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Le 14 mars représente la
Journée nationale des personnes handicapées. Faut-il attendre cette date ou
celle du 3 décembre qui est la journée internationale pour se rappeler que
ceux-ci existent ? Doit-on à ce propos paraphraser El Moutannabi
avec ?'Fête, dans quelle condition tu es revenue, avec les promesses non tenues
du passé ou avec des choses nouvelles ?''
Dans l'Algérie de 2019, il n'existe pas un chiffre global précis de personnes handicapées ni de leur répartition suivant la cause du handicap. L'ONS, depuis le recensement général de la population de 1998, s'est délesté de cette évaluation. Les résultats de l'enquête nationale sur le handicap lancée en 2011 ne sont pas encore connus. Le seul chiffre réel aujourd'hui est celui des personnes inscrites en vue de l'obtention de l'allocation de handicap au niveau des DAS de wilaya et donc du ministère de la Solidarité nationale. En reprenant le chiffre de l'ONS de 1998 qui évaluait le nombre total de handicapés à 1,59 million pour une population de 29,7 millions, on peut estimer ce chiffre à 2,67 millions au 1er janvier 2019 pour une population de 43,4 millions. Si l'on se réfère au RGPH de 1999, les enfants handicapés d'alors devenus aujourd'hui adultes se déclinent en : 16,5 % de handicapés moteurs ; 9,32 % de handicapés mentaux ; 5,92 % de polyhandicapés ; 4,63 % de handicapés auditifs ; 8,06 % de handicapés visuels et 39,30 % de handicapés de maladies invalidantes. Ce chiffre de 2,67 millions de 'handicapés ne comprend que les handicaps classiques : moteurs, mentaux, sensoriels et polyhandicaps. Les maladies chroniques comme les broncho-pneumopathies chroniques, le diabète, l'hypertension... ne sont pas incluses. La loi de 2002 relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées a suscité lors de sa promulgation de grands espoirs au niveau de la société civile, tant certains de ses articles, comme celui consacré à la prévention du handicap par l'Etat, marquait une grande avancée même par rapport à la Convention internationale relative au droit des personnes handicapées paraphée par l'Algérie en 2009. Malheureusement, dix-sept ans plus tard, on constate que cette loi comme d'ailleurs de nombreuses autres, n'est qu'une déclaration de bonne intention car les décrets d'application n'ont pas suivi. Aujourd'hui le handicapé est marginalisé par la société, les services compétents, en l'occurrence le ministère de la Solidarité, et les wilayas avec leurs services annexes lui disent : ?'reste chez toi, tu n'as rien à faire dehors''. Rien n'est prévu pour lui faciliter l'accès, ni dans la voie publique (trottoirs, passages cloutés...), ni dans les transports, ni dans l'éducation, ni dans l'emploi, ni dans l'allocation misérable qu'on lui propose, ni encore moins dans le logement. Il n'y a pas, à proprement parler, une politique d'insertion des handicapés dans la vie active. Beaucoup de problèmes, peu de solutions Le pourcentage de handicapés recensés par le ministère de la Solidarité est de loin inférieur au nombre global de handicapés ; la raison est un problème bureaucratique ou autres, notamment l'information, qui empêche le handicapé de recevoir sa carte. Obtenir une carte d'immatriculation de la DAS ne signifie pas bénéficier de la dérisoire allocation de 4 000 DA car l'aide sociale, comme le stipule l'article 5 de la loi de 2002, est réservée aux «personnes handicapées, sans revenus». Même lorsqu'on est dans cette catégorie, pour en être ?'l'heureux bénéficiaire'', il faut des démarches insupportables pour une personne valide, alors qu'en est-il d'une personne handicapée, il lui faut passer sous les fourches caudines de la ?'maarifa''. La loi a prévu un certain nombre de facilités pour permettre aux handicapés d'intégrer la vie sociale mais, hélas, même les nouvelles constructions, les réhabilitations, les aménagements, les nouvelles acquisitions... introduits dans la construction, le transport... les ignorent. La loi algérienne de 2002, comme la plupart des lois d'autres pays, prévoit un quota d'emplois réservé aux handicapés à hauteur de 1% dans chaque entreprise, mais faute d'une législation contraignante, les patrons ne le respectent pas. Il faut rappeler que dans certains pays, une amende est imposée à l'entreprise qui ne respecte pas ce quota, et l'argent récupéré va alimenter les allocations destinées à cette catégorie. Un autre exemple est représenté par l'acquisition de logements. Si la loi de 2002 classe le handicapé comme cas prioritaire en vue de son obtention, il serait intéressant que les walis publient les quotas de logements attribués aux handicapés. De tous ces problèmes pendants, l'augmentation de l'allocation sociale donnée aux handicapés représente une demande majeure. Celle-ci doit être équivalente à l'allocation accordée aux chômeurs et ne pas être une allocation de charité humiliante pour le handicapé. Les handicapés n'ont pas besoin de la pitié de l'administration, ils réclament un droit reconnu tant national qu'international. Des expériences intéressantes ailleurs : dans la région Emilia-Romana dont la ville de Bologne en Italie est la capitale, sur les 45 000 demandes de travail présentées par les handicapés 40 000 (soit prés de 90 %) ont eu des suites favorables. Les responsables de la région ont remarqué un taux d'abandon important de travail lié principalement à comment rejoindre le lieu de travail ? Le secteur des transports est pointé du doigt. Certains handicapés téméraires ont tenu à rejoindre leur lieu de travail situé très loin de leur domicile en prenant un taxi. Ils dépensent en honoraires de taxis ce qu'ils gagnent dans leur travail mais ils estiment que c'est le prix à payer pour leur intégration sociale. Pour faciliter davantage l'intégration des handicapés, les autorités ont lancé de nombreuses idées novatrices visant à casser les barrières architecturales afin de mettre en place un projet de vie indépendant pour les handicapés. Les handicapés sensoriels, notamment visuels et auditifs, doivent pouvoir circuler à pied en ville. Les trottoirs ont fait l'objet d'aménagement en intégrant des bandes en relief que le handicapé visuel reconnaît facilement avec sa canne. Il en est de même pour les passages cloutés, le trottoir se décline pour permettre le passage du fauteuil roulant du handicapé moteur mais porte aussi des reliefs qui avertissent le marcheur handicapé visuel de la fin de la chaussée piétonnière. Les feux rouges émettent un bruit spécifique qui avertit le handicapé visuel de l'ouverture du passage et de sa fermeture. Les chauffeurs de bus reçoivent une formation spéciale pour leur permettre de mieux faciliter l'accès des handicapés dans les bus. Un dispositif sonore et écrit avertit les passagers du prochain arrêt et à l'arrivée la même information sonore est donnée à l'intérieur du bus et au niveau de l'arrêt. Les ascenseurs ont été équipés du même dispositif. Ces aménagements ont été généralisés partout dans la région : chaussées, gares routières, gares de trains, aéroport... Il faut aussi citer l'intéressant concept des coopératives sociales lequel découle de la loi italienne qui oblige toute entreprise ayant 15 employés de recruter un handicapé. Pour les sociétés importantes, ces handicapés sont organisés dans des coopératives sociales qui sont des entreprises non lucratives, elles sont donc exonérées d'impôts. Ces coopératives produisent des biens utiles souvent orientés vers le besoin des handicapés eux-mêmes. Un bel exemple est donné par les coopératives agricoles gérées par les trisomiques et qui commercialisent les produits du terroir. Les gens qui les fréquentent beaucoup dans le cadre du commerce solidaire, même si les produits sont un peu plus chers qu'ailleurs. Ce type de travail assure au handicapé un statut valorisant, le stimule dans la vie et lui permet de gagner de l'argent. Les mairies italiennes, pour rester dans l'exemple italien, ont pris l'initiative de construire des immeubles intelligents adaptés aux handicapés où ces derniers peuvent vivre de façon totalement autonome sans aide extérieure. Dans les immeubles anciens ou non aménagés, la mairie a pris des initiatives en créant des comités de locataires ou des familles habitant les mêmes immeubles pouvant aider les handicapés. Ces initiatives sont aidées par les associations de handicapés. La façon de vivre constitue pour le handicapé un aspect crucial de sa vie de tous les jours. C'est pour cela que le ministère de l'Habitat, qui dispose de projets gigantesques de construction de logements, devrait mettre en place une réglementation respectant le droit des handicapés par l'inclusion de dispositions (par exemple : rampes d'escaliers, toilettes, suppression des marches qui sont une barrière, ascenseurs...) facilitant la vie aux handicapés dans les permis de construire. La rénovation des écoles, des administrations, de la voie publique, des entreprises... devrait s'accompagner de la même obligation afin d'éviter de mettre en place des barrières qui gênent l'accès des handicapés. Un dispositif de contrôle permet de vérifier si la réglementation a été respectée. Dans cette région italienne, le handicapé bénéficie d'une allocation de 400 euros mais il a droit à un accompagnateur (souvent un membre de sa famille) qui reçoit lui une allocation de 800 euros. Ce soutien social et humain permet au handicapé de briser l'exclusion et de mieux s'intégrer dans la vie sociale. L'accès à l'emploi constitue un autre point prioritaire pour les handicapés car il les intègre réellement dans la vie sociale. Si les pays du tiers-monde, comme l'Algérie, sont restés figés dans des clichés éculés à l'exemple des petites entreprises de brosses ou des postes de standardistes, que les technologies nouvelles ont relégués dans les musées, de nouveaux métiers apparaissent dans les pays développés. Ils sont basés sur les aptitudes particulières des handicapés visuels qui sont orientés aujourd'hui vers des métiers où ils excellent comme la kinésithérapie, la psychologie, l'interprétariat, l'informatique... pour cela l'université doit faire sa mue et s'adapter en présentant un plan d'inclusion universitaire des handicapés. Bien sur, il existe de nombreux plans dans différents pays visant à améliorer le vécu de diverses catégories de handicapés. Ainsi, il ne suffit pas de faire des lois aussi ?'révolutionnaires'' soient-elles, il faut surtout bien les appliquer. Le bilan des ministères, des wilayas et leurs services annexes est largement négatif dans ce domaine car ils persistent à travailler en solo, alors qu'ils doivent faire participer d'abord la société civile dont les associations de handicapés mais aussi et surtout la recherche scientifique pour trouver des formules innovantes qui pourraient atténuer le calvaire que vivent aujourd'hui les personnes handicapées dans notre pays. *Universitaire, président de la FOREM |
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