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Suite à l'article
paru dans le Quotidien d'Oran du 22/02/2010, p. 13, intitulé «Victimes d'une
attaque cérébrale. Rendus muets, la musique leur rend la parole», je voudrais
apporter quelques informations.
Lorsqu'un sujet est victime d'un accident vasculaire affectant le lobe antérieur de l'hémisphère majeur (gauche chez le droitier), il ne devient pas muet, il devient aphasique. L'aphasique ne perd jamais totalement le langage, quelles que soient la topographie et l'extension lésionnelles. Sa rééducation neuropsychologique est pratiquée par l'orthophoniste spécialisé en aphasiologie, au sein des services neurologiques. Dans le cas d'une réduction psycholinguistique sévère, forme d'aphasie motrice (aphasie de Broca), le sujet est inhibé dans son langage oral, bien qu'il en conserve la compréhension. L'écriture devient le mode de communication résiduel. Dans le cas d'une jargonaphasie, forme d'aphasie sensorielle (aphasie de Wernicke), le sujet est diffluent et la compréhension est altérée. Le neurologue anglais John Hughlings Jackson a relativisé cette dichotomie en découvrant, en 1915, que tous les aphasiques perdent le langage volontaire, mais conservent le langage automatique. Il a développé le concept de «Dissociation Automatico-Volontaire». Par exemple, si l'on demande au patient de boire de l'eau, il ne le fera pas ; mais, s'il a soif, il boira de façon spontanée. La musique fait partie du registre des automatismes chez l'homme : les paroles d'une chanson nous reviennent lorsqu'on en fredonne l'air. En outre, la musique et tous les stimuli qui ne se verbalisent pas (exemples : la reconnaissance des visages, de l'espace-temps), sont gérés par l'hémisphère droit. L'imagerie médicale, introduite en rééducation aphasiologique à la fin des années 80 au Groupe hospitalier Pitié-Salpétrière a montré l'activation des zones cérébrales de l'hémisphère droit, lorsqu'en cours de rééducation, l'aphasique moteur récupère le langage oral. Les fibres associatives entre les deux hémisphères ont toute leur explication dans ce phénomène, au point qu'aujourd'hui, on parle de connexionnisme. Il est donc normal que la musique, lorsqu'elle intervient comme porte d'entrée pour la rééducation, stimule le patient et l'aide à produire du langage oral. Par conséquent, dissociation automatico-volontaire et compensation par l'hémisphère droit sont deux découvertes anciennes qui expliquent pourquoi la musique aide l'aphasique à reparler. Or, l'article présente les travaux du neurologue Gottfried Schlaug, Professeur à l'Université de Harvard et la vidéo qu'il a projetée à la Conférence de l'American Association for Advancement of Science, comme étant le fait d'une invention. Un facteur supplémentaire démontre l'ancienneté de l'efficacité de la musique en neuropsychologie. La MIT, Melodic Intonation Therapy dont l'article fait également état, a été, en fait, découverte en 1975 par deux chercheurs américains : William Sparks et Audrey Holland. Utilisée comme méthode de rééducation de l'aphasique moteur, la MIT a fait l'objet des travaux mondialement connus de l'orthophoniste Philippe Van Eekhout, dont je fus la stagiaire à la fin des années 70 à la Clinique Saint Coûme de Juvizy et à sa Consultation de la Pitié Salpétrière. Il nous a initiée à la TMR, la Mélodie Thérapique Rythmée (1). Suite à la création en 1987 du magistère d'orthophonie à l'Université d'Alger, a été soutenue une thèse en 1995 dans la thématique de la rééducation de l'aphasique arabophone, à travers l'adaptation de la MIT aux versets coraniques. L'auteur, qui a bénéficié d'un stage chez Ph. Van Eekhout, est actuellement Maître de Conférences au Département de psychologie, des sciences de l'éducation et d'orthophonie de l'Université de Bouzarreah et enseigne cette méthode depuis près de 15 ans. Alimentées par l'idée que rythme et mélodie sont des paramètres spatio-temporels, nos recherches nous ont permis d'aboutir, dans l'optique de Jackson, à l'unification des déficits et de proposer un modèle théorique de rééducation neuropsychologique, valable pour tous les aphasiques. Basé sur la réhabilitation de la notion cognitive de structuration spatio-temporelle du sujet cérébro-lésé, ce modèle ouvre de nouvelles voies en neurosciences cognitives (2) (3) (4) et (5). * Neuropsychologue Notes : 1. Philippe Van Eekhout, «Rôle de l'hémisphère droit dans la rééducation de l'aphasie» et «Rythme, Intonation Accentuation : la rééducation des aphasies non fluentes sévères», Actes du IX° Colloque Scientifique d'Orthophonie, Palais de la Culture, Alger, 16-17/12/1992, publiés dans la Revue de la Société Algérienne d'Orthophonie (SAOR), n°1, pp. 99-111 et 153-167. 2. N. ZELLAL, «L'aphasie n'est plus dichotomie, essai de démonstration sous l'angle de la psychologie cognitive », GLOSSA, UNADRIO, Iceberghes, n° 23, 1991, pp. 34-45. 3. ????? «One type of aphasia and one type of disturbance», 7th World Congress of IBRO, Melbourne, 12-17/07/ 2007. 4. ?????, «Naissance de la neuropsychologie en Algérie, une expérience de 30 ans», Colloque International de Neurosciences, NEF, ENS de Lyon, 23-26/03/2009. 5. ?????, «Rééducation des troubles aphasiques du patient arabophone», Colloque du Laboratoire des Sciences Cognitives (LASCO), Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Sidi Mohammed Abdellah, Fes, mars 2010. |
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