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Rarement, sur une
question majeure concernant le destin commun, une conférence internationale
associant 195 pays n'avait réuni un tel consensus. Et c'est un joli succès
diplomatique pour François Hollande.
« Je n'entends pas d'objection (...) je déclare l'accord de Paris pour le climat adopté », a déclaré, très ému, Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères et le président de la 21e con férence climat de l'ONU (COP21), en abattant son maillet sur le pupitre de la tribune. L'ensemble des délégations ont alors salué par une ovation de plusieurs minutes la réussite de la conférence de Paris, faisant oublier les hésitations, errements et échecs des vingt COP précédentes. Certes, ce n'est que le début du chemin mais la Conférence de Paris scelle trois points d'accords majeurs : l + 2°, + 1,5° si possible : l'ensemble des pays se sont mis d'accord pour limiter l'augmentation de la température de la planète à pas plus de 2 degrés et même « bien en deçà de 2°» précise le texte, citant même l'objectif d'1,5°. L'objectif parait d'autant plus ambitieux que la trajectoire réelle actuelle de l'augmentation de la température terrestre se situe plutôt entre 3 et 3,5 degrés supplémentaires. Mais il est vrai que les premiers signes du dérèglement climatique déjà enregistrés ont sérieusement marqué les esprits : sécheresses, désertification, cyclones, inondations, élévation du niveau des mers? Une solidarité des pays riches aux pays pauvres : les pays développés devront verser 100 milliards de dollars aux pays en voie de développement (ce que la délégation américaine aurait longuement contesté), afin de les aider à faire face aux conséquences du dérèglement climatique. Les nations s'engagent donc à des « responsabilités communes mais différenciées » : les sociétés occidentales, responsables historiques de la pollution climatique, sont ainsi plus engagés que les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine), « nouveaux pollueurs » : Les pays du Nord doivent «assumer plus de responsabilités» car les pays en voie de développement doivent être «autorisés à se développer», avait insisté le Premier ministre indien Narendra Modi lors des négociations. Le principe d'un rendez-vous mondial tous les cinq ans pour juger des résultats des mesures entreprises et fixer des objectifs à chaque fois plus ambitieux. Ce 3ème volet est nécessairement plus flou et les négociateurs ont renoncé à chiffrer l'effort alors que les précédentes moutures de l'accord parlaient d'une réduction d'émission des gaz à effet de serre, de 40 à 70% d'ici 2050. Un diable caché dans une jungle de détails Le pacte, qui entrera en vigueur en 2020, doit permettre de réorienter l'économie mondiale vers un modèle à bas carbone. C'est à dire un abandon progressif des ressources fossiles (charbon, pétrole, gaz), qui dominent largement la production énergétique mondiale, un essor des énergies renouvelables, d'immenses économies d'énergies ou encore une protection accrue des forêts. Bien évidemment, le diable se cache dans une jungle de détails et le texte adopté comportent de multiples omissions qui peuvent devenir autant d'impasses. L'accord ainsi n'est pas vraiment contraignant, il ne se constituera pas « d'instance de justice internationale » concernant les dérives climatiques et il reviendra à chaque gouvernement d'honorer ses promesses. S'il le peut ou s'il le veut. L'effort le plus difficile revient aux pays les plus pauvres et à ce jour, de loin les moins pollueurs : convaincre ces derniers d'abandonner les énergies fossiles, d'arrêter la déforestation, de limiter les pêches ne peut se faire que si les engagements d'aides financières à leur égard sont réellement tenues. Il est évident qu'une nouvelle crise économique, à l'image de celle qui a secoué la finance internationale en 2008 / 2009, ferait resurgir avec force tous les égoïsmes nationaux et rendrait vaines les promesses du traité. « L'histoire jugera le résultat non pas sur la base de l'accord d'aujourd'hui, mais sur ce que nous allons faire à partir d'aujourd'hui », a déclaré Thoriq Ibrahim, ministre de l'Environnement des Maldives et président du groupe des Petits Etats insulaires, les plus menacés pour l'élévation des mers. Deux siècles de conférences internationales? Les grandes conférences internationales ont-elles déjà fait preuve de leur efficacité ? Il faudrait remonter jusqu'au Congrès de Vienne, en septembre 1814 où les pays vainqueurs de Napoléon et les autres États européens se réunissent pour signer les conditions de la paix et donc déterminer les nouvelles frontières de l'Europe qui resteront grosso modo les mêmes jusqu'à la guerre de 1914.A la fin de la 1ère Guerre mondiale, il y a eu également la fondation de la IIIème internationale communiste dont le congrès constitutif en mars 1919 rassemble 54 participants de 21 pays, mais seuls les délégués du parti communiste de Russie (bolchevik) et du parti communiste allemand représentent une force réelle dans leur pays. L'objectif ? Fonder dans chaque contrée un parti révolutionnaire de type nouveau, le parti communiste. Le Kominform (son nom russe) sera dissout discrètement le 15 mai 1943. L'URSS, sa puissance tutélaire survivra jusqu'au 26 décembre 1991, au lendemain de la démission de Gorbatchev de la présidence de l'Union soviétique le 25 décembre. Le 1er janvier 1942, le Président Roosevelt, Winston Churchill, Maxim Litvinov (Union soviétique) et T. V. Soong (Chine) signaient un bref document auquel allaient adhérer le lendemain les représentants de 22 autres pays. Dans ce document, les gouvernements signataires s'engageaient à contribuer de la façon la plus complète à l'effort de guerre commun et à ne pas signer de paix séparée. C'est la déclaration des « Nations Unies ». Au total, 46 pays signèrent cette 1ere déclaration. Ils furent invités avec la Biélorussie, l'Ukraine, le Danemark et l'Argentine à la Conférence de San Francisco qui s'est tenue le 25 avril 1945. L'idée ? Rédiger une charte commune et acceptable par tous les pays. Ceux qui étaient présents à San Francisco représentaient alors 80% de la population mondiale. Ils deviennent les membres fondateurs de l'ONU qui entre en fonctionnement le 24 octobre 1945. La décision d'en établir le siège à New York est prise l'année suivante, à Londres. Le 10 décembre 1948, les 58 États Membres qui constituaient alors l'Assemblée générale ont adopté, malgré huit abstentions (dont la Russie, l'Arabie saoudite, l'Afrique du Sud, bizarrement, le Canada?), la « Déclaration universelle des droits de l'homme » à Paris, au Palais de Chaillot. Grand moment touchant d'humanité mais sans beaucoup de conséquences pratiques depuis plusieurs décennies? Côté environnement, en 1972, la Conférence des Nations Unies a adopté une série de principes pour une gestion écologiquement rationnelle de l'environnement. Cette «Déclaration de Stockholm» a placé les questions écologiques au rang des préoccupations internationales. En juin 1992, à Rio de Janeiro (Brésil), la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement - connue sous le nom de Sommet «planète Terre» - a adopté une déclaration qui fait, un peu, progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l'environnement. Dernier grand show-off diplomatico-médiatique : le traité de Maastricht signé en Hollande, le 7 février 1992 et qui consacre la naissance de l'Union européenne, la « libre association » de 28 pays aujourd'hui, qui par traité transmettent l'exercice de certaines de leurs compétences, notamment sur le plan économique a des organismes communautaires (Commission, parlement?). L'UE s'étend sur un territoire de 4,5 millions de km, est peuplée de plus de 508 millions d'habitants ; elle est toujours la première puissance économique mondiale mais l'Union a le plus grand mal à tenir un discours commun, tout au moins en matière de diplomatie ou de défense? COP 21, Elections régionales : habile Hollande? En clôturant avec succès une difficile COP 21, François Hollande a eu la satisfaction de remporter un très long et difficile marathon diplomatique: « Le combat pour le climat participe d'une lutte engagée depuis des siècles pour la dignité humaine, une lutte pour l'égalité, pour les droits fondamentaux, et finalement pour la paix .Vous savez qu'ici à Paris ont été proclamés les droits de l'homme et du citoyen, aujourd'hui vous venez de proclamer les droits de l'humanité. Je suis fier que la France ait accueilli cette conférence » a-t-il déclaré en reprenant une célèbre formule de sa campagne présidentielle « c'est maintenant » : « l'accord décisif pour la planète, c'est maintenant». Alors que sa politique intérieure est vivement contestée par ses concitoyens, François Hollande bénéficiera-t-il de cette incontestable victoire diplomatique qui le fait entrer dans le Guiness des grands chefs d'état français ? Un sondage grandeur nature se déroulait le dimanche suivant: le second tour des élections qui désignent dans le pays dimanche dernier, les élus des conseils des régions françaises? Le 1er tour avait été catastrophique pour la gauche et la droite traditionnelle, avec un Front national devenu le 1er parti de France. Au second tour, le PS sauve les meubles ! La droite remporte sept des treize régions françaises mais la gauche en conserve cinq. Le FN après un 1er tour flamboyant, ne gagne aucune présidence de région mais la formation de Marine Le Pen continue de progresser en nombre de voix : 6,82 millions de Français ont voté pour elle au deuxième tour et elle bat même son record du 1er tour de la présidentielle de 2012 (6,42 millions de voix). Dans une période de crises multiples, le FN a réussi à canaliser le vote protestataire. Le FN triple le nombre de ses conseillers régionaux mais échoue à conquérir ses deux régions phares, le Nord-Picardie (la région le plus pauvre de France) où Marine Le Pen se présentait et Provence - Alpes-Côte d'Azur (beaucoup plus riche) où sa nièce, Marion, espérait bien l'emporter. La droite vit cette élection comme un semi-échec. Sa progression est pourtant significative mais Nicolas Sarkozy avait promis une « vague bleue », les militants et les notables du parti n'ont constaté qu'une vaguelette. Le patron des Républicains (LR) avait opté dans cette campagne électorale pour une ligne très à droite, une manière de marginaliser le discours radical du FN. Les électeurs n'ont pas marché et un nombre certain d'électeurs de droite (et de gauche), déçus par les partis traditionnels, ont choisi le vote « Bleu Marine ». L'ancien président rencontrera quelques difficultés pour reconquérir pour 2017 sa place de candidat unique de la droite et des formations centristes. Alain Juppé s'impose déjà comme l'autre postulant au poste. Empoignades à prévoir. Le Parti socialiste sauve la mise en conservant cinq régions. Mais beaucoup d'élus socialistes ont perdu leurs mandats et tous ont senti le « vent du boulet » électoral. Ils sont nombreux, à l'exemple de Jean-Christophe Cambadélis, le 1er secrétaire du PS a demandé au gouvernement, une « inflexion » de la politique menée notamment sur le plan économique et social : chômage toujours à la hausse et un pouvoir d'achat qui stagne ou régresse, les électeurs en sont plus que découragés. Des propositions de relance par la demande pourraient être mises en œuvre? mais elles ne seraient pas, selon le gouvernement, compatibles avec les actuelles directives européennes, ni surtout avec le « social-libéralisme » défendu par Manuel Valls, le Premier ministre et Emmanuel Macron, son ministre de l'économie.? Il n'empêche, fort de sa bonne réplique sécuritaire après les attentats de Paris et de la réussite diplomatique française lors de la récente COP 21, François Hollande pourra même se féliciter d'avoir sauvé les meubles dans cette dernière élection intermédiaire, donnée pourtant comme perdue d'avance. Aux élections présidentielles de 2017, dans le contexte de trois forces politiques qui pourraient faire jeu égal car à peu près équivalentes en nombre de voix, face à une extrême-droite qui continue à faire peur et une droite divisée, le candidat Hollande conserve toutes ses chances ! |
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