
Vous menez un combat d'arrière-garde, vous avez la face
collée au dos. Vous vous trompez d'ennemi, d'époque et de géographie. Pourquoi
cette haine pour ceux que vous voulez faire déchoir de leur algérianité. Ce
sont vos parents et grands-parents, ils avaient subi la colonisation pendant
132 ans et toutes les misères et les malheurs du monde qui vont avec. Est-ce
que c'est de leur faute s'ils ne maîtrisent pas, aussi bien que vous, la langue
pour laquelle ils ont sacrifié leurs proches, leurs biens et leur jeunesse,
pour que vous en profitiez maintenant ? Ne vous ont-ils pas transmis le
flambeau et le butin de guerre, avec ? Ils n'étaient pas parfaits, personne ne
l'est. Ils ont fait ce qu'ils ont pu faire, ils vous ont élevés, éduqués et
donné tous les moyens qui vous ont permis d'être ce que vous êtes devenus,
aujourd'hui. La France coloniale n'avait pas lésiné sur les moyens et avait
employé tous les procédés pour les déraciner de leur culture, de leur langue et
de leur religion, sans résultat escompté, parce qu'ils ont su résister jusqu'à
ce qu'ils l'aient mise dehors pour vous la remettre. Pourquoi cette ingratitude
? Pourquoi ce mépris ? Ces « francophones » que vous haïssez ne sont qu'une
goutte d'eau dans un océan, ils sont une « race » en voie d'extinction. Ils
vont tous partir un de ces jours et vous serez tous seuls à faire votre bilan.
Vous dites que l'école a régressé, que l'université a sombré, que la société
est devenue inhumaine, que la violence se propage, que les valeurs ne sont plus
ce qu'elles étaient, que les vertus ont disparu, que le civisme n'est plus, que
les gens sont corrompus, que le pays est mal géré, etc. Tout cela est vrai !
Mais qui est maître d'école, enseignant à l'université, journaliste, médecin,
ingénieur, « maire », wali, qui gravite autour du pouvoir, qui est dans son
ombre? ? Ce sont vous en majorité, les trentenaires, les quadragénaires et les
quinquagénaires qui êtes nés après 1962, car il n'y avait presque pas de
diplômés avant ! Ceux à qui vous mettez « l'étoile jaune » sur le front, pour
les envoyer au tribunal de l'Histoire, ne sont plus de ce monde et ceux qui
sont encore parmi vous aujourd'hui, ils sont sexagénaires et septuagénaires et
n'attendent que leur heure, pour partir les rejoindre. Les juger de ne pas
savoir prier comme vous, qui avez ramené des rites qu'ils n'ont jamais connus
de leurs parents, puis les juger, encore, de ne pas savoir parler l'arabe
qu'ils n'ont jamais entendu de la bouche de leurs mères est insensé mais
surtout injuste et ingrat de votre part. Vous semblez oublier l'Histoire,
déterrez-la et vous saurez que vous êtes trop durs et déloyaux.