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La pandémie du
coronavirus a mis l'Algérie en mode alerte maximale. C'est de la bouche même du
président de la République, Abdelmadjid Tebboune, à
travers un discours solennel à la nation que le peuple algérien apprend que la
situation sanitaire est grave du fait de la propagation du coronavirus en Algérie,
à l'instar des autres pays du monde touchés par la propagation du Covid -19. L'Algérie n'avait pas besoin en ce moment d'une
pareille intrusion virale qui bouscule tout le plan de relance de son économie
adopté par le gouvernement Djerad. C'est pour cela
qu'il est impératif de mettre en œuvre un plan d'urgence de gestion de la crise
dans sa dimension sanitaire et de cerner son impact négatif sur le
fonctionnement de l'économie nationale, déjà fragilisée par ses déséquilibres
depuis le contre-choc pétrolier de 2014.
Premièrement, l'Algérie subit aujourd'hui un choc plus dur que celui de 2014. Le baril de Brent valait hier mercredi 18 mars 2020 à Londres 27,70 USD en cours d'échanges européens à 12h45, heure algérienne. Autant dire que la contrainte sur les ressources financières de notre pays est particulièrement sérieuse, si les choses vannaient à rester en l'état sur ce marché bien déroutant du pétrole et de sa sensibilité bien spéciale aux intérêts géopolitiques très changeants. L'impact sur la réduction rapide des réserves de change serait imparable, tant le niveau actuel des prix de l'or noir est bien loin des 50 dollars américains servant de prix de référence du baril de Brent pour le calcul des dotations du Budget de l'Etat pour 2020. La crise économique de grande ampleur qui menace aujourd'hui l'économie mondiale nous précarise d'autant plus que la crise sanitaire à laquelle nous faisons face maintenant nécessite la mobilisation de ressources supplémentaires pour passer ce cap difficile. C'est un dilemme auquel l'Etat compte faire face à travers douze (12) mesures édictées par le président Abdelmadjid Tebboune. Cette situation particulière demande une discipline sociale très élevée pour préserver l'essentiel, c'est-à-dire la force de travail de la nation et son potentiel économique pour redémarrer demain. Deuxièmement, l'Algérie est habituée à gérer de manière récurrente les crises cycliques de ressources financières impactées par le rétrécissement subit de ses recettes pétrolières, particulièrement en 1986, 1994 ou plus récemment en 2014. Chaque fois, la note a été salée et le pays avait mis du temps à se relever et à retrouver le cap de la croissance en reconstituant ses ressources jusqu'au pic de 2013 où les réserves de change avaient atteint le niveau record de 194 milliards USD, avant la descente dramatique amorcée depuis le deuxième semestre de 2014 qui a fini par réduire aujourd'hui cette épargne en devises de la Banque d'Algérie au niveau de 60 milliards USD. Ce qui est nouveau dans le contexte actuel, c'est que le recours à cette épargne va suivre une courbe exceptionnelle, à l'image de la propagation du Covid-19 au stade 3 pour la simple raison que le prix actuel du Brent va creuser le déficit de la balance commerciale et annihiler pour longtemps toute possibilité réaliste de reconstitution des réserves de change. La gestion de la crise actuelle obéit à une logique de préservation de l'existant, car le propre du Covid-19 est de dérégler en profondeur le fonctionnement normal des économies et de la vie en société, puisque la manière de le prévenir est d'arrêter toutes les formes d'activité en groupe, l'essentiel des activités créatrices de richesse de l'économie moderne étant organisé en groupe et en entreprise. Or, le confinement des populations nécessaires en pareille situation de crise sanitaire est à l'antipode de la logique normale de travail en société, logique de regroupement social par essence. La réaction des Hautes autorités de l'Etat semble avoir pris la mesure de ce paradoxe handicapant et essaie d'en limiter l'impact dans le temps, et d'endiguer par ses moyens propres la propagation de l'épidémie, tout en maintenant un fonctionnement normal de l'économie, même si elle est fortement ralentie, du fait des répercussions économiques de ce contexte inédit auquel le pays n'était pas préparé. Et comment le pouvait-il par ailleurs ? Troisièmement, la crise sanitaire majeure que traverse notre pays, à l'instar des autres pays du monde, tout en mettant à l'épreuve les capacités de gestion de l'Etat confronté aux risques naturels majeurs, le sanitaire en est un, est un moment de mobilisation et recherche de cohésion sociale face à une menace collective qui touche aux conditions de vie en société dans des conditions sanitaires normales qui n'attentent pas à leur vie de manière exceptionnelle. C'est une fenêtre d'action inattendue, peut-être, pour permettre aux gouvernants de parler aux gouvernés autour de choses qui engagent l'existence de la nation en utilisant le langage de la vérité et de l'humilité face aux dangers multiformes qui nous guettent. C'est de cette manière que nous optimisons nos chances de réveiller notre potentiel de résilience, mis à l'épreuve à d'autres périodes de notre histoire récente. L'Algérie, qui ne s'attendait pas à un pareil chamboulement de ses priorités, encaisse le coup et réajuste ses moyens pour passer cette mauvaise passe sans trop de dégâts, suite à l'apparition de ce ralentisseur puissant des économies qui dérègle les systèmes de santé publique les plus performants. A sa décharge morbide, il nous offre l'opportunité de réfléchir sur les fondamentaux de notre système de santé pour l'avenir. Il faudra y revenir quand l'alerte maximale sur l'économie nationale sera levée, une fois la tempête virale passée. Comme dit l'adage, à toute chose malheur est bon. Il est temps que la rationalité reprenne ses droits. Dans la politique et au sein du personnel politique et dans la société dans son expression plurielle, car s'il est exigé un message de vérité des pouvoirs publics, il est attendu également des comportements civiques adaptés à cette situation exceptionnelle, pour passer la zone de forte turbulence dans la cohésion et la solidarité, avec l'espoir que les choses se normalisent, avec des risques contenus pour la sécurité sanitaire, la sécurité économique et la sécurité nationale, de manière plus large. C'est également une façon qui n'a rien de démagogique d'interpeller le patriotisme des Algériens par l'appel à la raison et au bon sens, paramètres essentiels du cercle vertueux de la solidarité sociale et nationale. C'est le message en abrégé de l'Etat qui retrouve le chemin, de manière douloureuse peut-être, de l'exercice de ses pouvoirs régaliens en s'adressant directement à la société. L'Etat de droit en reconstruction y gagnera des points décisifs à verser à l'actif de la nouvelle République en gestation. Il n'y a pas d'autre manière de faire pour booster les choses dans le bon sens. L'imprévu sert surtout à cela et en toute situation. En particulier celle du confinement sanitaire. La guerre est parfois singulière. Triste vingt-unième siècle que nous vivons, calculateur et froid. Que Dieu nous prête force. Nous en avons vraiment besoin, Monsieur le président ! *économiste |
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