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Faut-il fermer la centaine de mosquées dites salafistes en France?
L'essor de cette mouvance fondamentaliste inquiète les autorités après
l'attentat perpétré vendredi par Yassin Salhi, djihadiste présumé repéré par
les services de renseignement pour ses liens avec elle. Le Premier ministre
Manuel Valls a affiché mardi sa volonté d'agir «contre le salafisme le plus
radical», quatre jours après la décapitation par Salhi de son employeur et son
attaque avortée contre un site chimique de Saint-Quentin-Fallavier, près de
Lyon. Répondant à des critiques de l'opposition de droite et de l'extrême
droite, il a assuré que le gouvernement socialiste ne restait pas inactif face
aux «prêcheurs de haine» sur internet et dans les mosquées: 40 ont été expulsés
depuis 2012, dont une quinzaine d'imams, a-t-il fait valoir. «Toutes les
solutions sont explorées et mises en œuvre pour entraver l'action des
terroristes», a martelé M. Valls, ajoutant que l'exécutif «agit et agira avec
d'abord les armes du droit (...) pour fermer les mosquées quand il faut les
fermer». Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a fait état de deux
dossiers «en cours d'examen» par ses services, qui pourraient aboutir à la
dissolution d'associations gestionnaires de mosquées. Fiché de 2006 à 2008 après
s'être radicalisé dans l'est du pays au contact notamment d'un Français
converti qui a rejoint les rangs du groupe Etat islamique (Daech) en Syrie,
Yassin Salhi, 35 ans, avait été de nouveau repéré entre 2011 et l'an dernier,
fréquentant la mouvance salafiste lyonnaise. Sitôt rendus publics ces liens, la
«fermeture des mosquées salafistes» avait été réclamée dès vendredi par la chef
de file de l'extrême droite, Marine Le Pen. La demande a été reprise dans la
foulée par les Républicains, le parti de droite de l'ancien président Nicolas
Sarkozy. Selon des sources du renseignement, une centaine des quelque 2.500
lieux de culte musulmans que compte la France sont sous influence salafiste, un
chiffre qui a doublé en quatre ans. Ces mosquées, surveillées par les services,
se trouvent principalement dans les grandes agglomérations: en région
parisienne, à Lyon, Marseille et Lille. Les services de renseignement
s'inquiètent de voir prospérer un «vivier de radicaux potentiels» et s'alarment
de récentes offensives de petits groupes pour noyauter des mosquées
traditionnelles ou installer des lieux de prière parallèles, estimés à une
cinquantaine sur le territoire.
Faut-il voir en eux «l'antichambre de la radicalisation», comme l'a dit Manuel Valls, qui estime qu'il y a en France «entre 10.000 et 15.000 salafistes»? «On y trouve des éléments comme la rupture du lien social et un discours millénariste qui, mis bout à bout, peuvent constituer un terreau» pour verser dans le djihadisme, confie à l'AFP Bernard Godard, ex-fonctionnaire chargé du suivi de l'islam au ministère de l'Intérieur. Des sociologues pointent toutefois que la mouvance salafiste implantée en France est très largement de type piétiste ou quiétiste, ultraconservatrice mais hostile à la violence armée. Dans ces conditions, l'opportunité de fermer ses mosquées ne convainc pas forcément les experts. «Ce serait ouvrir un front qu'on n'a pas besoin d'avoir», estime Bernard Godard, évoquant une «démarche hasardeuse». «Sur quels critères va-t-on décider? Sur le fait que des prédicateurs prônent une vision très négative de la société dans laquelle ils vivent? Est-ce une raison suffisante?» «Il faut faire la part des choses», plaide Anouar Kbibech, nouveau président du Conseil français du culte musulman (CFCM), l'instance de représentation d'une communauté qui est la première d'Europe, avec cinq millions de personnes pratiquantes ou non. «Ce n'est pas parce que quelques jeunes tentent de déstabiliser des mosquées qu'il faut les fermer, cela stigmatiserait l'ensemble des fidèles», fait-il valoir en arguant que «les associations gestionnaires de lieux de culte se défendent pour éviter ce type d'intrusions». Fin mai, un fidèle salafiste qui perturbait les prêches de l'imam d'une mosquée de la banlieue de Lyon a écopé de 1.500 euros d'amende, dont 500 avec sursis, pour trouble au «libre exercice du culte». |
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