|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Il a été question
des intérêts de l'Europe et de la Turquie dans un climat de suspicion et de
doute. Sans grand espoir pour les réfugiés de guerre et victimes de violence.
L'Europe, comme la Turquie, ne se disent pas tout à propos de la crise des migrants. Lors du Sommet extraordinaire de lundi dernier réservé à cette crise qui ne semble pas s'atténuer, les deux parties, Europe et Turquie, se sont séparés sans réel accord en se promettant de se retrouver dans la capitale belge le 17 mars prochain pour s'entendre sur une stratégie commune qui endiguerait le flot de réfugiés de guerres et de migrants dits «économiques». Les premières bases du futur accord se résument à faire de la Turquie le «gendarme de l'Europe» contre un chèque de six milliards de dollars, une facilitation de délivrance de visas aux Turcs -avant de supprimer ces visas- et la reprise des négociations avec la Turquie pour son adhésion à l'Union européenne. Si le chèque des six milliards et la facilitation de délivrance des visas semblent ne pas être un gros obstacle, l'adhésion de la Turquie à la famille européenne relève de la gageure. Faut-il rappeler qu'il faudrait l'unanimité des 28 Etats membres pour l'entrée dans l'UE ? Peut-on imaginer la France, l'Autriche et surtout les Etats de l'Europe de l'Est accepter la Turquie dans l'EU ? Ces Etats ont répété leurs oppositions depuis longtemps. Par ailleurs, faisons dans l'optimisme et imaginons la Turquie membre à part entière de l'UE. Du coup, les réfugiés et migrants actuels et futurs installés en Turquie se retrouvent de fait dans la «famille européenne». En clair, l'UE aura sa frontière externe orientale avec la Syrie, l'Irak, le Liban, les pays du Caucase etc. L'idée est généreuse n'était l'état des opinions européennes de droite et d'extrême droite qui occupent l'espace européen depuis l'adhésion des anciennes républiques socialistes du bloc de «Varsovie». Mieux, ces mêmes républiques sont à la tête du front du refus de l'adhésion de la Turquie à l'UE. Mais alors, la Turquie ignore-t-elle la difficulté pour ne pas dire l'impossibilité sur le moyen terme de son acceptation au sein de l'UE ? Bien sûr que non. Cependant, la Turquie use de la crise migratoire pour rendre à l'UE la monnaie de sa pièce en arrachant un maximum d'acquis : suppression des visas pour son peuple, escompte financière et renégociations d'autres avantages douaniers malgré l'accord de libre-échange qui la lie à l'UE depuis 1963. En somme, la crise migratoire est le prétexte rêvé par la Turquie pour se rendre indispensable à la stabilité politique de l'Europe. Et ce n'est que justice pour la Turquie qui a subi les limites de «l'humiliation» lors de la reprise des négociations d'adhésion à l'UE, suspendus au chapitre 15 sur les 37 à négocier. L'ex-président français, Sarkozy, a été le plus dur en affirmant publiquement l'idée que «la Turquie ne fera jamais partie de l'UE parce que l'Europe est de tradition judéo-chrétienne». Dans le détail, la rencontre de lundi qui s'est prolongée tard dans la soirée a livré quelques conditions de l'accord, si complexes et pour tout dire «étranges» : la Turquie gardera chez elle les réfugiés et migrants, puis les Etats européens vont faire le tri en Turquie et faire venir les seuls Syriens. La Turquie se débrouillera avec le reste des réfugiés et migrants. Mieux, la Grèce renverra en Turquie tout migrant non identifié comme Syrien et provenant de villes ou régions sous le feu des bombardement des différents intervenants sur le terrain de guerre. Comment arriver pratiquement à réaliser une telle prouesse (le tri en Turquie) où affluent des centaines de milliers de réfugiés de divers nationalités, alors que les Etats européens, mieux dotés en gestion des arrivées (informatique), n'arrivent pas à s'en sortir ? A considérer que la Turquie joue le jeu, elle se transformera en un gigantesque «aspirateur-entonnoir» des flux migratoires de toutes origines. C'est sans doute pour cela que l'UE a exigé en contrepartie de supprimer les visas pour les Turcs qu'ils instaurent, à leur tour, les visas pour les autres pays qui entrent aujourd'hui en Turquie sans visa, comme les pays du Maghreb par exemple. Résultat : si la Turquie veut l'abolition des visas pour ces citoyens, elle doit l'instaurer pour les autres pays amis et avec lesquels des accords ont été conclus dans ce sens. Autrement dit, pour gagner l'amitié et la confiance des Européens, la Turquie doit marcher sur ses amitiés et confiances avec les autres pays tiers, notamment arabes et maghrébins. Au final, le Sommet extraordinaire de Bruxelles a été un grand simulacre, un jeu de dupes dont les protagonistes, UE et Turquie, en sont conscients mais continuent à croire au miracle diplomatique et politique. Aucun mot sur les raisons de cette crise migratoire, de la guerre en Syrie, de la souffrance des populations civiles. C'est-à-dire là où le miracle doit avoir lieu -la fin de la guerre- pour que les millions de civils qui souffrent et meurent sur les chemins de l'exil forcé retrouvent un peu d'espérance. |
|