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Le XXIe siècle se
fraye son chemin en s'empêtrant dans des considérations générées par des démons
d'autres temps qu'on croyait révolus, tout en se proclamant d'une modernité qui
se veut justement débarrassée de ces démons.
On parle de démocratie, d'égalité, de fraternité, de coexistence pacifique, de coopération alors qu'en réalité le schisme entre le Nord et le Sud est toujours d'actualité. Si lors de la période coloniale les arguments étaient clairement au service de l'entreprise du rapt et de la domination politique et économique, maintenant ils sont beaucoup plus insidieux et empaquetés dans des considérations humanistes et nobles ne fourvoyant que les crédules tellement la cupidité est flagrante. Les programmes de nombre de prétendants à la magistrature suprême de démocraties affirmées ne reflètent que la haine et la stigmatisation de l'autre surtout s'il est Arabe et musulman. Tout leur génie n'est qu'islamophobie, ils n'ont rien trouvé mieux que de faire du foulard un problème, de l'immigration une menace tout en se gargarisant d'une prétendue mission civilisatrice de la colonisation. Pour y parvenir, des aventuriers de tout bord sont chargés de théoriser, de trouver, de déterminer le fond et la forme qui justifieraient la permanence de l'entreprise coloniale sous ses nouvelles formes. En panne d'idée et de création de sens, la meilleure trouvaille que ces fous du désordre et ennemis de l'humanité ont réussi à mettre en œuvre c'est la volonté de semer la crainte, d'exacerber les différences entre les peuples, de désigner l'étranger comme étant la menace et de considérer l'altérité comme étant l'enfer. En cette période où la mondialisation tous azimuts, telle une déferlante, reconfigure le monde. Un souffle nauséabond de racisme et de xénophobie le pollue. Parmi ces tentatives de fourvoiement, d'entreprises de déstabilisations, je citerai à titre indicatif la prétendue trouvaille d'un des serviteurs du sionisme qui, sous couvert d'une prétendue rigueur scientifique, a contribué à l'une des plus grandes escroqueries de la fin du XX siècle en présentant l'islam comme étant la menace de l'Occident par excellence. En effet, si on avait à faire un hit-parade des théories post-guerre froide, indéniablement le podium reviendrait à la théorie de Samuel Huntington qui s'articulait dans un premier temps autour de la notion de «conflit des civilisations» annoncée dans un numéro de la revue Foreign Affairs en 1993. Cet article a rapidement suscité un intérêt que rien ne présageait et a fait l'objet d'un nombre considérable de rencontres scientifiques de tous genres à se demander s'il n'a pas perdu de sa substance ou au contraire a été porteur malgré lui de considérations que Huntington ne s'imaginait même pas en écrivant son article ? La question mérite d'être posée. En effet, cet auteur, en reprenant sa thèse dans un ouvrage qu'il consacra au sujet en 1996, proposa une version corrigée de la première en adoptant une nouvelle catégorisation de civilisation enrichie de trois nouvelles, situation qui corrobore le caractère conjoncturel subjectif et surtout instrumental qu'il faut souligner. Après avoir précisé cette réalité, il est tout aussi utile de dire en quoi consiste cette théorie. La théorie de Samuel Huntington avance la thèse suivante : En absence de guerre froide, les conflits seront alimentés par la confrontation des civilisations. Il écrivit dans «Le choc des civilisations» traduction de «The clash of civilisations and remaking the world order»1996: Quel est le thème central de ce livre ? La réponse qu'il propose est « le fait que la culture, les identités culturelles, qui à un niveau grossier, ont des identités de civilisations, déterminent les structures de cohésion, de désintégration et de conflits dans le monde, après la guerre froide (?) Les conflits à venir seront provoqués par des facteurs culturels, plutôt qu'économiques ou idéologiques? Les conflits culturels les plus dangereux sont ceux qui ont lieu aux lignes de partage entre les civilisations (?) Les communautés culturelles remplacent les blocs de la guerre froide et les frontières entre civilisations sont désormais les principaux points de conflits à l'échelle mondiale (?) Les chocs dangereux à l'avenir risquent de venir de l'interaction de l'arrogance occidentale, de l'intolérance islamique et de l'affirmation de soi chinoise». Avant de s'intéresser au contenu de la théorie, il est intéressant de souligner que son concepteur ciblait aussi bien l'Islam que la Chine en tant que force émergente, mais il semble que ce qui a fait la fortune de la théorie c'est le fait de désigner l'Islam et le reste semble n'intéresser personne. Drôle de soubassement scientifique ! La lecture de ces citations jugées les plus pertinentes de nature à exprimer l'idée directrice de la théorie de Huntington désignent l'élément culturel comme constituant la démarcation d'entre les peuples et source de désordre et de confrontation. De ce qui précède, il ressort de façon claire que la religion, le fait religieux par excellence culturel, est de facto mis en exergue. L'ennemi est tout désigné et ne peut, selon les propos de Huntington, en être autrement. L'Occident, selon lui, se doit de combattre toute religion car potentiellement vecteur de menaces, mais en réalité cette posture et réaction de l'Occident s'est principalement cristallisée sur l'Islam sans que les autres religions en vigueur en dehors de la sphère occidentale n'en subissent le même sort, ce qui nous interpelle et constitue un questionnement légitime à plus d'un titre : En quoi l'Islam dérange ? Les réponses sont plurielles et investissent des domaines divers. L'animosité affichée envers l'Islam peut prendre des racines diverses dont les éléments communs sont l'incompréhension, la méconnaissance et l'aveuglement savamment entretenus et instrumentalisés à la solde d'intérêts occultes. Cet état de fait prend plus de pertinence et génère des dangers certains en ces temps de montée de l'extrême droite dont l'islamophobie constitue l'essentiel de son programme et en période de mondialisation. Pour contrecarrer la bêtise humaine, il faut convaincre -je suis tenté par l'écrire en deux mots, rendre con et vaincu- son promoteur, le faire sentir son égarement et sa vile tentative. Parler de l'Islam, le présenter sous sa véritable conception, s'avère d'une utilité certaine tout en ne voulant pas reprendre les paradigmes d'analyses usuels dans la recherche de significations des textes sacrés qui combinent les dimensions linguistiques, anthropologiques, historiques et bien d'autres domaines de connaissance spécialisée, car n'en étant pas outillé de cette connaissance nécessaire à ce genre d'entreprise et parce que également mon objectif n'est en aucun cas d'avoir une lecture explicative de l'Islam, ni de vouloir convaincre quiconque de sa sacralité, ni de se substituer au prédicateur au service d'un quelconque prosélytisme, l'intention que j'affiche et revendique est d'inviter le lecteur de tout bord, quelle que soit sa religion, statut et position, de se débarrasser de ses convictions forgées à l'aune du rejet de l'autre, de ses préjugés, de mettre en évidence les incohérences, les erreurs, les insuffisances, les déviations que les confrontations séculaires, le subjectivisme et la perception erronée de la réalité ont générés, fruits d'incompréhension qu'une histoire tumultueuse entre l'Occident et l'Orient a engendrée et qui constitue pour des aventuriers sans vergogne le terreau à entretenir, à développer. Il est également utile de souligner le fait qu'on a pris le pli d'aborder, peut-être légitimement ou pas -la question n'est pas à inscrire dans le cadre de cet article, l'égocentrisme occidental en l'accentuant, en insistant sur l'apport des démons imbus de prétendue supériorité, résidus de l'entreprise médiévale des croisés et que certains instrumentalisent alors que l'intelligence voudrait plutôt qu'on doit en faire l'économie en les exorcisant et les annihilant. Cette posture est également à prescrire pour cet autre autoproclamé civilisateur et avec plus d'insistance car historiquement il en supporte la responsabilité. L'objectif de cet article est de dépasser les querelles stériles et contre-productives surtout en cette période où les enjeux de tout bord se trouvent parfois amarrés à des considérations d'ordre culturel et civilisationnel parfois dans une optique de fourvoiement et à la solde de manœuvres occultes. Il devient plus que préoccupant de constater que le monde de ce début du XXIe siècle se trouve progressivement embarqué dans une dérive de dichotomisation entre un monde occidental et un monde musulman qui, en se rejetant l'anathème, laissent libre cours aux détracteurs mercenaires d'un ordre sioniste, qui n'ont de répit que lorsque le monde sera ruine et désolation. Les détenteurs de cette haine séculaire envers le monde mobilisent tant l'intelligence que la force pour se présenter en victimes, en droit de légitime défense. Conscient que les efforts entrepris qui s'inscrivent dans le cadre de l'entreprise de déstabilisation et d'envenimement sont légion, et pour preuve, il n'y a qu'à constater que l'histoire comparée des religions n'a pas encore conquis sa place comme matière d'enseignement dans l'enseignement supérieur occidental sous prétexte d'une laïcisation de la société occidentale, cette situation contribue de façon certaine à favoriser l'incompréhension et la propagation du mépris et de la haine en permettant aux charlatans de tout bord d'agir en toute liberté en propageant un climat islamophobe à la fois insidieux et assumé (les partis de l'extrême droite). Pour barrer le chemin à cette engeance, il devient urgent de s'atteler à mettre en exergue les éléments susceptibles d'éloigner les soupçons d'irrationalité que certaines pratiques et rituels dont l'origine païenne est occultée consciemment ou inconsciemment, ont attribué à la religion musulmane un caractère fétichiste ostentatoirement risible que l'esprit normalement constitué ne peut accepter, et pourtant la profondeur du texte sacré de l'Islam n'échappe à personne, quand bien même on veuille l'occulter. Néanmoins, il est à signaler que toute prétention à fixer le sens et la signification d'une manière définitive du texte sacré n'est que pure inconscience et excès de confiance dans des compétences que personne ne peut en disposer car l'entreprise dépasse les possibilités humaines même fédérées. Tant de générations d'exégètes se sont essayées à cet exercice mais ont toutes fini par reconnaître que leurs apports sont à inscrire sous le sceau de la relativité. Quand bien même, interprétation relative, elle n'a en aucun moment télescopé la rigueur scientifique ou infirmé les résultats de la technologie du moment. Quoi qu'on puisse dire, il est d'importance de préciser que l'Islam ne peut se concevoir que dans sa dimension authentique, à savoir humaniste, soucieuse de la valeur de l'homme selon les différentes déclinaisons. Parler de l'Islam ne doit se faire qu'au singulier, on a souvent pris l'habitude de le désigner comme modéré ou pas alors qu'il n'est que l'incarnation de l'harmonie et de l'équilibre. Il n'a jamais été une sorte de continuum où on peut déplacer à loisir un curseur. L'Islam est par essence modération et miséricorde. Parallèlement à cette réalité, il y a lieu également de faire référence à la mondialisation et à ses répercussions dans son expression d'économie de marché en s'inscrivant dans la logique de Huntington, qui ne peut qu'être une invitation sans équivoque à une uniformisation de la norme qui en s'instituant comme incontournable équivaut tout simplement à l'abolition de la norme indigène. Il est clair que cette perspective bien réelle augure de toute évidence des situations conflictuelles aussi bien déclarées que tacites. Cette affirmation n'est en aucun cas l'expression d'un pessimisme nourri de subjectivisme, mais bien une réaction atténuée face au triomphalisme dont font preuve les prosélytes de cette théorie que Francis Fukuyama représente dans toute son arrogance dans «la fin de l'histoire». Concevoir une socialisation authentique en usant d'outils, instruments génériques dans une communauté d'hommes et de femmes évoluant suivant leurs propres spécificités culturelles, suivant leur propre vécu dans un monde où les différences culturelles sont l'élément générateur de conflits peut paraître paradoxal. La mondialisation selon ses concepteurs ne peut s'exprimer et se manifester que par l'exclusion et l'anéantissement de l'autre et en ces temps cet autre n'est autre que l'Arabe, le musulman. Généralement, la notion de conflit est abordée comme étant l'expression du désaccord, de l'existence de situations qui peuvent se constituer en contre-pouvoir, où le caractère consensuel est menacé. Le conflit est donc par essence la manifestation d'incompatibilités d'ordre émotionnel, cognitif et d'objectifs. Il est à préciser que la littérature spécialisée insiste sur le fait de ne pas concevoir le conflit dont l'origine est la dissemblance en termes négatifs et de le considérer comme étant pathologique de façon systématique, il est tout à fait possible que le conflit peut être l'occasion d'une remise en cause salvatrice et bénéfique à plus d'un titre. Dans bien des cas, l'influence du conflit dépend de caractéristiques et de facteurs tels le temps et l'espace, l'intensité et la perception que se font les différents partenaires, les objectifs poursuivis et les enjeux en question, la spontanéité ou l'instrumentation préméditée. L'évaluation des conflits est à faire de façon spécifique, où chaque cas est à prendre dans la configuration qui est sienne. Après avoir épousseté les contours de la notion de conflit, il est d'un intérêt certain de préciser que dans le cadre de l'entreprise de stigmatisation des musulmans et de l'Islam, la notion de conflit constitue l'élément central sur lequel tout se focalise et se cristallise. L'autre (le musulman) devient l'ennemi et la guerre à l'Islam devient sainte pour une civilisation qui intronise la laïcité religion de toutes les religions. Que devrons-nous faire face à cet acharnement ? Adopter une stratégie d'escalade, de l'exclusion, du refus de l'autre ou au contraire répondre par l'intelligence et la volonté de la coexistence pacifique. En ce qui nous concerne, la réponse réside dans les enseignements aussi bien de l'Islam que de la culture arabe, qui font du respect de l'autre et la préservation de son intégrité un principe sacré ne pouvant être dérangé sous n'importe quelle raison. Vivre sa différence se fait dans l'harmonie et non dans l'adversité. Les théoriciens islamophobes en panne de sens se doivent de se reprendre et de ne pas confondre force et arrogance, toute action entraîne réaction et la valeur de la réaction est fonction de l'action. |
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