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Faisons un pari
et imaginons ce que seront les titres de la presse française dans dix-sept
mois, c'est à dire au printemps 2017. Ce genre d'exercice est toujours risqué
et il est fort possible que l'on se couvre de ridicule (à condition, tout de
même, qu'un lecteur impitoyable se souvienne de l'écrit et le diffuse en temps
voulu sur les réseaux sociaux?). Mais à dire vrai, il y a de fortes chances
pour que le sujet principal des médias soit l'élection présidentielle. Et avec
elle, le score, non, pardon, le gros score, non pardon encore, l'énorme score
que peut réaliser Marine Le Pen au premier tour de ce
scrutin. Car c'est là le seul enseignement à tirer du résultat des élections
régionales de ces deux derniers dimanches.
Certes, on peut gloser sans fin sur la « réaction républicaine » des électeurs de gauche qui ont voté pour la droite afin de faire barrage au Front national (donner sa voix au « motocrate » Estrosi, vous imaginez ?). On peut aussi rappeler que Nicolas Sarkozy, fidèle à ce qu'il est, n'a eu que faire de ce « front républicain » et que la seule chose qui lui importe c'est de gagner en 2017. Et cela quitte à suivre la même stratégie qu'en 2007, c'est-à-dire s'extrême-droitiser pour piquer ses électeurs aux FN (il lui faudra trouver autre chose que la création d'un ministère de l'identité nationale...). Mais, la vraie information de ce scrutin, celle que l'on tire de l'analyse des suffrages et de la manière dont ils évoluent depuis bientôt quinze ans, c'est que Marine Le Pen a désormais de fortes chance d'être non seulement qualifiée pour le second tour de l'élection présidentielle mais aussi d'arriver en tête des suffrages au premier round. En clair, elle ferait mieux que son père en 2002 (16,86% des voix contre 19,88% pour Jacques Chirac et 16,18% pour Lionel Jospin dont on est sans nouvelles depuis). La question est donc, qui sera l'heureux adversaire de la fille. Pourquoi heureux ? Tout simplement parce qu'il sera élu à coup sûr grâce au fameux « sursaut républicain ». Marine Le Pen au second tour, ce sera encore « le choc », « la terrible sentence des urnes », la « nécessité de l'union face à la catastrophe », autant de phrases entendues au soir du premier tour des régionales et que l'on resservira à satiété à l'électeur désemparé. Le « sursaut républicain » donc? Comme en 2002, les électeurs de gauche voteront pour un candidat de droite au second tour s'il est face à Le Pen. Et si c'est un candidat de gauche qui est dans cette position, les électeurs de droite seront certainement moins nombreux à lui donner leur voix mais cela suffira à faire barrage au FN. Et tout le monde poussera un ouf de soulagement en attendant la prochaine catastrophe et en ne faisant pas grand-chose pour l'éviter. Car il faut bien comprendre que l'unique préoccupation de la classe politique, toutes couleurs confondues, est désormais la présidentielle. Tout va tendre vers cet objectif. Les déclarations, les propositions, les contre-propositions, les initiatives, les déclarations, les petites phrases et autres bons mots (ou supposés tels), tout cela devra être décodé sous le prisme du premier tour. Les grandes manœuvres ont déjà commencé. Les Verts disent qu'ils veulent bien s'allier aux socialistes (pour quitter ensuite le pouvoir quand, une fois élus, ces mêmes socialistes leur montreront qu'ils sont les seuls maîtres à bord?). La droite et le centre jouent la partition du vieux couple qui en a vu d'autres et que rien ne saurait diviser? Quant à Nicolas Sarkozy, il veut flinguer ses opposants internes avant des primaires qui, dit-on, l'inquiètent beaucoup. Si Marine Le Pen est quasiment assurée de passer le premier tour, c'est parce que le personnel politique français n'est guère à la hauteur des enjeux et que son horizon ne dépasse pas la réélection de François Hollande, pour les uns et la victoire de la droite pour les autres (on notera bien que ce n'est pas, ou que ce n'est plus, la revanche de Sarkozy qui compte). Comme l'ont montré les régionales, la hausse du Front national rend finalement service aux socialistes car cela affaiblit la droite dite modérée. Au-delà des déclarations bien gentilles à propos de la lutte contre le chômage (pourquoi avoir attendu autant de temps ?) c'est donc la préservation de ce cocktail instable qui va façonner (figer ?) la politique gouvernementale. Pas de vraies mesures de gauche, pas de relance budgétaire, pas de politique de la demande, pas de lutte réelle (et non déclamatoire) contre les inégalités sociales et les discriminations : pour Hollande et Valls (bien obligé de suivre même s'il pense déjà à 2022), il s'agit de laisser l'eau frémissante à la même température. On ne modifie pas une recette qui rapporte. Le problème dans l'affaire, c'est que le plus important de tout ça ce n'est ni le premier ni le second tour de l'élection présidentielle de 2017. Le danger et ce qui demeure incertain, c'est le score que réaliseront les candidats frontistes aux législatives qui suivront quelques semaines plus tard. Voilà la vraie rupture. Combien seront-ils à entrer au Palais Bourbon ? Deux, comme en 2012 ? Ou bien alors une soixantaine comme l'avancent déjà certains commentateurs ou bien encore plus d'une centaine selon des projections qui circulent dans les salles de rédaction parisiennes ? Cent députés pour le FN, ce n'est certes pas le pouvoir mais c'est une minorité de blocage qui risque de faire beaucoup de dégâts et d'influer sur nombre de lois. Tic-tac, le compte à rebours pour 2017 a commencé? |
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