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« Grand roi, dans
ce cercueil, je te fais présent de ta peur - de ta peur ensevelie ». William
Shakespeare. (Richard II)
Que le président sortant se représente à la magistrature suprême n'est pas une surprise. Rien ne le lui interdirait sinon la faculté, comme on dit. Celle qui doit juger de ses capacités à gouverner. Et ce bulletin de santé devra s'accompagner d'une évaluation politique du document. Dans la période actuelle, avec toutes les menaces qui se profilent à l'extérieur, aux frontières et à l'intérieur, des capacités exceptionnelles de gestion sont de mise. Le diagnostic donc n'est pas seulement médicale mais également politique. Et s'il se qualifie, ou s'il est jugé qualifié à gérer le pays ? et c'est là un gros pari à prendre - pourquoi donc manifester aujourd'hui contre sa candidature ? Ne serait-ce pas contraire aux règles démocratiques ? Ne souriez pas. C'est aussi simple que ça. Le paradoxe veut pourtant, que ce soient les personnes les plus attachées au plein exercice de la démocratie qui lui recommandent de ne pas se présenter à la prochaine consultation. Au nom de quoi ? Si un groupe, ou un parti, même en lambeaux, le veut comme candidat, ne serait-il pas antidémocratique de prétendre l'en empêcher ? Je ne prends la défense de personne. Je m'interroge seulement, me demandant pourquoi tant de voix se lèvent aujourd'hui quand il fallait protester, hier, contre la révision constitutionnelle qui changea les règles du jeu. A moins d'être dupe, les intentions étaient claires. A moins d'être frappé de cécité politique, linguistique et constitutionnelle, la révision équivalait à une option de bail permanent. Je me trompe ? Même si, dans un désir secret de passer la main, comme certains l'en crurent capables un moment, il en arriva à reconsidérer cette option, la raison nous conduit à penser que M. Bouteflika n'a, en fait, pas d'autre choix que de se représenter. Ne pas le faire c'est disqualifier tous ceux qui se réclamaient, se réclament et se réclameront de lui et de ses orientations. Sans guide ils n'existeraient plus. C'eut été se tirer une balle dans le pied. Le piédestal, dans ce cas. Un maitre est aussi l'esclave de ses esclaves. D'autant que sa candidature est une aubaine pour occulter le bilan des précédents mandats pour nous tenir, au cours de la campagne, directement ? ce que nous lui souhaitons de tout coeur - ou indirectement, le langage des météorologues algériens : « il fera beau demain et Dieu est plus savant ». « Oua Allahou Aalam ». Ainsi, voici « la peur ensevelie ». Oublions ce non événement. Et les couteaux ? et même les canifs - qui se multiplient quand le lion est blessé, selon notre adage. S'y focaliser c'est perdre de vue l'essentiel. Et ce serait préoccupant. Où en sommes nous ? Il ne s'agit pas de voter pour ou contre l'actuel président en exercice. L'enjeu est l'état et le futur d'une nation, d'un peuple, de son destin, de ses enfants, de la génération qui vient et de l'héritage que nous allons lui laisser. Pas de discourir sur M. Bouteflika, de son rang ou rôle dans l'histoire. Nous parlons de tracer un trait au bas d'une gestion, en faire l'inventaire, voire ce qui a marché et ce qui ne l'a pas été, ajuster les directions et s'y mettre tous pour s'en sortir. Rien de moins. Les contributions s'étalant sur ce que nous avons tous connus, tous jugés, ne sont pas satisfaisantes en termes d'idées nouvelles et de restructuration de la société, en termes de projets, d'ambitions nouvelles. Elles aboutissent toutes à des « il n'y a qu'à ? ». Et les « il n'y a qu'à » il ne faut pas aller dans les fora politiques pour les entendre. Le café du coin en est le lieu durant une partie de dominos. Le silence des candidats, est encore plus tragique. Il nous fait croire qu'ils n'ont rien à dire sinon briguer un siège. Un programme, faut-il le rappeler, ce sont des repaires socio économiques, des objectifs à réaliser à l'aide de moyens identifiables. Pour regarder derrière nos épaules, ce fut la formation et l'éducation forcenée des hommes et de nos enfants, la nationalisation des banques, la récupération de la terre, la nationalisation des ressources nationales, la santé gratuite, piliers indiscutables pour mettre en place un état qui mérite de l'être. Les initiateurs d'un tel programme n'avaient pas été chercher loin leur source d'inspiration. Ils avaient écouté le paysan et le citadin brimé qui avaient pris les armes et affronté les balles ennemies pour renverser le cours de l'histoire. Qui a jamais vu un politique, sans être obligatoirement en campagne électorale, assis sur une natte, avec des paysans autour de lui, ou avec des ouvriers en salopettes marquées de graisse, débattre avec eux de leurs problèmes pour mieux exprimer leur volonté ? Ont-ils été sur le terrain pour comprendre les problèmes auxquels sont confrontées toutes ces populations ? Vous avez dit « non » ? Vous dites que la presse, la télévision ne les a peut-être pas filmé ou photographié ? Peut-être. Mais pour ceux qui n'ont pas été à Canossa, au pied de ce peuple pour qu'il lève son reniement, il est grand temps de mouiller la chemise. Ou qu'ils initient ces consultations. Aujourd'hui, après avoir longtemps ausculté - par télévision interposée - l'état de santé de M. Bouteflika, nous tâtons le pouls des candidats potentiels. Ira ? Ira pas ? Nous ne sommes pas orphelins. Nous ne sommes pas à la recherche d'un père putatif. Mais tous les paramètres exigent de nous, en ce mois anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures - que beaucoup ont occulté - l'identification d'un visionnaire. Un homme qui, lorsqu'il s'écrira « nous mangerons des pierres plutôt que plier au diktat » des multinationales, fera lever, comme un seul homme, 1200 délégués sous la grande salle du Palais des Nations pour l'applaudir à tout rompre alors qu'il leur prédisait le retour à l'âge de la pierre. Parce qu'il traduisait leur volonté. Il mit les mots justes pour dire leur fidélité au serment des martyrs. Il y avait du défi dans l'air. Nous n'avons pas besoin de quelqu'un qui nous traite « d ?estomacs sur pieds » pour les bourrer tant que le pétrole pourra payer les notes. Mais de celui qui s'inspirera de Mohammed Iqbal qui se lamentait des peuples qui consomment le pain qu'ils n'ont pas produit. Mais attendez donc ! Il n'y a pas que de mauvaises nouvelles. La bonne est, qu'après la multitude de candidats déclarés, nous apprenons que certains d'entre eux viennent de décider de ne pas participer à la campagne électorale. « Avant de combattre, ils s'estiment perdus », disait le Cid. Quelle joie ! Moment rare que cette élection pour les électeurs de se présenter aux urnes pour voter pour leur candidat, ou déposer un bulletin blanc ou nul de contestation. Qu'ils s'expriment. Qu'ils nous démontrent, sans discussion, que ces partis-coquilles sont vides. Que le seul parti digne d'une représentation sera celui d'une Union Nationale. D'un front. Un Front, le candidat déclaré ou le bulletin nul ou blanc. Ca ne vous rappelle rien ? Les partis hésitants et multiples d'avant 1954 ? Ira ? Ira pas ? Quelle fut la réponse ? Le glorieux FLN d'alors. Le président sortant veut se présenter ? Marhaba. Qu'il se représente. Ce sera programme contre programme. Nous savons où les actions du premier nous ont mené. Nous attendons le second. Un programme Unifié. Consolidé. Porté par un homme et une équipe déterminée. Un programme qui traduise nos craintes et nos espoirs. Quelles manifestations mériteraient d'avoir lieu au cours de la campagne à venir ? Pas celle qui niera le droit du président sortant de se représenter, puisque nous sommes légalistes et bien obligés de prendre en compte le vote des moutons qui ont travesti la constitution originale. Les manifestations, les seules qui vaillent la peine de se tenir dans l'ordre et le respect de tous, appelleront au rétablissement d'un mandat unique. Peut-être de sept ans. Non renouvelable. Sept ans, ce fut l'âge d'une révolution victorieuse. C'est un chiffre magique. Et dans ce siècle où les choses et les évènements vont si vite, c'est assez pour construire des citadelles, des monuments politiques. Car la direction d'un état n'est pas un emploi en CDI. Un Contrat à Durée Indéterminé. Un état, ce n'est pas l'usine, que diable ! |
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