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L'aphorisme de l'illustre philosophe grecque Aristote, fondateur du Lycée, nous a appris, depuis des lustres, que «la nature a horreur du vide». Par ailleurs, dans son syllogisme sur la nature du lieu, le stagirite, lui-même disciple de Platon, fondateur de l'académie, explique que «le lieu est égal à ce qui est en lui, et même si les choses qui sont en un lieu ne se déplacent pas, elles ne seront plus dans le même lieu si ce qui les enveloppe leur est supprimé». Après ce bref périple dans l'antique Grèce, berceau des sciences, la logique nous ramène à notre «lieu» et à nos temps. En effet, de par sa superficie, l'Algérie est le dixième plus grand et vaste pays du monde, et selon des spécialistes, 90% de sa population, estimée à plus de 35 millions d'habitants, occupe seulement 10% de son immense territoire; elle est, par ailleurs, circonscrite exclusivement dans sa partie nord (régions côtières et le nord de l'atlas saharien). Par conséquence, si nous faisons une corrélation entre ces deux dernières données, bien réelles, et l'expression commune d'Aristote, ou d'une autre manière, entre la rhétorique et l'évidence, ou tout simplement, entre la nature et le naturel, la résultante est que, même si c'est amère de le dire, ce qui est arrivé au complexe de gaz «naturel» d'In Amenas est, en somme, tout à fait? «Naturel» ! En effet, dans son étendue partie sud, l'Algérie est non seulement vide et non peuplée mais aussi délaissée; car, mis à part une concentration de la population dans les 04 grandes et anciennes villes du sud (Ghardaïa, Tamanrasset, Béchar et Ouargla), bien peuplées avant l'époque coloniale, nous n'avons rien fait pour développer et «coloniser» les autres territoires de notre immense sud. Pire, certaines appellations des vastes territoires du sud par le nom de la région (tel que : Touat, Tiout, Gourara, Saoura, Tanezrouft, Tidikelt, M'Zab, Ziban, Oued Souf, Oued Righ, Tassili et Hoggar) ne sont plus enseignées à nos enfants et ont tendance à disparaître, et certaines villes du sud, à l'exemple de Metlili et El Goléa, qui, autrefois, étaient bien connues et mentionnées sur les cartes géographiques des manuels scolaires, ont, inconcevablement, été effacées de nos mémoires. Cependant, détrompons-nous, au vue de l'immensité de la superficie du pays, les Wilayas de Naâma, El Bayadh, Djelfa et Biskra, distantes d'à peine 400 Km des côtes, beaucoup plus connues au nord qu'on nous présente comme étant des villes sudistes font, plutôt, partie de sa partie nord. A ce propos, avouons que nous de vons un grand hommage au regretté Brahim AZZOUZ, natif de ce sud, qui, jadis, nous enseignait à travers la présentation des bulletins météo et les horaires de l'Iftar durant les Ramadhan à la télévision, le nom de toutes les contrées du Sud et du Grand Sud (d'El M'ghaier à Tinzaouatine, en passant par Debdeb et Timiaouine); il nous rappelait, aussi, avec fierté, que le Tanezrouft est le point d'intersection entre le méridien de Greenwich (qui est la référence internationale de la longitude et du temps) et le tropique du Cancer (qui est une référence des parallèles du globe terrestre), ce qui confère le privilège à l'Algérie d'enregistrer, chaque année, en premier, l'équinoxe de printemps et d'être le premier pays au monde à profiter de cette position géographique (le 21 mars met à égalité la durée du jour et de la nuit, annonçant le premier jour de printemps). De ce fait, cette même nature, qui a horreur du vide, a bien dotée l'Algérie. Question à notre système d'enseignement actuel: quel est, aujourd'hui, le pourcentage de lycéens, qui connaissent cette donnée capitale ? AU PAYS DES YANKEES: ROUTE 66 Faisant fi de l'expression d'Aristote, les pays vastes, à l'instar des Etats-Unis, du Canada ou de l'Australie, ont dés le début du 19eme siècle commencé à investir et à «coloniser» leurs territoires «vides». Les Etats- Unis d'Amérique, ou toute la population était concentrée sur la partie Est, depuis l'avènement de la grande conquête blanche et la migration des populations européennes (Néerlandaises, Irlandaises, italiennes et françaises) après l'envahissement espagnol, ont, aussitôt arrivées, commencées une autre conquête : la conquête du lointain Ouest. Effaçant les traces désertiques du Far West, en Californie, au Colorado, au Texas, au Nevada et en Arizona, ils ont imposé à ce «western», qui était au préalable peuplé uniquement de tribus indiennes, développement et modernisme, et cela grâce à la construction du chemin de fer, puis de la célèbre «66 road» accompagnés en cela par le légendaire télégraphe électrique (1er réseau structuré de télécommunications ) qui venait d'être mis au point. Aujourd'hui, les méga-métropoles de l'Ouest (Las Vegas, Seattle, San Francisco, Sacramento, Los Angeles, Memphis?), ont dépassé ceux de la côte Est (New York, Washington, Détroit, Miami, Philadelphie, Boston, Chicago?) en modernisme, en flux d'investissement, et surtout en matière de population (pour la seule ville de San Francisco, la population s'est multipliée par 20 en deux années, entre 1848 et 1850*), ou même le style «cow boy», d'autrefois, a été substitué par un mode de vie des plus contemporains. L'Australie, en a fait de même en construisant un pôle économique et industriel à Perth (distante pourtant de 4000 Km de la capitale) ; les autres pays vastes de la planète ont fait autant, à l'instar de la Chine, de l'Inde et de la Russie, ou la répartition de leur population est relative et équitable par rapport à l'immensité de leurs territoires. INVESTISSEMENT AU SUD: UN MARCHE DE DUPES Malheureusement, chez nous, bien que le pays dispose d'une élite qui n'a rien à envier à ceux des nations développées, il semble qu'en Algérie, on n'a pas bien compris cela, ou plutôt on fait semblant de ne pas vouloir le comprendre. Au lieu de projeter la construction de nouvelles villes au sud, au lieu de lancer les chantiers de chemin de fer, dont l'histoire nous apprend que la machine à vapeur a été la source du développement économique des pays vastes, au lieu de promouvoir l'agriculture à Adrar et les mécanismes nécessaires à l'industrie et à l'exportation de la tomate, au lieu de développer les races ovines propres à nous dans les vastes territoires de l'Atlas Saharien, au lieu de rétablir l'élevage de l'autruche, qui autrefois faisait partie de la faune locale et dont la capacité productive en viande rouge est supérieure à celle d'un mouton, sans parler de l'élevage camelin dont le prix du litre de lait avoisine actuellement sur le marché les 500 DA, au lieu de marchander un infime investissement oriental en contrepartie de parties de chasse à l'outarde et à la gazelle dans la partie nord de notre grand sud décimant ainsi toute la faune et la flore et épargnant les scorpions et les lézards, au lieu de tirer un bénéfice du bienfait divin, qui est cette inépuisable énergie solaire, en lançant des études d'exploitation et d'investissement pour prévenir l'après pétrole (rappelons que le sud Algérien est la région la plus ensoleillée de la planète avec une concentration d'énergie supérieure à 100 centrales nucléaires), aussi bien le pouvoir que le peuple, obnubilés et «pavlovisés» par ce littoral devenu impératif et source de vie, préfèrent rester près des côtes et du rivage, en construisant des cités dortoirs à la Mitidja et des sites de villégiature au club des pins, ou seule la jouissance et les plaisirs de la mer, la clémence du climat et surtout la proximité de l'Europe semble les intéresser, se permettant le luxe de céder à l'implantation d'une usine française d'automobile, dans la fertile pleine Oranaise. Mieux encore, au lieu de construire des autoroutes et des voies ferrées reliant le sud, on préfère investir des milliards pour construire un tramway de prestige, dont la voie est parallèle à une ligne ferroviaire suburbaine préexistante, servant beaucoup plus à l'embellissement qu'à la fluidité du transport et de la circulation automobile (en toute objectivité et loin du plaisir de la critique: même si le tramway parait nécessaire, la priorité des nécessités n'est pas respectée, il y avait bien d'autres urgences), et n'omettons pas de signaler que la seule voie ferrée qui reliait Alger au sud, plus exactement à Laghouat, construite en 1949, n'existe plus, depuis la décennie noire (les tunnels de cette voie ferrée ont été bétonnés aux gorges de la Chiffa pour cause d'insécurité). Sur un autre plan, le motif de la dureté du climat au sud, que semble avancer l'opinion publique, qui ne serait pas propice au développement des affaires et des investissements au sud est non fondé ; car, il faut noter que paradoxalement aux Emirats Arabes unis et au Koweït, ou il fait plus de 50 C, des occidentaux se sont bien adaptés à ce climat, en construisant de nouvelles villes modernes et des infrastructures industrielles. L'Arabie Saoudite, a érigé le plus grand centre d'élevage bovin et de production laitière dans le monde, dans un lieu où le mercure atteint les pics de 55 C à l'ombre. Dans le grand désert du Thar en Inde (le Mârusthali), qui est le désert le plus densément peuplé au monde, malgré des conditions de vie extrêmes, il y a une intense économique. Et à l'opposé, au grand lac de l'Ours, au Canada, où il fait jusqu'à ? 45 C, de grands chantiers sont entrepris pour attirer plus de populations, faisant même appel à l'immigration pour occuper cette partie de l'archipel arctique. Ainsi, comme en football, si une équipe veut gagner le match lors d'une compétition internationale, il faudrait que les joueurs, s'adaptent, d'abord, au climat et aux effets de l'altitude du «lieu» de la compétition; ensuite, pour l'enjeu de la partie, il faudrait que ses mêmes joueurs puissent occuper tout le terrain, qu'ils soient présents dans tous les compartiments, particulièrement l'attaque. Cette tactique est, bien évidemment, l'œuvre de l'entraineur, aidé en cela par des conseillers. Il en est de même pour un Etat censé et averti: pour maitriser ses territoires et gagner les défis futurs, il faudrait, avant de penser à les sécuriser, d'abord bien les occuper, et toujours comme en football, pour y arriver à cela, il faut de la bonne gouvernance et de bons conseillers. INSTABILITE ET INTEGRITE Sur un autre plan, et suivant la logique d'Aristote sur la nature et le déplacement du lieu, et loin d'être un spécialiste en géostratégie pour aborder le sujet en détail, je rejoins les orfèvres en la matière qui ont déjà traités ce sujet, sur un ordre pratique, et qui ont, depuis longtemps, au vu du risque qu'elle encourt, recommandé le déplacement de la capitale vers le sud, notamment avec des bouleversements et des conflits régionaux aux portes de nos frontières sud, une instabilité des pays limitrophes de l'Algérie et le risque qu'encourt l'intégrité territoriale du pays, particulièrement, après les événements tragiques d'In Amenas, tout cela plaide pour le déplacement de la capitale et pour une révision du principal «lieu». Appuyant cet avis, le transfert de la capitale vers un autre «lieu» du territoire national, est devenu plus qu'une nécessité et cela pour des raisons d'ordres sécuritaires, économiques, démographiques (pour un si vaste pays, cela reste un autre sujet à analyser et à débattre) et même liés au relief et aux risques sismiques. En effet, de nos jours, l'artillerie puis les missiles commandés à distance, ont remplacés la «couleuvrine» et les ancestraux boulets de canons utilisés à l'époque Ottomane pour parer aux assauts de la «citadelle». Sur ce dernier point, des stratèges ont décriés le fait de laisser Alger, ville côtière par excellence, comme capitale du pays, 05 siècles après la découverte de la «poudre» et le développement démesuré de la technologie militaire. Une agression extérieure la détruirait en un laps de temps, notamment avec un ministère souverain bien exposé, excellente cible pour un avion chasseur standard dépourvu d'appareillages de précision. En outre, selon d'autres experts plus rigoureux, la capitale doit être au centre de gravité de notre vaste pays, plus exactement au Sud de la ligne Touggourt- Ghardaïa- Béchar. Avec toutes ses nouvelles données, le projet de construction d'une nouvelle capitale à Boughezoul, projet qui tient à cœur nos autorités, ne devrait-il pas être revu? A en supposer, il est devenu même caduc ! La ville de Boughezoul est à 100 Km, à vol d'oiseau, des côtes. Par contre, une capitale enfouie à plus de 800 Km du littoral, équidistante entre nos frontières Est et Ouest, laisserait, en cas d'attaque du pouvoir central et ses principales institutions, le temps aux lignes défensives d'intercepter et de détruire un missile ennemi de longue portée venant d'un des 04 points cardinaux; cela, permettrait, aussi, à toutes les forces du pays, d'être et de siéger tout près du «lieu» des principales ressources du pays, lorsqu'on sait que c'est cet or noir qui nourrit tout un peuple. Sans oublier les ressources hydriques, principal centre d'intérêt et cause des conflits planétaires, au prochain siècle. La nappe Albienne de l'Algérie, enfouie sous le sable du Sahara, sur une superficie totale estimée à 1 million km² (2 fois la France), constitue selon certaines estimations la plus grande réserve d'eau au monde, elle longe presque tout le Sud algérien ce qui rendra facile l'accès à l'eau pour les pays voisins de l'Algérie d'ici quelques années*; certaines sources affirment que cette eau est déjà pompée et exploitée par le voisinage. A ce propos, on parle actuellement que le but recherché, à travers les bouleversements géostratégiques de la région, est le précieux pétrole, pour d'autres c'est l'uranium et les minerais qui sont visés, néanmoins, on oublie «intentionnellement» l'insondable ressource. La Libye comme le Mali étant bien nos voisins, cela nous amène à supposer l'hypothèse suivante: «tout en détournant et en focalisant les débats sur le pétrole et le gaz, et vers un personnage «borgne» qui hante les «lieux», si c'est cette «EAU» qui serait le principal objectif recherché par les occidentaux à travers tout ces chambardements provoqués autour de notre pays ? L'intérêt brutal et le débat en Europe, et les conseils tergiversant sur l'exploitation du Gaz de Schiste Algérien est peut être la face cachée de l'iceberg immergé dans cette eau». Si toutefois elle demeure intacte, doit-on alors procéder aux études techniques de son exploitation, à son traitement (étant légèrement saumâtre) pour être propre à la consommation et à l'agriculture et enfin à la gestion de cette ressource par téléphone, à partir d'Alger ? Pour espérer une bonne récolte, source de son bénéfice, un agriculteur censé et aguerri, ne devrait-il pas rester tout prés de son champ pour pouvoir, l'irriguer, l'inspecter et le contrôler ? L'EXEMPLE SUD-COREEN Les événements d'In Amenas nous laissent dire: «nous attendions la menace au nord, quand soudain, elle nous surgit du sud !». A ce propos, il faut noter, que dans tous les états du monde, seuls 05 pays ont leur capitale sur le littoral, et parmi eux, il y a bien sur l'Algérie. Des pays, comme l'Afrique du sud ou l'Inde dont le littoral s'étale sur des milliers de kilomètres ont leur capitale à l'intérieur de leurs territoires. La Corée du Sud, pays ayant presque la même superficie que la wilaya d'El Bayadh, inaugurera bientôt sa nouvelle capitale, à Sejong, laissant Séoul pour l'économie et les affaires. Le Brésil, 5eme pays vaste de la planète, s'est prémuni depuis bien longtemps, en déclarant Brasilia comme capitale et siège du gouvernement, préservant ainsi son pouvoir, ses institutions et surtout son élite, et laissant les villes côtières de Rio De Janeiro et de Sao Paulo, pourtant plus réputées, aux frets portuaires, aux échanges commerciaux, et aux amateurs du Surf et des? festivals. Le but du projet de construction de Brasilia, était d'attirer vers l'intérieur des terres la population et l'activité économique, alors essentiellement concentrée dans les grandes villes côtières, afin de mieux répartir les richesses, de décentraliser l'administration mais aussi et surtout de transférer tout les pouvoirs ainsi que l'armée vers un lieu sûr*. D'autres pays, ont décidé, après une annonce surprise, de déplacer leur capitale vers une autre ville, obligeant toutes les représentations diplomatiques à transférer leurs sièges vers la nouvelle capitale. Pour les défenseurs de l'histoire de la «Mahroussa», avouons qu'Athènes n'a rien enlevée à l'histoire des autres Cyclades grecques, beaucoup plus réputées qu'elle, jusqu'à nos jours, et qu'en Turquie, Istanbul demeure plus visitée qu'Ankara. |
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