évolution du monde sous l'angle de la philosophie de l'histoire. Un des grands philosophes de l'histoire, Hegel, disait : «L'esclave de l'Antiquité n'était pas une personne libre, parce qu'il n'avait pas conscience de son être-esclave». La liberté se crée en se conquérant à travers l'Histoire et «en s'incarnant» dans des constitutions politiques. «Les hommes n'ont pas à apprendre qu'ils sont libres», ils ont à gagner leur liberté. Cette thèse reprise par Marx a pris une autre ampleur. Pour lui l'inachèvement de l'Histoire est dans la libération complète de l'individu de tout ce qui l'opprime et l'empêche d'être lui-même («aliénation» de l'homme dans le monde actuel). La conscience de classe elle-même (qui est une limitation) disparaîtra dans la société communiste. L'homme vraiment libre sera le citoyen de cette cité à venir. Pour Hegel, les hommes sont «les instruments aveugles du génie de l'Histoire» ? Derrière l'apparence extérieure des événements, derrière tout ce que font les hommes, derrière tous leurs actes les plus absurdes ou les plus passionnels, se cache une raison, un Esprit, qui mène le monde vers plus de liberté, plus de rationalité. Karl Marx, dans la postface de la deuxième édition allemande, du 24 janvier 1873, écrit : «Une seule chose préoccupe Marx : trouver la loi des phénomènes qu'il étudie ; non seulement la loi qui les régit sous leur forme arrêtée et dans leur liaison observable pendant une période de temps donnée. Non, ce qui lui importe, par-dessus tout, c'est la loi de leur changement, de leur développement, c'est à dire la loi de leur passage d'une forme à l'autre, d'un ordre de liaison dans un autre. Une fois qu'il a découvert cette loi, il examine en détail les effets par lesquels elle se manifeste dans la vie sociale... [...] Pour cela il suffit qu'il démontre, en même temps que la nécessité de l'organisation actuelle, la nécessité d'une autre organisation dans laquelle la première doit inévitablement passer, que l'humanité y croie ou non, qu'elle en ait ou non conscience. Il envisage le mouvement social comme un enchaînement naturel de phénomènes historiques, enchaînement soumis à des lois qui, non seulement sont indépendantes de la volonté, de la conscience et des desseins de l'homme, mais qui, au contraire, déterminent sa volonté, sa conscience et ses desseins... [...]Mais, dira t on, les lois générales de la vie économique sont unes, toujours les mêmes, qu'elles s'appliquent au présent ou au passé. C'est précisément ce que Marx conteste ; pour lui ces lois abstraites n'existent pas... Dès que la vie s'est retirée d'une période de développement donnée, dès qu'elle passe d'une phase dans une autre, elle commence aussi à être régie par d'autres lois. [...]Une analyse plus approfondie des phénomènes a montré que les organismes sociaux se distinguent autant les uns des autres que les organismes animaux et végétaux. Bien plus, un seul et même phénomène obéit... à des lois absolument différentes, lorsque la structure totale de ces organismes diffère, lorsque leurs organes particuliers viennent à varier, lorsque les conditions dans lesquelles ils fonctionnent viennent à changer, etc. [...] La valeur scientifique particulière d'une telle étude, c'est de mettre en lumière les lois qui régissent la naissance, la vie, la croissance et la mort d'un organisme social donné, et son remplacement par un autre supérieur ; c'est cette valeur là que possède l'ouvrage de Marx.» L'évolution historique des organismes se fait-elle, comme le laisse entendre Karl Marx, d'une manière nécessaire par le jeu des forces économiques, qui, bien qu'ils diffèrent d'une phase à l'autre (changement de structure), «un seul et même phénomène obéit... à des lois absolument différentes» ? Mais, la loi de l'Histoire, qui est une nécessité inéluctable dans le changement de structure, n'ignore néanmoins pas la liberté de l'homme. Ces philosophies qui posent l'existence des hommes d'une loi d'évolution immanente à l'Histoire et orientent son déroulement, ne précisent pas la part de liberté des hommes pendant que l'Histoire se déroule. Comment naît cette liberté dans le développement immanent de l'Histoire ? «Que l'humanité y croie ou non, qu'elle en ait ou non conscience», force de dire que l'homme est soumis, d'un côté, au «déterminisme», donc pas de liberté et, de l'autre, c'est par sa liberté qu'il agit pour «remplacer un organisme social donné par un autre supérieur». L'antinomie est donc totale entre «déterminisme» et «liberté». Comment se résout cette contradiction qui relève à la fois de la «Nécessité» et la «liberté» des hommes ? 2. Les «préalables» de l'existence humaine Au-delà de la philosophie de l'Histoire de Hegel et de Marx, on peut postuler qu'il y a des préalables simples dont on ne peut faire l'impasse et qui témoignent de l'existence humaine dans son fondement comme liberté, comme conscience et comme sens d'être. Ceux-ci nous permettent de mieux situer l'homme dans l'«Histoire». Le premier «préalable», qu'est-ce que la «Liberté» ? Les philosophes ont longuement disserté sur ce sujet. Nous nous arrêterons à l'essentiel. L'homme peut-il prendre la «Liberté», peut-il l'attraper, peut-il la toucher ? La «Liberté» est non palpable, seulement sentie au plus profond de soi-même. Elle constitue l'«essence» même de l'existence. Le postulat que l'homme naît libre et ensuite sa liberté se trouve limitée par l'organisation sociale ou par des conjonctures historiques (peuples colonisés, régis par des systèmes totalitaires, etc.) n'enlève rien au sentiment immanent de la liberté. En tant qu'essence de la nature humaine, la liberté, malgré les vicissitudes que traversent les hommes, est au centre de l'Histoire du monde. Pour comprendre, en raisonnant par sa négation, on s'apercevrait que, sans la «liberté», sans le «libre-arbitre» des hommes dans le pouvoir de freiner ou de coopérer, de refuser ou d'accepter, il n'y aurait tout simplement pas d'«Histoire», pas d'«humanité». Si les hommes agissaient tous dans le même sens, sans «libre-arbitre» qui est à la fois «libre de penser» et «libre d'agir», il résulterait non pas une humanité, mais une «déshumanité». Il y aurait peu de différence entre les hommes et les animaux. Le monde serait sans sens. Précisément parce que la «Liberté existe» que l'humanité doit son existence, et l'existence à son «Histoire». Le déterminisme ou le fatalisme suivant lesquels tous les événements, et en particulier les actions humaines, sont liés et déterminés par la chaîne des événements antérieurs, n'enlèvent en rien à la dimension historique de la «Liberté». C'est dans la variété des croyances que l'humanité doit son humanité. L'humanité entière ne se focalise pas sur telle ou telle tendance de penser. La pensée de l'homme est une entité libre sur laquelle aucun homme n'a le pouvoir si ce n'est l'homme qui se pense, et en pensant, il doit son existence à cette faculté libre de penser. Précisément, cette faculté de «Penser» de l'homme et qui agit sur sa «Liberté» est le deuxième préalable pour son existence. A l'instar de la «Liberté», qu'est-ce que la «Pensée» ? Une essence «impalpable», «immatérielle» qui existe en l'homme, une faculté absolument inconnue de l'homme et «connaissante», un véritable don émanant de l'«Essence». Elle donne non seulement à l'homme le sentiment d'exister mais lui permet de se mouvoir, de converser, d'agir, de se projeter dans et avec tout ce qui touche à son existence. En un mot, elle lui donne le sentiment de vivre, d'exister. Sans cette faculté de penser, l'homme ne pourrait avoir conscience de lui-même, ni se prévaloir d'être «humain». C'est la pensée qui le différentie des autres êtres existants. Un troisième préalable, l'«Espace et le Temps» ? Le pouvoir qu'octroie la «Liberté» aux hommes de «Penser», d'«Agir» sur leur existence, de changer leur devenir, se trouve confronté à l'«Espace» et au «Temps» sur lesquels les hommes n'ont pas de prise. La liberté d'agir, de poursuivre des projets, se trouve ainsi limitée par l'essence même du «Temps». Dans «Confessions, XI, 14,17», Saint Augustin s'est engagé dans une réflexion profonde sur le temps : «Ces deux temps-là donc, le passé et le futur, comment «sont»-ils, puisque s'il s'agit du passé il n'est plus, s'il s'agit du futur il n'est pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent, et ne s'en allait pas dans le passé, il ne serait plus le temps mais l'éternité... Nous ne pouvons dire en toute vérité que le temps est, sinon parce qu'il tend à ne pas être.» Précisément, l'existence suit le cours du temps, car elle tend elle aussi à ne pas être, car, au bout du temps, il y a la finitude. L'existence de l'homme dépend chaque seconde du temps qui vient à être et qui, après être présent, passe immédiatement au passé pour faire place à une autre seconde qui vient du futur, et ainsi de suite procède le Temps de l'existence. Quant à l'«Espace», quel contenu peut-on lui donner ? Est-il matériel ? Est-il palpable ? L'homme peut-il attraper, toucher l'«Espace» par ses doigts ? L'«Espace» est à la fois matériel parce que l'homme le voit et voit les choses et les êtres mouvoir en lui, et immatériel parce qu'il est indéterminé, sans substance, et s'affirme en «contenant sans limite». «Repère» de l'existence, l'«Espace» est cependant ce «matériel-immatériel» par lequel l'humanité, la Terre, le monde et l'immensité de l'univers sont. Sans l'«Espace et le Temps», l'homme n'a pas d'existence. Le «Temps», l'«Espace», comme la «Liberté» et la «Pensée» ne sont pas atteignables par l'homme, dans le sens qu'ils sont plus sentis, plus pensés comme essence de l'existence que ce qu'ils sont en réalité. Ils sont ce par quoi l'homme est, ce par quoi l'homme construit son «Histoire». Vivant le Temps présent, comptabilisant le Temps passé qui ne lui appartient plus et dépendant du Temps futur qui n'est pas encore, l'homme, un point dans l' «Univers», prend une infime partie de l'«Eternité». Enfin le «Mal» et le «Bien», un quatrième préalable, sont originels et constitutifs du fait humain et donc de sa sociabilité. Sans cette dualité au cœur du système humain, sans l'existence du «Mal» (qui donne sens au «Bien») et la lutte pour le «Bien» qui est l'essence même de la «volonté d'exister», l'homme ne peut se déterminer dans son existence. En effet, si on enlevait le «Mal», que serait la «Vie» ? Que serait le «Bien» ? Auraient-ils une signification ? Et la mort, le mal suprême, à travers les «maladies» du corps et de l'âme contre lesquels les hommes luttent pour vivre ? Que signifierait la vie si le mal suprême venait à ne plus exister ? Sans le «Mal», il n'y aurait ni «Vie», ni «Bien» puisqu'ils perdraient leur sens, perdraient ce à quoi ils se réfèrent. La dualité du «Bien» et du «Mal» est donc une nécessité pour l'existence, elle exprime, à travers la lutte pour le Bien, la raison d'être des hommes. 3. Les «contingences» dans l'évolution des hommes et des peuples Pour résumer, quatre préalables, la «Liberté, la Pensée, l'Espace-Temps, le Bien et le mal», sont des principes fondateurs de la nature de l'homme. Mais ces «préalables» suffisent-ils à protéger l'homme dans son existence ? Il arrive souvent qu'un homme prenne un ascendant sur un homme, un peuple sur un autre peuple. N'a-t-il pas existé le commerce d'esclaves en Afrique, les siècles passés ? Les déportations massives de noirs africains dans le Nouveau Monde ? La colonisation opérée par les puissances européennes n'a-t-elle pas été une occupation indue de territoires et réduit des populations à l'état de populations sujettes, de non-droit par la force ? L'après-colonisation depuis la fin des années 1940 jusqu'au milieu de la deuxième moitié du XXe siècle n'a-t-elle pas instauré dans la plupart des nouveaux Etats des régimes politiques autoritaires (dictatures militaires et monarchies totalitaires). Ce qui nous fait dire que les «préalables fondateurs» de la nature humaine sont insuffisants pour protéger les homme et les peuples des puissances étrangères ou des régimes politiques dictatoriaux. Si les peuples colonisés, réduits à l'état d'indigène, se sont vu imposés des iniquités politiques révoltantes (travaux forcés, impôt par capitation, cultures obligataires, corvées, etc.), l'aspiration à la libération est restée une constante en eux. Dans les pays décolonisés, l'appropriation du pouvoir par des dirigeants qui entendent se maintenir aux leviers de commande et ont transformé l'Etat en instrument d'oppression utilisé à leur profit personnel sera toujours confrontée à l'opposition populaire. Dans les deux cas, il y aura une situation de haine latente qui, si la conjoncture le favorise, précipite le conflit entre dominants et dominés. Cependant, ce «vivre» des hommes au sein des cités et des Etats dans une situation de latence désespérée des peuples ne peut relever seulement des quatre essences mentionnées supra. L'essence de l'homme étant originellement déterminée par ces principes, l'ascendant d'un homme sur un homme, ou d'une nation sur une nation, est une façon d'être normale dans l'Histoire. Mais cette façon d'être de l'homme et des peuples est évolutive. Car si l'Histoire était figée, on aurait alors des hommes et des peuples qui auraient un ascendant à l'infini sur d'autres hommes et d'autres peuples. Une situation figée serait contraire au sens même de l'existence. D'autant plus que les hommes ou les peuples qui auraient l'ascendant sur des hommes ou des peuples ne l'ont pas dû à eux-mêmes mais aux «circonstances historiques» qui ont favorisé leur ascendance et les ont placés au-dessus des autres. Pour comprendre, prenons deux êtres. Un est né vigoureux et fort, un autre est né chétif. Ou encore, un est né avec une intelligence qui dépasse la moyenne, un autre, avec une intelligence à peine moyenne. Dans les deux cas, les deux êtres n'y sont pour rien dans leurs facultés héritées, ils le doivent à leurs naissances qui sont «contingentes». La «contingence» n'est pas comme on le croit contraire à la «Nécessité», puisque l'«étant» hérité est venu s'imprimer sur la «Nécessité» dotant le premier d'une faculté et le second d'une autre faculté. Ce qui nous amène à dire que l'ascendance d'un homme sur un homme, ou d'un peuple sur un peuple, le doive aux «contingences». On comprend dès lors que l'esclavage ou la colonisation le doit à l'«étant», lui-même relevant de l'ordre des «étant-s» ou des «contingences». Si l'exemple des deux êtres nous dit que l'homme n'a rien à voir «à ce qui est donné» puisqu'il le subit par la naissance, il en va de même pour l'ascendance des hommes et des peuples. Si, par exemple, les pays de l'Afrique noire étaient des nations suffisamment avancées, ni l'esclavage ni la colonisation n'aurait existé. Mais ces pays d'Afrique ne l'étaient pas alors que les pays européens l'étaient, ce qui a permis la pénétration coloniale européenne. Tout relève donc de l'«étant d'un macrocosme», comme il relève aujourd'hui d'un «autre étant du macrocosme». Comme s'explique aussi pourquoi des territoires en Europe sont restés des siècles sous domination musulmane (Espagne, Sicile, Corse...). Comme les Celtes et autres races indo-européennes qui ont peuplé l'Europe, il y a plus d'un millénaire. Une date encore plus récente, les États-Unis, un pays neuf qui a moins de trois cents ans, peuplés par une mosaïque de races, sont devenus la première puissance du monde. Le monde ainsi est constitué d'un successif d'«Etant-s», relevant d'un «ordre de contingences» qui ne dépend que de l'«Essence» et dont l'existence elle-même tire son essence. Apparaît que l'«ordre des contingences» constitue non seulement un cinquième «préalable» dans l'existence des hommes et des peuples, mais se lit comme une dimension «voilée» du devenir. 4. La guerre 1914-1918, dans l'ordre logique et nécessaire de l'Histoire ? Ces principes fondateurs de l'essence de la nature humaine présentés, il faut maintenant tenter de comprendre la marche du monde. Nous partons de l'événement le plus marquant du XXe siècle, le premier conflit mondial 1914-1918 qui a précipité l'histoire et donner un nouveau sens au monde. Cet événement majeur de l'histoire moderne, avec l'analyse qui va suivre, va montrer que l'Histoire de l'humanité n'est pas «contingente», dans le sens «accidentelle», «fortuite», mais «contingente» dans le sens que le mouvement de l'Histoire de l'humanité relève d'un «ordre logique, nécessaire et cohérent». Et que tous les «préalables» que nous avons énoncés, la «Liberté» reste le «levier moteur» de l'Histoire. Les puissances européennes, en se déclarant la guerre en 1914, ne se sont pas représentées les conséquences qu'elles allaient provoquer sur leurs peuples et sur les autres peuples du monde. Une longue guerre extrêmement épuisante, meurtrière, à laquelle ont été associés les peuples colonisés, s'est révélée une véritable hécatombe. En 1917, toutes les nations étaient en guerre, 17 millions d'hommes avaient été mis hors de combat dont un tiers de morts, après trois années seulement de guerre. Rien ne présageait que la mort de l'archiduc François-Ferdinand, l'héritier du trône de Vienne, le 28 juin 1914, suite à un attentat terroriste serbe, allait embraser l'Europe et étendre la guerre au monde, avec des dizaines de millions de morts et de blessés. Comme aujourd'hui, rien ne présageait que l'attentat du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, à New York, allait amener les Etats-Unis et l'Europe (OTAN) à entrer en guerre en Asie centrale. Et entraîner des réactions en chaîne dont les enjeux restent toujours pendants. En réalité, l'attentat terroriste en 1914 n'était qu'un prétexte pour les puissances occidentales pour déclencher la guerre. Toutes les puissances européennes s'y préparaient et y voyaient dans la conjoncture une possibilité pour tirer des avantages territoriaux et politiques. La prise de possession du monde a entraîné fatalement une compétition entre les puissances coloniales. L'exaspération nationaliste, le défaitisme ignoré, tout souriait aux puissances européennes, maîtresses du monde. Chaque peuple en Europe transposait l'enthousiasme de la domination qu'il avait sur les peuples des autres continents, sur les peuples européens voisins, perdant de vue que la guerre dans les colonies était inégale alors qu'entre les puissances européennes, le rapport de forces était en équilibre. C'est ainsi que cinq longues années de guerre avec l'entrée des États-Unis au côté des Alliés dans le conflit ont eu pour conséquence l'élimination de 20 millions d'êtres humains, et autant sinon plus de blessés. Pour quel résultat ? Des puissances ruinées par la guerre, une Allemagne humiliée et s'apprête deux décennies après à prendre sa revanche. Des empires démantelés (d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie et d'Ottoman) et enfin le réveil des peuples coloniaux qui a sonné avec l'affaissement des puissances coloniales. En 1919, le monde a changé, il n'était plus comme avant. Posons-nous cette question : «Pourquoi l'irruption d'un conflit, considéré au départ par l'opinion publique comme une guerre de quelques mois, sans grande conséquence pour l'ordre impérial européen, puis s'est transformé en une guerre effroyable, un désastre pour les puissances européennes ?» Surtout qu'un deuxième conflit mondial encore plus effroyable allait survenir vingt ans après. Au-delà de la guerre entre les puissances européennes, qu'en est-il des peuples d'Afrique et d'Asie qui représentent 2/3 de l'humanité et, de surcroît, dominés par les puissances européennes qui représentent moins d'1/5 de l'humanité. N'y a-t-il pas une injustice manifeste entre les peuples ? Quel destin pour les peuples d'Afrique et d'Asie ? Quel destin pour les peuples européens transformés en chair à canon ? Deux peuples dominés. Les uns en «sous-peuples», les autres pour être consommés par la guerre. Qu'en est-il alors de l'«essence» des peuples qu'ils tirent de l'«Essence» ? Cette «Essence» qui régit le monde et l'univers tout entier. Précisément, la Première Guerre mondiale apparaît comme une première réponse «contingente» au désordre du monde. Par conséquent, la question n'est pas dans la puissance militaire écrasante des empires européens qui a mis des peuples dans une situation de servitude et de «négation», qui est un «Etant», mais dans la substitution d'un «Etant» par un autre «Etant» que la guerre 1914-1918 et la formidable puissance de guerre de l'Europe pour régenter le monde a fait éclore. Les «contingences» qui ont permis l'expansion des puissances européennes vont opérer un mouvement inverse et provoquer, à partir de cet événement, une série d'événements qui, au prix de terribles souffrances, marqueront la fin d'une époque, la fin des empires européens. 5. La crise de 1929 Crises et guerres sont des «accoucheuses d'histoire». Pour Edgar Morin, l'histoire est «une succession d'émergences et d'effondrements, de périodes calmes et de cataclysmes, de bifurcations, de tourbillons des émergences inattendues». Morin qui parle d'abîmes et de métamorphose, cette histoire qu'il a vécue, il le rappelle dans son livre «vers l'abîme» (L'Herne 2007) : «En 1929, la crise économique, conjuguée à l'humiliation des lendemains de la Première Guerre mondiale, a provoqué la venue au pouvoir d'Hitler, par des voies démocratiques. Ce n'est pas d'un pays arriéré qu'est venue la barbarie, mais de ce qui était la première puissance industrielle d'Europe, et qui était sur le plan culturel, la plus avancée». Né en 1921, Edgar Morin a connu et participé à de grandes convulsions historiques. Si tout est vrai dans cette constatation de l'Histoire, il reste que Morin ne dit pas «pourquoi le monde a vécu l'abîme passée», et pourquoi la crise de 1929 est survenue alors que les seules grandes puissances économiques, à cette époque, étaient occidentales, le reste du monde était soit colonisé soit dominé, comptait peu dans les relations politiques et économiques internationales. Comment comprendre alors la crise économique de 1929, provoquée de nouveau par les puissances occidentales comme en 1914, lors du premier conflit mondial ? Est-ce une «fatalité» ? Est-ce une «malédiction» qui pèse sur l'Occident ? Cette crise a fait l'objet de milliers d'analyses économiques mais n'a pas été transcendé, n'a jamais été au-delà des possibilités apparentes que la nature de cette crise exceptionnelle pouvait apporter comme connaissance dans la compréhension de l'évolution et du sens du monde. Rappelons brièvement le contexte historique qui a fait «monter» la crise de 1929. Le premier conflit mondial terminé, leurs économies affectées par la guerre, les pays d'Europe devaient procéder à leur reconstruction. Les États-Unis qui avaient approvisionné et suppléé au déficit de la production industrielle de l'Europe dans le monde durant la guerre sont devenus la première puissance industrielle du monde. Se fondant sur l'engagement des Alliés à rembourser les dettes qu'ils ont contractées durant la guerre, les États-Unis ont continué à financer et exporter des machines, des équipements et des produits agricoles vers l'Europe. Les capitaux américains drainés en Europe devaient «acheter la surproduction américaine», transformant l'Europe en «locomotive» pour l'économie américaine. Comme ce qui s'est passé pour la Chine, elle a prêté ses excédents commerciaux aux États-Unis sous forme de placements en bons de Trésor américains pour que ces derniers importent des produits made in China. Au milieu des années 1920, les pays européens, se relevant de la guerre et regagnant des parts de marché, ont commencé à se poser en concurrents à la puissance américaine. La baisse des exportations américaines vers l'Europe et la compétitivité européenne progressivement retrouvée eurent des effets négatifs sur l'économie américaine. Le problème de la surproduction, devenant le problème N°1 pour les firmes américaines, inhérent au rattrapage économique de l'Europe, s'est traduit par une baisse de la production industrielle et une hausse du chômage aux États-Unis. N'ayant pas procédé à un réajustement structurel de l'économie, les argentiers américains ont usé de moyens financiers et monétaires pour doper l'économie américaine. Comptant sur la «Main invisible», multipliant les instruments monétaires (baisse des taux d'intérêt, augmentation des liquidités, assouplissement des règles prudentielles...), les autorités monétaires ont ouvert la voie à une logique spéculative sans précédent sur les marchés. La hausse artificielle des actifs à Wall Street à partir de 1928, dans un contexte de conjoncture déclinante et de baisse des profits, a drainé les capitaux à court terme investis en Europe à la recherche de plus-values et fragilisé encore le système financier mondial. 6. Une Main invisible gouverne les peuples Tous les moyens utilisés pour masquer la crise économique n'ont fait que développer la bulle financière. La spéculation aux États-Unis, encouragée par la Réserve fédérale américaine (Banque centrale), a pris des proportions telles que les actifs, déconnectés de la réalité, ont atteint des valeurs folles plongeant la Bourse de Wall Street dans une hystérie générale. Pour rappel, la crise des subprimes en 2007, malgré les progrès faits dans le domaine financier, a provoqué une crise financière cataclysmique à l'été de 2008. Pourtant elle n'a pas atteint en ampleur et en profondeur la crise de 1929 où des dizaines de millions d'emplois dans le monde furent détruits. Comparativement à la démographie d'aujourd'hui, si cette crise avait survenu aujourd'hui, elle aurait détruit non pas des dizaines de millions mais des centaines de millions d'emplois. Les autorités monétaires qui ont usé massivement des instruments financiers et monétaires et compté probablement sur la «Main invisible» d'Adam Smith pour réguler de nouveau l'économie, n'ont pas pris en compte que la «Main invisible» certes va effectivement résorber le déséquilibre (issu de la formidable spéculation qui a suivi la contraction de l'économie américaine), mais selon sa propre logique, c'est-à-dire en faisant plonger les États-Unis dans la plus grave crise de leur histoire. Vu le dégonflement excessif des actifs boursiers, on est en droit de se poser les questions : «Est-ce réellement la spéculation qui a été la cause première de la crise ? Ou est-ce que la spéculation n'a été qu'un substitut économique pour masquer la situation déclinante de l'économie américaine ?» La spéculation certes a étiré le cycle économique en dopant l'économie par un processus spéculatif sans création de richesses. Mais on ne peut masquer indéfiniment la crise, la vérité finit toujours par prendre le dessus. Et c'est ce qui s'est passé. Cependant, on ne peut s'empêcher de s'interroger pourquoi, après la guerre, l'économie mondiale était en pleine croissance (reconstruction de l'Europe, boom économique aux Etats-Unis, etc.), et juste après le rattrapage économique de l'Europe, la situation économique occidentale a commencé à péricliter. On doit comprendre que l'«offre mondiale» qui a augmenté n'a pas pu s'ajuster à la «demande mondiale». Bien que la reconstruction de l'Europe a dopé l'économie américaine, et réciproquement l'économie américaine a eu des effets heureux sur l'économie européenne, en leur faisant retrouver la compétitivité perdue par la guerre, il demeure que l'Occident s'est trouvé confronté au «mur de l'absorption». En effet, les capacités industrielles avec le formidable essor industriel et le progrès technologique américain étendu à l'Europe ont créé un déséquilibre mondial puisque les capacités de production de l'Occident dépassaient les capacités d'absorption à la fois de l'Occident et du monde. Or, à cette époque, l'Europe et les États-Unis avaient une prédominance militaire et économique mondiale. Or qu'en était-il du «reste du monde», à cette époque ? Bien qu'il contribuait pour une grande partie dans la production de richesses en Occident par les formidables gisements de matières premières, d'énergie et produits de base qu'il recèle et les millions de bras que les puissances exploitaient en Afrique et en Asie pour extraire ces richesses et les acheminer vers leurs usines pour leur traitement et leur consommation, le «reste du monde non seulement ne comptait pas dans le processus productif mais, de surcroît, n'était qu'accessoire». «Deux tiers de l'humanité», sans droits, spoliés de leurs richesses, de leur force de travail, constituaient un «sous-prolétariat», des laissés-pour-compte de l'Occident. Cette situation nous fait dire que la crise de 1929 et la dépression des années 1930 sont apparues comme une nouvelle «réponse contingente» pour parer à cette situation d'iniquité envers la plus grande masse du monde. Il est évident que, sans la crise de 1929, et le conflit qui a suivi en 1939, les peuples colonisés auraient certainement attendu encore longtemps pour se libérer du diktat occidental. Aussi nous apparaît-il que de nouveau un «Etant» s'est substitué à l' «Etant» d'avant 1929, et qu'en rebattant les cartes du monde, il entrait dans l'«ordre des contingences». Nous apparaît-il aussi que le principal ennemi de l'Occident n'a pas été le reste du monde, qui en fin de compte n'a fait que prendre le train en marche pour se libérer, mais, paradoxalement, a été la formidable puissance économique par où est venue la crise, et la formidable puissance militaire qu'il détenait et par où est venue «sa destruction». Cette vision métaphysique du monde est bien une réalité puisque c'est de celle-ci que les empires européens doivent leur disparition, et de celle-ci qu'est née la «Liberté» des peuples. L'humanité ne se régit pas comme elle veut, qu'il y a bien une «Essence», une «Instance supérieure», ou plus simplement une «Main invisible» qui gouverne les peuples. 7. Le déclin de l'Occident, une négation ou un réajustement positif, naturel et nécessaire du monde ? Combien d'auteurs ont parlé du déclin de l'Occident. Dans la première moitié du XXe siècle, Oswald Spengler a publié un essai, qu'il a qualifié lui-même de «Métaphysique». Et il n'a pas tort, la marche du monde est métaphysique. On croit comprendre la marche du monde mais en fait on ne comprend que ce que notre pensée veut bien nous éclairer. Un simple constat de la situation du monde. «Selon le rapport d'Oxfam, 3,7 milliards de personnes, soit 50% de la population mondiale n'a pas touché le moindre bénéfice de la croissance mondiale l'an dernier, alors que le 1% le plus riche en a empoché 82%.» Une telle situation de l'humanité n'est-elle pas un mal ? Comment comprendre un monde dans le dénuement alors qu'un très faible pourcent de l'humanité s'accapare de la plus grande richesse de la planète ? N'est-ce pas un mal ? Et le mal est partout. En Europe, aux États-Unis, en Chine, en Inde, au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs. Des richissimes sont à la tête de richesses que la conscience humaine a du mal à concevoir pourquoi. En clair le mal est partout. Le bien aussi est partout. La Réponse est celle-ci : l'humanité est ainsi. Le monde est métaphysique, il évolue selon des forces métaphysiques. Aussi le déclin de l'Occident en fait n'est un déclin que parce qu'il apparaît comme une décadence. Une puissance qui a été, et cette puissance s'est corrigée par l'histoire, c'est-à-dire non par elle-même mais par les forces historiques qui l'ont réajustée à sa vraie grandeur. Donc grandeur et décadence relèvent d'un ordre logique et nécessaire de l'histoire. Si la Rome impériale avait continué à exister, aurait-il eu un problème pour l'humanité ? De même si l'Europe et le monde seraient restés encore au Moyen-Âge ? De même si l'Union soviétique n'avait pas disparu ? Si la colonisation de l'Afrique et de l'Asie par l'Europe a continué ? Y aurait-il problème pour l'humanité ? Il est évident qu'il n'y aurait aucun, le monde serait resté tel qu'il est selon ce qu'il était. Seulement le monde a évolué parce qu'il devait évoluer. Et c'est cela le sens de la marche du monde, les êtres humains ne commandent pas leurs destins. Toutes les avancées de l'humanité qui se sont opérées, elles devaient s'opérer. Prenant un simple exemple et celui-ci est récent. Qui a pensé que la Chine qui était encore un pays du tiers monde allait devenir, en trente ans 1980-2010, la 2ème puissance économique mondiale ? Et elle est en passe de devenir à l'horizon 2030-2040 la première puissance économique du monde. Et probablement la première puissance financière et monétaire mondiale. Et ce prodige, qui a été le maître d'œuvre ? La Chine ? Non ! La Chine a été tirée du sous-développement par l'Occident riche parce que la main-d'œuvre occidentale n'était pas compétitive. Cette main-d'œuvre chère a obligé l'Occident à délocaliser massivement son industrie et ses manufactures vers la Chine pour tirer profit à la fois de la main-d'œuvre chinoise au coût extrêmement bas, du grand marché chinois et d'exporter les produits made in Japan, made in Europa et America occidentaux à partir de Chine. Un processus en fait naturel et irrésistible, l'Occident ne voyant que le formidable profit qu'il a à tirer, et donc à assouvir ses besoins capitalistiques de puissance par pays interposés ne prenant pas en compte que la roue pourrait tourner en sa défaveur. Que ce pays fort de plus d'un milliard de Chinois pourrait tourner à son avantage cette puissance délocalisée. Et c'est ce qui s'est passé et se passe aujourd'hui et se passera encore demain. Que peut-on dire ? Peut-on parler d'erreur d'appréciation de la stratégie occidentale d'avoir transféré son industrie et ses manufactures sans prise en compte des risques que la Chine du reste au régime communiste pourrait en faire une arme et lui permettre de se transformer en grande puissance économique ? Puissance qui viendrait à évincer l'Occident par ses propres armes délocalisées de son rang mondial. La réponse est : «Non, ce ne sont pas là une erreur d'appréciation des stratèges occidentaux, simplement que la marche du monde devait se déployer ainsi. En clair, un réajustement positif, naturel et nécessaire des aires géographiques du monde sur le plan économique que ne commande pas l'humanité.» L'humanité ne peut savoir où elle va sur le long terme. Cependant des prémices existent et disent que la marche du monde est globalement positive. Et que déclin ou décadence ne sont pas en réalité ce qu'ils peuvent signifier lorsqu'une puissance décline. En réalité, sa puissance se rajuste à sa vraie taille puisque le monde change et le progrès s'étend aux autres parties du monde. Comme il est advenu à l'Europe avant son ascension et aux autres aires occidentales, il advient inévitablement aux autres aires du monde les mieux préparées, et ainsi de suite. Le progrès agit un peu comme une «pandémie», une région où il s'ancre plus, le système immunitaire est plus faible, l'inflammation du progrès prend plus vite et finalement se guérit, et le progrès s'assimile. Le cas de la Chine, par exemple. Pour d'autres régions, le système immunitaire est plus fort, l'inflammation est moindre, le progrès certes avance mais plus lentement. C'est un peu cette image métaphysique qui explique la diversité qui existe entre les peuples dans leur évolution. Cependant, rien n'est pérenne, tout change avec l'histoire, ce qui est vrai aujourd'hui peut ne pas être vrai demain si l'histoire en a changé les donnes. En clair, il faut le répéter, l'humanité ne commande pas l'histoire. C'est par l'histoire que son destin est tracé, et ce destin reste toujours positif même si une nation décline. Qui en fait n'est qu'un réajustement, un changement dans la nouvelle répartition des forces et l'extension progressive du progrès au reste du monde. En clair, le progrès est universel. Telle nous apparaît par l'esprit la vision de la marche de l'humanité dans l'histoire. *Chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective |
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