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«Quand, un jour, le peuple
veut vivre
Forcément, le destin lui obéit.» Abou Kacem Chebbi Nous, acteurs des dynamiques sociales autonomes, déclarons notre filiation au grand mouvement populaire, surgi d'une manière imprévue, dans un contexte national désespéré. Retranché dans un effroyable isolement, le régime finissant tente ses derniers soubresauts qui s'apparentent à une politique de terre brûlée. Il appelle à la rescousse deux diables ricanant déguisés en diplomates qui se débattent à sauver ce qu'ils pensent pouvoir encore sauver, à travers la démoniaque tentation d'internationalisation de la crise algérienne. Dans des menaces à peine voilées, ils n'hésitent pas à agiter le spectre de l'Irak et de la Syrie, si d'aventure le régime est dégagé. Quelle illusoire réponse aux lois de l'histoire ! Quel piètre spectacle d'un régime, sur le point de quitter la scène par la petite porte ! Notre initiative est une réponse à l'aveuglement du régime de rester, vaille que vaille, pour pousser les Algériens au désespoir. Elle s'inscrit dans une logique communément partagée, de gestion et de sortie de crise. A l'image des petits ruisseaux qui font le grand fleuve, les grandes manifestations, commencées le 22 février, sont l'aboutissement d'un long processus des luttes que n'ont cessé de mener des dynamiques sociales autonomes, malgré la férocité de la répression : les chômeurs, les anti gaz de schiste, les familles des disparus, les syndicats autonomes de l'Education, les retraités de l'ANP, les médecins résidents, les journalistes, etc. Par millions, sans lassitude, dans toutes les villes du pays, de toutes les générations et catégories sociales, les Algériens sont sortis pour exiger le départ immédiat et définitif de ce régime toxique, prédateur, incompétent, usurpateur et répressif qui a fini par polluer, à l'extrême, aussi bien le climat naturel que le climat social. Ce régime dégénéré, qui a régné par la terreur, la ruse et la corruption, a provoqué un profond sentiment de dégoût et de rejet. En faisant main basse sur l'Economie nationale, le régime a développé son potentiel criminel, réduisant la gestion de l'économie à un instrument de contrôle au lieu de constituer un ensemble de moyens au service du développement. Ce qui a entraîné une systématisation de la corruption, qui non seulement a aggravé l'épuisement des ressources nationales, mais a contribué, également, à renforcer le régime autoritaire et compromettre les chances de la démocratisation. Un rapprochement jusqu'à la confusion s'est, tragiquement, opéré entre une technocratie véreuse et une oligarchie insatiable, rapprochement qui a fini par constituer une grande menace non seulement pour les droits et les libertés mais aussi pour les équilibres financiers et écologiques C'est alors qu'est apparu le fossé insondable entre la grandeur du peuple et la petitesse du régime. Toutes ces manifestations spectaculaires ont pu donner la juste mesure des mutations que la société algérienne a réalisées. Ainsi les Algériens sont, de plus en plus, conscients de la primauté des devoirs sur les droits, et notamment le devoir d'interpeller les futurs dirigeants du pays sur l'impérieuse nécessité de ne jamais, sous quelque motifs que ce soit, se laisser tenter par la reconduction des modes de gestion qui ont précipité le pays dans des situations catastrophiques. Tel qu'ils ont organisé leurs marches, les Algériens de 2019 font preuve d'une grande maturité : ils savent ce qu'ils ne veulent plus et savent ce qu'ils veulent. Partant d'une bonne perception des défis et enjeux, ils mettent assez haut la barre des exigences, rompant avec les analyses fumeuses sur la problématique algérienne et procédant à un véritable examen pathologique où l'Algérie apparaît comme un pays malade d'un pouvoir exercé à des fins destructrices. Jusqu'au 22 février, les Algériens ne songeaient qu'à quitter le pays, poussés par le désespoir, n'éprouvant plus le besoin ni l'envie de continuer à vivre, en Algérie. Dans ses relents démoniaques, le pouvoir travaillait à rompre les liens d'appartenance et de cohésion qui ont de tout temps existé chez les Algériens. Ce grand désordre est dû au fait que le pouvoir n'aime l'Algérie que par sa géologie et sa géographie, négligeant délibérément l'Homme qui doit en principe constituer la mesure et la finalité de toute politique. Le phénomène de la ?Harga' est la manifestation tragique du caractère anti-national de ce régime qui a liquidé et épuisé pendant son règne un potentiel considérable de nos ressources humaines et naturelles. Les Algériens, dans leurs différentes manifestations, ont fait preuve de maturité, de détermination, de clairvoyance et de responsabilité. Face à la défaillance de la classe politique, aussi bien dans le pouvoir que dans l'opposition, la dynamique populaire a donné la mesure de sa capacité à organiser une résistance citoyenne, pacifique et intelligente, au chaos vers lequel ce régime unique et inique voulait mener le pays. Ce mouvement n'est pas simplement un ?hirak'. Il n'est pas seulement une ?intifadha'. Il est tout cela et même beaucoup plus. C'est une révolution venue parachever le processus de décolonisation et libérer le pays du colonialisme intérieur qui s'est fondé sur les ruines du colonialisme extérieur. Les Algériens sont parfaitement conscients du danger mortel que représente ce régime qui est allé jusqu'à créer des zones de collusions entre l'Etat national rendu moribond et la stratégie des convulsions du néocolonialisme. C'est dire à quel point cette dynamique sociale, en tant qu'alternative citoyenne, est porteuse d'espoir. Ayant libéré la parole et l'énergie, les jeunes ont dit NON à ce système, ils ont donné le sens à leur mouvement de catalyseur des capacités des Algériens d'inventer, volontairement et librement, l'ordre politique, social, culturel et économique compatible avec leurs aspirations. Pour toutes ces considérations, les dirigeants qui viendront, dès que les manifestations populaires auront achevé de clouer le cercueil de ce système avec ses hommes et ses méthodes, auront la lourde responsabilité d'être en mesure d'incarner les aspirations des Algériens à la liberté, à la justice et au progrès. A travers leurs manifestations, les Algériens ont suscité l'admiration de tous les peuples épris de liberté et de justice et particulièrement les peuples du Maghreb. Dans la profusion de slogans qui rivalisaient en imagination et en audace, on pouvait percevoir en sourdine l'idéal maghrébin. Il est beaucoup attendu de ceux qui auront la charge de gérer la transition en termes de crédibilité et de compétences pour structurer et rendre opérationnelles les institutions les plus adaptées à une sortie de crise. Les Algériens rêvent de rejoindre la mer des grandes nations qui savent inspirer les meilleures orientations aux politiques publiques et à susciter une dynamique de développement. En un mot, il y a, en Algérie, une grande attente sociale de voir, enfin, émerger un Etat moderne capable d'exercer pleinement la souveraineté nationale, de veiller à l'intérêt général, de s'insérer sans heurts dans le système des relations internationales et de construire une économie performante. La place de l'ANP a été parfaitement éclaircie. Le peuple tient à son armée nationale et populaire, elle a la mission sacrée de la défense du pays. De ce fait, elle s'est montrée capable de s'affranchir d'un régime qui espérait la transformer en force d'interposition entre le pouvoir et le peuple. L'acte IV des manifestations de ce jour béni du vendredi 15 mars 2019 mars, a fait sauter en éclats les derniers espoirs du régime d'obtenir, par la ruse et l'illégalité, ce qu'il n'a pas pu réaliser à travers le simulacre électoral qu'il comptait organiser pour durer au pouvoir. Son mandat arrive à échéance le 18 avril prochain. C'est à cette date qu'il doit partir et laisser la place aux instances de transition. La transition ne doit pas trahir l'esprit des manifestations : pacifique, silmya. Dans cette perspective, une conférence nationale indépendante du pouvoir devra se tenir, au plus tard, à la première décade d'avril pour dégager les modalités et instances de gestion de la transition. Cette conférence nationale réunira les représentants des acteurs des manifestations : dynamiques sociales, partis d'opposition et experts indépendants. De même qu'il faudra veiller à la symbolique du lieu où se tiendra la conférence et il est de la plus haute importance d'éviter les lieux de débauche politique tel Club des Pins. Avec une composition représentative, cette conférence bénéficiera d'une base légale et d'une légitimité populaire pour statuer, valablement sur les cinq points fondamentaux : 1- La désignation d'un chef d'Etat par intérim 2- La formation d'un gouvernement d'Union nationale 3- La constitution d'une commission indépendante de supervision des élections 4- L'établissement d'un calendrier d'organisation des élections présidentielles et d'une Assemblée constituante 5- La fondation d'une juridiction transitionnelle chargée de mettre au point les procédures d'instruire les affaires d'atteinte aux droits de l'Homme, de haute trahison et de crimes économiques Les instances de transition prendront leurs fonctions le 18 avril. Leurs missions devront être achevées au bout d'une année. Dans l'immédiat, un comité de préparation de la Conférence nationale doit être constitué par les principaux acteurs des manifestations. Il sera chargé d'obtenir l'adhésion à la démarche transitionnelle telle qu'elle a été esquissée dans cet appel, à travers les contacts avec les dynamiques sociales, les partis d'opposition, l'émigration et les experts indépendants. Ces contacts permettront ainsi d'arrêter les critères de participation à la conférence nationale, en veillant à assurer la meilleure représentativité et de fixer la date et le lieu des travaux. Comité d'Initiatives et de Vigilance Citoyenne d'Oran (CIVIC d'Oran) |
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