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C'est un leurre
que de croire à la solidarité européenne et soviétique envers l'Ukraine. Cette
dispute entre ces deux pôles est la toile de fond d'une arrière-pensée beaucoup
plus complexe.
Comment peut-on croire que les pays européens en pleine crise financière se disent prêts à consentir une aide importante pour sortir ce pays de l'emprise soviétique. Pourquoi justement cet engouement suivi, comme on peut le constater par une très forte offensive médiatique? UNE CARTE SUCCINCTE DE CE PAYS Avant la révolution d'Octobre 1917, l'Ukraine était déjà considérée comme le « grenier à blé» de la Russie, un des plus riches pays agricoles du monde. Mais la révolution bolchevique, qui se présentait alors comme la « révolution des paysans», est passée par là. Le monde n'a pas encore vraiment pris la mesure de ce qu'a été la « Grande Famine» des années 1932 et 1933, une famine créée artificiellement pour forcer les paysans à la collectivisation qu'ils refusaient. Les commissaires politiques ont alors tout volé : récoltes, semences, bétail, souches reproductrices?.En deux ans, 7,5 millions de paysans, principalement ukrainiens, ont péri. En 1991, l'Ukraine est redevenue indépendante. Cela lui a permis de reprendre en main son secteur agricole. Apres dix années d'un démantèlement de l'appareil soviétique tombé en désuétude, et qui a abouti à un écroulement complet de l'appareil de production agricole de l'Ukraine, la loi du 16 Décembre 1999 jette enfin les bases d'un renouveau. Le 1er Janvier 2000 a donc finalement vu la liquidation quasiment totale de tous les kolkhozes. La très grande majorité ont disparu, et sur les dépouilles des autres se sont recomposées de grandes exploitations agricoles modernes, grâce aux nouvelles technologies et aux investissements occidentaux, pour former ce qu'on pourrait appeler depuis quelques années des « agro-holdings».Cette réforme a aussi marqué les premiers pas d'une privatisation des terres agricoles. En effet, chaque kolkhozien ou ancien travailleur du kolkhoze, a reçu une parcelle de terre en son nom, d'une surface moyenne de 3,15 hectares. Le document reçu et formalisé dans chaque commune, ressemble à si méprendre à un acte de propriété, le détenteur pouvant au choix cultiver sa parcelle ou la louer à un autre cultivateur. La seule chose qu'il ne peut encore faire étant de la céder à un acheteur éventuel. Les anciens directeurs de kolkhoze et les entrepreneurs occidentaux, se sont donc lancés dans le regroupement de ces parcelles, remembrant ainsi de très grandes surfaces qu'ils ont pu prendre en location pour des durées allant jusqu'à 49 ans, la plupart du temps les baux s'établissant pour 10 à 20 ans. Les loyers annuels sont très raisonnables puisque la moyenne actuelle des locations à l'hectare est entre 30 et 50 dollars à l'année selon la qualité des terres, permettant ainsi aux exploitants d'investir tout leur argent dans l'achat des machines et des intrants nécessaires à l'exploitation. En même temps, un système fiscal très avantageux pour les entreprises agricoles a été institué en 1998. Tout d'abord, les entreprises agricoles dont les ventes sont composées pour 75% au moins de leur productions propres, sont exonérées de l'impôt sur les bénéfices et ne payent qu'un impôt foncier fixe en fonction du nombre d'hectares qu'elles louent. Cette taxe est assez faible car elle ne représente que 15% du montant des locations, soit entre $ 5 et $ 8 à l'hectare loué et par an. C'est de cette manière et en application de cette reforme agricole que ce pays devait confirmer sa réputation connue depuis longtemps pour la fertilité de ses terres et l'abondance de ses ressourcer naturelles. Elle est ainsi en cours de reprendre sa place de « grenier à blé» de l'Europe et de figurer parmi les principaux exportateurs mondiaux de matières premières agricoles. L'Ukraine est sûrement le pays le plus « agricole» du monde ? autrefois le « grenier a blé» de l'Empire russe, et aujourd'hui un fabuleux « gisement vert» au centre de l'Europe. Ses matières premières agricoles sont aujourd'hui des ressources aussi stratégiques que les matières énergétiques du pays. Comme tout « gisement», ce trésor vert suscite bien des convoitises?La nature a doté l'Ukraine de ces merveilleuses « terres noires» extrêmement fertiles, les fameux « tchernozioms», héritées sans doute d'une ancienne forêt tropicale aussi vaste et riche que l'Amazonie. Si l'Ukraine est à peine 10% plus vaste que la France, elle est principalement constituée de très grandes plaines cultivables qui représentent 90% de sa superficie. Et sa Surface Agricole Utile représente 70% de son territoire, soit presque 42 millions d'hectares. Avec de tels avantages naturels, l'Ukraine nouvellement indépendante ne pouvait que revenir dans le « club» des grands exportateurs mondiaux de matières premières agricoles, et reprendre progressivement sa place de « grenier à blé» de l'Europe. Après beaucoup d'efforts pour remettre en marche son appareil de production, la production agricole a finalement décollé en 2008 pour atteindre les 50 millions de tonnes grâce à une augmentation générale des rendements, qui restent cependant inférieurs en moyenne de 40% aux niveaux européens. Le rendement global moyen en céréales ukrainiennes reste encore faible, il est donc clair que le potentiel d'amélioration est encore, dans une large mesure, à améliorer. Aujourd'hui les exploitations les mieux équipées arrivent même à avoisiner les rendements ouest-européens. Aussi la production de céréales ukrainiennes pourrait donc facilement doubler lors des prochaines années. QUELS SONT JUSTEMENT CES PRODUITS AGRICOLES? L'Ukraine produit de nombreuses denrées agricoles. Tout d'abord le blé (presque 10 millions d'hectares), qui est cultivé dans tout le pays, mais principalement dans les régions du centre. A noter, 70% de la production nationale de blé est considérée comme de qualité meunière selon les normes du pays. L'Ukraine produit également de l'orge de printemps qui provient du nord du pays. C'est d'ailleurs la demande croissante d'orge de brasserie soutenue par les achats des grands malteurs internationaux et la mise à disposition de semences de qualité importées d'Europe de l'Ouest, qui a conduit à un bond de la production nationale. Le maïs est la troisième céréale la plus importante cultivée en Ukraine, avec environ 2,5 millions d'hectares. Quant au seigle ou au sarrasin, ils continuent d'occuper des surfaces appréciables en Ukraine mais sont davantage tournées vers l'approvisionnement du marché domestique. Les bonnes perspectives de profit des cultures oléagineuses ont poussé les agriculteurs ukrainiens à développer d'autres cultures comme le tournesol (plus de 4,4 millions d'hectares chaque année pour une récolte de 6,8 millions de tonnes en 2012), mais aussi le colza (1,5 millions d'hectares) et le soja (1 million d'hectares), alors que ces cultures n'existaient pratiquement pas en Ukraine il y a 5 ans. Il est cependant à noter qu'à part l'huile de tournesol, aucune autre culture oléo-protéagineuse n'est triturée sur place, et que la totalité de la production de colza, grandement stimulée par le développement mondial des biocarburants, est exportée soit vers les marchés d'Asie (Pakistan, Bengladesh), soit vers les usines occidentales de biodiese1.Comme on le voit, les nouveaux exploitants agricoles ukrainiens ont privilégié le développement des grandes cultures végétales, facilement exportables et qui nécessitent moins de capital et de main d'œuvre. Ce mouvement s'accentue aujourd'hui avec l'arrivée récente des agro-holdings. UNE LEGISLATION ENCOURAGEANTE Toute une panoplie d'aides étatiques aux fermes ukrainiennes, que leurs capitaux soient détenus par des Ukrainiens ou par des étrangers, permettent de toucher des subventions de l'ordre de 30% sur les tracteurs et équipements assemblés en Ukraine, d'être remboursés d'une participation de l'état aux intérêts des emprunts bancaires contractés pour s'équiper (qui peut aller jusqu'à 10% des intérêts sur les prêts en grivnas, ou 6% sur les prêts en $), et pour certaines cultures très rares (en 2013, c'était seulement pour les betteraves à sucre, le lin et le chanvre, ainsi que pour certaines semences) de toucher une subvention à l'hectare de culture. Un tel traitement de faveur, très attractif pour les capitaux internationaux, ne pouvait pas ne pas attirer les investisseurs. Grâce à l'argent abondant des « private equity funds» et d'autres fonds d'investissement, généralement bien accompagnés par les grands investisseurs institutionnels internationaux, se sont constituées de très grosses agro-holdings. Ces entreprises modernes sont bien financées, bien conseillées, et toujours très bien équipées. Elles forment la plus belle vitrine de l'agriculture ukrainienne et ont devant elles un espace encore ouvert pour se développer, ce qui les rend très attractives. C'est pourquoi aujourd'hui encore, alors que l'Ukraine industrielle et financière se débat dans une crise profonde, alors que le crédit est pour ainsi dire toujours inexistant, les agro-holdings se développent sans problème et occupent de plus en plus le terrain : accès au foncier pas cher, accompagnement de l'équipement et des investissements des fermes dans la production, possibilité de garder ses gains pour les réinvestir etc. Cette politique a fini par porter ses fruits, et à la fin de la décennie, pour la saison 2008/2009, l'Ukraine est ainsi devenue le 1er exportateur mondial d'orge et de tournesol, le 2nd de colza, le 4eme de mais, le 6eme de blé et le 8eme de soja e6tc.Le défi technique du redécollage de la production agricole en Ukraine semble avoir été finalement bien abordé, et l'Ukraine est certainement en route vers une collecte de plus de 100 millions de tonnes avant la fin de la décennie LE TISSU INDUSTRIEL Une société nouvellement créée, la société HLEB INVESTBUD qui aurait été formée pour 40% par l'Etat en apportant à cette structure les silos et les restes de l'ancienne société de réserve d'Etat HLEB UKRAINA, et pour 60% par des investisseurs et qui a bénéficié grâce au concours de l'Etat de la majorité des quotas d'exportation f autorisés par le pouvoir ukrainien. Il y a donc clairement certains acteurs désirant créer un monopole d'exportation des matières premières agricoles ukrainiennes dans les sphères proches du pouvoir actuel comme dans tous les régimes autocratiques. Parallèlement, on assiste à une rapide concentration aussi bien au niveau des fournisseurs d'intrants de l'agriculture, et particulièrement s'agissant des engrais azotés. Sur les 5 plus grosses sociétés productrices d'engrais, 4 viennent d'être rachetées ces derniers mois par le groupe de Dimitri Firtash, « monopoliste» du gaz, et désormais des engrais minéraux en ayant successivement racheté « Tcherkassy-Azot», « Stirol», « Severo-Donetsk» et « RovnoAzot». Il détient actuellement plus de 2,5% des capacités de production mondiale des engrais azotés. Il ne lui reste plus qu'à racheter la très grosse usine du Port d'Odessa, actuellement société publique nationale mais dont la privatisation prochaine est déjà annoncée, et il sera devenu quasiment le seul producteur d'engrais azotés en Ukraine. Et l'on voit aujourd'hui une concentration sans précédent des terres entre les mains des agro-holdings qui contrôlent déjà plus de 20% des meilleures terres ukrainiennes, et des mouvements encore peu clairs mais certains de concentration entre elles de ces agro-holdings. Il est déjà notoire depuis quelques semaines que la société AVANGARD, le plus gros producteur d'œufs d'Ukraine, dont on ne sait pas très bien si les commanditaires finaux sont des députés ukrainiens proches du pouvoir actuel ou des intérêts russes, venant de racheter les sociétés DAKOR et RAISE AGROSERVIS, contrôle désormais 436.000 hectares des meilleures terres ukrainiennes et est ainsi devenu le plus gros opérateur du pays. Des bruits récurrents en Ukraine évoquent même actuellement la prochaine constitution d'un conglomérat de plus d'un million d'hectares appartenant aujourd'hui à divers gros exploitants qui ferait bientôt appel au marché international. S'il s'agit d'une possible évolution de HLEB INVESTBUD, ce projet à la rentabilité garantie ne serait pas sans saveur pour les fonds d'investissement internationaux, mais il est fort probable que tout ne soit au final pas si transparent que cela, et que seule une faible part du capital leur soit réservée en échange d'investissements financiers bien sûr massifs ? SES PERFORMANCES A L'EXPORTATION -Nemiroff est l'un des principaux fabricants de vodka en Ukraine, et principal exportateur avec plus de 50 pays concernés. 70% de la production est destinée à l'export. L'entreprise occupe la 13eme place mondiale des fabricants d'alcools en termes de volumes. Le chiffre d'affaires de cette entreprise en 2013 s'élevait à 700 millions de dollars. - Roshen : Principal fabricant de chocolats et confiseries en Ukraine. L'entreprise possède 4 sites de production dans le pays, et emploie 8900 personnes. Le chiffre d'affaires de 2013 s'élevait à plus de 2 milliards de dollars, pour une production de 810000 tonnes. Les produits sont exportés dans de nombreux pays dont l'Allemagne, les Etats Unis et le Canada. - Chumak : Cette entreprise existe depuis 1996, elle est spécialisée dans la fabrication de ketchup, sauces tomates, mayonnaise et huile, et constitue l'un des leaders des légumes en conserve en Ukraine. Elle emploie plus de 1200 personnes, le chiffre d'affaires de 2013 était d'environ 70 millions d'euros. Avec cela l'année 2014 semble très prometteuse en dépit des événements sanglants ainsi, La moisson s'achève sur une note positive. Après avoir revu à la hausse les prévisions à plusieurs reprises, on estime maintenant à 51 millions de tonnes la récolte de céréales et de légumineuses, soit 20 % de mieux que les 39,3 millions de tonnes engrangées en 2012. L'Ukraine retrouve ainsi presque le niveau record de 2008 (53,3 millions de tonnes), ce qui devrait lui procurer des recettes d'exportation appréciables. Sachant en effet que, bon an mal an, la consommation domestique s'élève en moyenne à 25 millions de tonnes, il devrait être possible de dégager en 2013 entre 25 et 30 millions de tonnes pour l'exportation. CONCLUSION De nombreux analystes y compris la banque mondiale estiment que la politique agricole est sans ligne directrice claire. En effet, Depuis l'accession à l'indépendance, les dirigeants successifs du pays ont privilégié des gains de court terme au détriment de politiques qui auraient favorisé la modernisation du secteur et renforcé la confiance des investisseurs. Ainsi, en vingt ans, le discours des dirigeants n'a pas évolué d'un iota et ils continuent d'évoquer conditions d'investissement, partenariats public-privé, taux d'imposition, quotas à l'exportation... Pourtant des experts et des lobbyistes cherchent à lancer des projets concrets et relativement faciles à mettre en œuvre, tels que des prêts à long terme, des aides et polices d'assurance à taux préférentiels en faveur des petites et moyennes exploitations ou encore des subventions pré-récolte. Mais la corruption bureaucratique entrave un dialogue sérieux. Prut être que le prochain président renouera avec la concertation sociale. Il faut dire que si les observateurs algériens veulent se lancer dans une comparaison de ce pays à l'Algérie, le seul critère restera la corruption bureaucratique, pourquoi ? Les ukrainiens sont des travailleurs productifs dans leur pays mais très mauvais ailleurs. Ce qui explique leur rejet par leurs voisins européens. Les algériens sont par contre dynamiques et créatifs mais en dehors de leur pays alors alors?.. * Consultant et Economiste Pétrolier |
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