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Suite et fin Qu'est-ce à dire que traiter les gens de « racaille », dont beaucoup vit dans les banlieues françaises ? Citoyens de ce pays, ils y sont nés, y ont étudié, y payent leurs impôts et règlent leurs cotisations ; ils sont citoyens de ce pays depuis maintenant plusieurs générations. Leurs parents en exil ont dépensé leurs plus belles années pour défendre et aider à construire la France d'aujourd'hui ; ils se trouvent dépouillés du plus élémentaire droit de vote aux municipales tant promis par une gauche qui s'est reniée depuis, laissant le soin à une certaine droite reprendre démagogiquement cette question (certains pays européens moins illustres que la France l'ont pourtant réglée depuis des lustres ; pour certains, depuis les années 1960-1970). Si les ressortissants de certains pays européens n'ont même plus besoin d'avoir un titre de séjour pour leur installation en France (Espagne, Belgique... devenus eux-mêmes pays d'immigration), il reste que les étrangers africains, arabo-berbères, turco-kurdes, sino-vietnamiens vivent dans des banlieues - ou, dans les quartiers périphériques de Paris - subissant souvent de plein fouet le chômage, l'habitat précaire et les échecs scolaires. On contraint cette « racaille » à revoir sérieusement la vision idyllique qu'elle se faisait jusqu'alors de la démocratie française ? Veut-on pousser ces gens vers un désespoir sans fin ? Il est vrai qu'après de bons et loyaux services dans les colonies comme en Métropole, on a pu dire à leur endroit que « la France ne peut accueillir toute la misère du monde » - alors qu'elle y a contribué - et d'« invasion »... Chacun y va de ses bons mots à défaut d'apporter des remèdes sérieux et efficaces aux maux qui rongent les banlieues et les cités. Il est vrai que depuis longtemps déjà, les banlieues et l'immigration sont devenues des thèmes récurrents dans le débat politique qui agite le microcosme de la classe politique française, droite et gauche confondues. Nous sommes en effet devenus une équation à multiples inconnues... Créer un ministère chargé de la promotion de l'égalité des chances (simple alibi ?) et y mettre un citoyen français ?quoique d'origine étrangère, un simple douanier américain n'ayant pas manqué de le lui rappeler à l'occasion d'un voyage aux USA- est une chose, autre chose est de permettre à celui-ci d'avoir les moyens humains, financiers et techniques pour mettre en place une véritable politique à l'égard des citoyens de banlieues, notamment afin de leur permettre d'exister, de s'exprimer sur leurs conditions et de se sortir de leur galère (logement, emploi, scolarité...) face sans doute aux moyens d'autres ministères qui peuvent apparaître comme démesurés. Et parce que les citoyens de banlieues ne veulent plus être considérés comme des boucs émissaires, d'aucuns se doivent d'éviter tout climat de tension exacerbée en jetant de l'huile sur le feu pour que cesse cette escalade insensée et privilégier le dialogue par une communication appropriée en usant de vocables à tout le moins courtois. A rappeler tout de même que les citoyens de banlieues constituent un bon pactole de voix qu'il faudra constamment courtiser et venir chercher à chaque moment opportun. Et ce n'est certainement pas par le gourdin et les vocables de mauvais goût qu'on y parviendra... Les événements ne manquent pas pour montrer que la question de l'immigration est toujours d'actualité. Harraga et État de droit policier Hélas, l'actualité de l'immigration n'est pas pour rassurer les uns et les autres. La « xénophobie d'Etat » a, selon certains, tué plusieurs personnes « sans papiers », ainsi une Chinoise et un Malien qui ont, à leur corps défendant, tenté d'éviter un contrôle d'identité. Ils sont devenus les victimes des lois sur l'immigration, contraignantes et de plus en plus répressives il est vrai. Il ne s'agit pas là de simples faits divers. Le débat sur la sécurité en Europe tente de justifier les lois sur l'immigration, sans cesse modifiées, qui révèlent leur aspect hautement négatif. Il y a en effet mort d'homme et de femme. A cet égard, rien qu'à Paris, il suffit de rappeler la situation des « retenus » dans les centres de rétention (voire au dépôt du palais de justice), pour constater, a contrario, l'insécurité vécue par les étrangers. On parle pudiquement de « retenus » en centre de rétention (et non de détenus en centres de détention). La sémantique ne saurait être complice de cet état de fait et ne saurait le justifier. Me revient à l'esprit le mot de Nelson Mandela : « Quand j'étais étudiant, on m'avait enseigné qu'en Afrique du Sud, la loi était souveraine et s'appliquait à tous les citoyens, quel que soit leur statut social ou leur position officielle. J'y croyais sincèrement et j'envisageais une vie fondée sur ce postulat. Mais ma carrière d'avocat et de militant m'avait dessillé les yeux. J'ai constaté qu'il y avait une énorme différence entre ce qu'on m'avait enseigné dans les salles de cours et ce que j'avais appris dans les salles des tribunaux. » (Un long chemin vers la liberté). De toute évidence, la République française n'est pas l'Afrique du Sud de l'apartheid. Loin s'en faut. Patrie des droits de l'homme et de la Commune de Paris, la France a payé un lourd tribut en sang et en larmes pour mettre en place un système démocratique alimenté par la quête du droit à la citoyenneté. D'évidence, il existe des femmes et des hommes de bonne volonté capables de muer leur révolte, face à ces situations exécrables, en actes positifs pour la défense des immigrés. Il est tout naturellement heureux que puissent exister des consciences à ce point pétries d'humanité et de convictions de nature à secouer l'injustice jusqu'à ce que liberté s'ensuive. Mais, pour autant, a-t-elle réussi à expurger de son corps social tout germe de rejet de l'élément dit étranger ? Il est permis de s'interroger, au regard de ces faits non anodins pour les milliers, voire les millions, d'étrangers que nous sommes, immigrés jugés de plus en plus persona non grata, faits qui mettent à nu les mécanismes de dégradation de la condition humaine déjà mal en point. Ainsi, en leur temps, d'aucuns ont rivalisé d'ardeur dans la sémantique de la démagogie : à « l'invasion » des immigrés, leurs « odeurs » et leurs « bruits », a répondu le constat de l'incapacité à gérer le phénomène de « toute la misère du monde ». Le choix entre ces différents qualificatifs se révèle hélas mince. Y a-t-il même choix ? Les esprits libres et éclairés font la part des choses au quotidien et sur le terrain, distinguant ainsi le bon grain de l'ivraie. Faut-il à ce point désespérer de « l'Esprit des lois » et de leur application ? Il faut croire que oui, sachant que les dispositions actuelles afférentes au droit des étrangers constituent de véritables barreaux et de vrais parcours du combattant, relativement aux conditions d'entrée et de séjour en Europe. Faut-il élaborer et faire voter des textes passoires laissant les frontières à l'air libre ? Nul besoin. La volonté des laissés-pour-compte à travers le monde, dit tiers, défiera toujours les schèmes mentaux marqués par l'esprit policier et bureaucratique. Le credo « surveiller et punir » à outrance d'une Europe frileuse annonce des Etats de droit policiers. La fermeture des frontières, au motif de la sécurité, est contestable. La faim chasse la peur. Tel est le postulat qui a traversé les siècles. Faut-il nier l'existence de la délinquance chez certains « étrangers » ? Que non ! Toutefois, on ne saurait justifier, de ce fait, l'inqualifiable attitude pour le moins ignominieuse, qui consiste à rejeter sa part de responsabilité quant au désordre mondial actuel depuis les politiques de colonisation (qu'on a voulu qualifier de « positives »), l'accélération dans la déstructuration des pays dits socialistes et la recherche permanente de déstabilisation des pays ayant eu vocation à porter haut les revendications des pays du Sud. Ainsi, mettre sur pied des départements ministériels consacrés à l'immigration est en soi une ineptie pour des pays démocratiques, leur accoler « l'identité nationale » dévoile les intentions peu louables de ses initiateurs ; et ce, à l'heure de ce qu'il a été convenu d'appeler « la mondialisation » et de l'élargissement de l'Europe à des Etats dont la situation de sous-développement le dispute à l'absence de démocratie ; certains de ces Etats n'ont rien à envier aux Etats maghrébins par exemple. Enfin, se doter, mezza voce, d'une législation à même de prémunir l'Europe d'éléments étrangers - déjà inhabiles - jugés corrupteurs des « identités nationales » contredit, en tout cas limite, de façon certaine, la profession de foi relative aux droits de l'homme. Au demeurant, quels droits pour quel homme ? Il est à espérer que les uns et les autres tempèrent leur ardeur de donneurs de leçons de démocratie. Notre village planétaire souffre déjà de moult maux où les nations ressemblent de plus en plus à de nouvelles tribus dont certaines cultivent l'identité nationale comme un fétichisme, alors que d'autres sont largement prisonnières du mal développement, des décisions arbitraires des « grands » de ce monde pour l'accès des pays en mal de développement aux richesses culturelles et matérielles et, bien entendu, de l'injustice au quotidien de gouvernants souvent illégitimes qui poussent de plus en plus les jeunes à la harga. Sans doute Mandela a-t-il raison de dire : « Si autrefois, j'avais considéré la loi de façon idéaliste comme l'épée de la justice, aujourd'hui je la vois comme un outil utilisé par la classe au pouvoir pour façonner la société dans un sens qui lui était favorable. Je ne m'attendais jamais à la justice dans un tribunal même si je luttais pour elle et parfois je la rencontrais »? Mononationalité et binationalité Dans ce contexte, une question intéresse et concerne beaucoup de ressortissants établis en France, et sans doute en premier le chef l'Etat algérien en sa qualité de représentant de la nation algérienne. Il s'agit de la question de la nationalité. Ainsi, un cas se révèle intéressant à exposer : celui des enfants nés en France de parents algériens (voire dont le père est algérien). Le jus soli ou droit du sol a été remis en cause puisque c'est à la majorité que le mineur étranger pourra demander, s'il le souhaite, la nationalité française. Concernant le cas des Algériens, la question posée est : comment faire modifier une nouvelle fois l'accord franco-algérien sur ce point en spécifiant expressément que tout enfant légitime ou naturel né en France est Algérien dès lors que l'un de ses parents, père ou mère, est Algérien. En effet, par le jeu combiné de plusieurs dispositions du code de la nationalité française, les enfants algériens nés en France sont considérés comme Français, contrairement à toutes autres nationalités (y compris marocaine et tunisienne). C'est ainsi que l'article 19-3 du code civil français stipule que « Est Français l'enfant légitime ou naturel né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né ». Dans la logique du législateur français, c'est la règle dite du double droit du sol s'appliquant à l'enfant né en France si l'un de ses parents est né sur le territoire des anciens départements français d'Algérie avant le 3 juillet 1962. Et comme l'Algérie était considérée française jusqu'à cette date, les Algériens nés alors en Algérie ? même bénéficiant de la nationalité algérienne du fait de leur choix et celui de leurs parents - sont considérés comme Français. Et donc leurs enfants nés en France seraient Français à raison de leur filiation (française) ! Cette situation juridique aboutit en pratique, sans la moindre démarche, de faire de ces enfants des ressortissants français dès leur naissance... S'agissant des parents nés en Algérie (avant l'indépendance), ils sont pourtant simplement résidents au regard du droit au séjour (à moins qu'ils optent volontairement pour la réintégration dans la nationalité française), mais pas leurs enfants nés à compter du 1er janvier 1963, dès lors que le code de la nationalité française les comptabilise parmi ses ressortissants. Et pour répudier la nationalité française, il faut attendre d'avoir 17 ans et demi révolus jusqu'à 19 ans, en présentant notamment comme pièce à fournir un certificat délivré par les autorités algériennes qui établit qu'on a, par filiation, la nationalité algérienne. C'est dire que ces enfants nés en France, après l'indépendance algérienne, sont considérés comme Français par filiation dès leur naissance, puisque leurs parents, même nés en Algérie, sont considérés comme Français ! Alors même que ces parents ne bénéficient que de la seule nationalité algérienne et sont de simples résidents en France. A cet égard, l'article 6 du code de la nationalité algérienne est pourtant sans équivoque possible dès lors qu'il dispose que : « Est considéré comme Algérien, l'enfant né de père algérien ou de mère algérienne » (Ordonnance n0 05-01 du 18 moharrem 1426 correspondant au 27 février 2005 et complétant l'ordonnance n° 70-86 du 15 décembre 1970 portant code de la nationalité algérienne). C'est ainsi qu'on observe que les deux codes de la nationalité, algérien et français considèrent ces enfants comme leurs propres ressortissants. Conflit de lois ? La question mérite d'être posée. Sans doute qu'il y aura lieu, de modifier le principal instrument juridique en vigueur, à savoir l'accord bilatéral franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié en proposant à l'Etat français de leur faire application des dispositions du droit commun ; en l'occurrence, les dispositions de l'article 21-7 du code la nationalité française suffisent amplement puisqu'il est stipulé expressément que « Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de 11 ans », la Déclaration universelle des droits de l'homme stipulant en son article 15 : « Tout individu a droit à une nationalité ; nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ni du droit de changer de nationalité ». Le cas des harraga, une « une autre tragédie nationale », dites-vous? *Avocat (Paris) - Auteur Algérien |
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