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La meilleure façon d'étourdir le peuple
algérien sur un sujet extrêmement sérieux comme celui du gaz de schiste est
d'afficher la prétention d'être en maîtrise de la situation, de mettre en
branle le système de désinformation et de dire: Algériens, Algériennes n'ayez
aucune crainte, l'Etat est là pour vous protéger et protéger l'environnement,
ses lois et ses règlements sont faits pour votre sécurité! A vrai dire, ce
style de persuasion est ni rassurant ni approprié pour convaincre les
Algériens, la seule façon de faire accepter un projet atypique est d'éviter le
langage trivial et malicieux.
En deux mots, le projet du gaz de schiste n'est pas une affaire d'opinion et de paroles creuses mais une affaire d'impondérables majeurs, point final. Basculer vers le gaz de schiste, signifie que le pic pétrolier a été dépassé et la capacité de répondre aux besoins énergétiques des générations à venir est sérieusement amoindrie. A partir de ce fait, le développement durable, ce concept phare que prône l'Algérie afin de suivre le grand courant mondial, est ni plus ni moins qu'un signe ostentatoire. UN DEVELOPPEMENT QUI N'A PAS D'ALLURE Le blâme convient très bien à tous ceux qui considèrent le Sahara comme un réservoir en attente d'être vidé, qui piaffent d'impatience pour l'exploitation du gaz de schiste et qui font tout pour maintenir la dépendance des hydrocarbures. Il est grand temps de sortir tranquillement de l'ère fossile au lieu de remettre à plus tard cet impératif. Pour ce faire, il faut absolument casser le mythe de voir les énergies fossiles comme un potentiel de croissance économique et un signe de grâce. Le projet du gaz de schiste est insoutenable car il est en délicatesse avec la loi 03-10 et les principes de base du développement durable en l'occurrence: la précaution, la prévention, l'information et la participation. Il est claire que nous ne pouvons pas construire un pays autour de projets insoutenables qui épuisent les ressources, menacent l'écosystème et vont contre la volonté populaire. De ce fait, il faut asseoir le socle du développement durable au centre de la politique de développement et observer la rigueur dans l'implantation de ce concept pour ne pas nuire à notre existence. L'ECOBLANCHIMENT Plusieurs interventions officielles à saveur écologique ont tenté à légitimer le projet du gaz de schiste, en évoquant tantôt la responsabilité envers les générations à venir et la protection de l'environnement, tantôt l'équité sociale et la maîtrise de la technologie et en aucun cas l'existence de risques immédiats et lointains, tout ceci pour dire que le projet est inscrit dans une perspective de développement durable. Il est clair qu'un projet non concerté qui a divisé notre société et nous a propulsé vers l'incertitude, qui exerce une pression sur les ressource naturelles, impacte l'environnement et ne bénéficie pas de l'acceptabilité sociale est illégitime du point de vue développement durable. Dire que les produits chimiques utilisés dans l'hydro-fracturation sont inoffensifs alors que les pictogrammes sur les contenants indiquent le contraire est le summum de l'hypocrisie et de la malhonnêteté. La déficience environnementale qui a été mise en évidence et documentée par des photos diffusées sur internet aux abords du forage (confinement de fortune des eaux boueuses de fracturation, absence de traitement, entreposage non conforme des matières dangereuses...) est une lacune évidente qui n'inspire pas confiance. L'ANALOGIE ENTRE LE GAZ DE SCHISTE ET LE MERCURE Il y a largement de quoi contester le projet du gaz de schiste et ne lui accorder aucun crédit quand on se réfère à la catastrophe écologique du complexe mercuriel de Azzaba classé au second rang à l'échelle mondiale. Cette activité compromettante de l'industrie minière entamée depuis les années 70 jusqu'en 2005 sur de grandes étendues de terre a été soldée par la mort de ces terres et la contamination des cours et nappes d'eau par overdose de mercure. Comme substance hautement toxique pour l'homme et l'environnement, le mercure est classé par l'OMS comme un des 10 produits chimiques extrêmement préoccupants pour la santé publique. En fin de vie, le complexe mercuriel de Azzaba avec tous ses effets pervers a été abandonné et le suivi de la phase post fermeture négligée. Ce site orphelin qui inspire la désolation est un témoin vivant de la gestion nonchalante de l'environnement, du pouvoir destructeur des éléments naturels et de la pure négligence de l'Etat. Cette vérité qui dérange est une preuve éclatante d'immaturité et d'insécurité, elle est aussi un bon indicateur du niveau de culture nationale. En conclusion, le projet du gaz de schiste ne répond pas à un besoin et ne suit pas les règles de l'art connues dans l'implantation de projet à risques majeurs. Il faut reconnaître que celui qui voit la jouissance et le profit dans le projet du gaz de schiste n'a pas le choix de marginaliser ses risques et d'ignorer le fait qu'un litre d'effluent est capable de contaminer un million de litres d'eau! * Consultant en environnement & développement durable |
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