|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
«C'est en Algérie que, si je
puis dire, de professeur d'histoire, je suis devenu historien par petites
étapes», «A voix nue», entretien avec Benjamin Stora,
France Culture, 2006.
Au lendemain du décès de Marc Ferro, dans la nuit du mercredi 21 au jeudi 22 avril 2021 à l'âge de 96 ans, dans leur grande majorité, les médias français, toutes tendances confondues, ont rendu hommage à celui qui est considéré comme le digne disciple du grand historien Fernand Braudel et l'un des plus brillants historiens français de l'après-guerre. Nos concitoyens tant en Algérie qu'en France, fidèles habitués de l'émission Histoire parallèle2, s'étaient familiarisaient avec la physionomie avenante et débonnaire de Marc Ferro qui en était l'animateur vedette. Mais beaucoup d'entre eux ignorent, que cet éminent historien, a été touché par la grâce de Clio dans notre pays, à Oran, plus précisément ; « c'est en Algérie que, si je puis dire, de professeur d'histoire, je suis devenu historien par petites étapes », aimait-il à le rappeler. Nous avons voulu en guise d'hommage à ce grand ami de l'Algérie, évoquer son passage à Oran au mois d'octobre 1993. En dépit d'une situation sécuritaire des plus incertaines,3 Marc Ferro avait tenu à faire ce voyage qui a été pour lui une sorte de pèlerinage à une ville où, il avait commencé, 45 ans plutôt, en 1948, à faire ses premiers pas dans la voie de l'engagement politique anticolonial aux côtés des progressistes européens et des nationalistes algériens. Retour à Oran Son voyage à Oran en octobre 1993 fut pour lui un moment de très grande émotion qui lui a permis de retrouver certains de ses amis de Fraternité Algérienne;4 notamment Ahmed Benahmed, dit commandant Si Moussa et Hadj Doubla Mohamed, les derniers survivants de cette fiévreuse époque. Mohamed Benahmed reçut chez lui Marc Ferro comme au bon vieux temps ; la rencontre fut un moment d'une très rare émotion. «Nous ne nous sommes pas vus depuis 1956 ! Après une forte accolade, nos yeux devinrent humides ; sur un ton de doux reproche, je lui dis : «Tu m'avais bien eu ; mais tu avais raison d'agir ainsi !», nous dira Marc Ferro. Invité par les membres de la Société de Géographie et d'Archéologie,5 le 9 octobre 1993 Marc Ferro y donna, devant une nombreuse assistance une conférence sur un thème qu'il a lui même proposé : «Quelques souvenirs de mes activités politiques à Oran (1948-1956)». Il commença par évoquer son arrivée à Oran où, après avoir durant les vacances de l'été 1948, effectué, avec sa femme6 un voyage en voiture à travers l'Allemagne. Il est affecté à la rentrée des classes de 1948, comme professeur d'histoire7 et de géographie au lycée Lamoricière (act. Lycée Pasteur). 8 Il trouve le climat politique général de la ville durant cette période d'avant l'insurrection du 1er Novembre 1954, encore amplement marqué par l'influence qu'avait laissée le pétainisme dans la manière de pensée de beaucoup d'Européens et les Algériens encore sous le choc des résultats des élections de 1948 qui se sont déroulées sous le signe de la fraude, des menaces et du chantage.9 Mais, il se rend très vite compte de l'intense activité politique de la ville ; qu'animent, aussi bien les Européens libéraux et communistes, que les Algériens appartenant à toutes les sensibilités nationalistes (MTLD, UDMA, PCA, ulémistes, syndicalistes,...). Il revient sur le lycée Lamoricière, où, dit-il, le proviseur René Massiéra,10 sympathisant du Mouvement de la paix,11 sans se montrer ouvertement solidaire des enseignants plus engagés que lui dans le mouvement, tels que Marc Ferro, François Chatelet12 et Jean Cohen ; ne témoignait pas moins à leur égard une certaine bienveillance. Parallèlement à leur activité au sein du Mouvement de la paix, Marc Ferro et François Chatelet apportaient leur savoir-faire en matière d'organisation à leurs collègues algériens du Syndicat National des Instituteurs (S.N.I.), notamment Allel Saadoun et Tayeb Djaïdir pour la restructuration de ce syndicat lié à la C.G.T. dont François Chatelet deviendra le secrétaire. Ils prennent également part aux débats du ciné- club d'Oran et du Centre Régional d'Art Dramatique (C.R.A.D.). Il fait remarquer qu'en dehors de la très grande majorité d'enseignants européens, le lycée comptait quelques rares enseignants algériens, tous militants de l'U.D.M.A. (Mohamed Hirèche, professeur de sciences naturelles, Abdelkader Mehdad et Houari Fatmi, professeurs de langue arabe) avec lesquels le jeune professeur d'histoire va très vite lier amitié et devenir quelques mois plus tard leur compagnon politique. Il se souvient que c'est Mohamed Hirèche qui le présenta un jour à Ahmed Francis. Ferro, sentit à un certain moment que Hirèche était, comme beaucoup de ses collègues de l'UDMA, réticent à l'idée de rejoindre les partisans inconditionnels de la lutte armée du FLN. Il tenait à préciser que c'est grâce à ses collègues algériens enseignants, qu'il ne tarda pas à découvrir la complexité des relations humaines qui sous-tend les rapports intercommunautaires, entre chrétiens, juifs et musulmans ; ce qui lui fait prendre conscience des dures réalités coloniales qui ne le quitteront plus jamais et contribueront à élargir son angle de vision sur des champs de recherche, tels que sur l'histoire des situations coloniales et du monde arabo- musulman13. Il raconte à ce propos la déconvenue qu'il essuya à la suite du choix d'un thème qu'il voulut aborder avec ses élèves. À mes débuts, ignorant totalement l'instinctif mépris de la majorité des Européens d'Algérie pour tout ce qui est arabe ; le thème proposé portait sur la civilisation arabo-musulmane ; ce qui ne tarda pas à déclencher l'hilarité générale des élèves européens, « Mais, m'sieur, les Arabes, ils ne sont pas civilisés... », lui rétorquèrent-ils d'une seule voix.14 Le premier cercle des amis de Ferro était constitué tout d'abord par les frères Cohen, Jean et Claude15 et par ses collègues européens enseignants ; un deuxième cercle était constitué principalement par des personnalités algériennes : Mohamed Benahmed, Souaïh Houari, Mohamed Hirèche, Fatmi Houari, Abdelkader Mahdad, Abdelkader Safer, Taïeb Djaïdir... Ses contacts quelques timides qu'ils étaient, vont connaitre, à partir du déclenchement du 1er Novembre 1954, une nouvelle phase de leur développement ; surtout à partir de 1955, lorsque le réseau de soutien au FLN va se révéler très efficace grâce à des « complicités » européennes, notamment parmi les militants communistes16 Quelques semaines auparavant, Marc Ferro qui s'était rapproché du journal socialiste, Oran-Républicain, dans lequel il publie en janvier 1956, sous le pseudonyme de Serge Netty,17 un article dans lequel il proposait l'idée d'une co-souveraineté algéro-française, autrement dit une association qui aurait permis un vivre-ensemble comme solution au problème algérien. Cependant, Ferro homme sincère et de bonne foi, n'a pas toujours su faire preuve de discernement en ce qui concerne ses fréquentations oranaises. Un témoignage de Mohamed Benhamed nous renseigne amplement sur la décevante spontanéité avec laquelle, Ferro choisissait ses amis. C'est le cas de sa fréquentation avec Louis Deville, un avocat qui, du fait de sa sensibilité socialiste, évoluait dans le milieu du préfet d'Oran, Pierre Lambert. Mais ce dernier, en bon chef de la police qu'il était utilisait sa relation avec l'avocat à des fins de renseignements. Me Deville consciemment ou inconsciemment manipulait à son tour Marc Ferro qui, en toute bonne foi se confiait à l'informateur du préfet. Seuls Benhamed, Souïah et Hirèche étaient au courant de ce mic-mac ; mais personne n'osait dire la vérité à Ferro de cette « liaison dangereuse », ils le laissèrent ainsi se complaire dans son ingénue et naïve amitié avec Deville.18 Toujours victime de son manque d'expérience d'activisme politique sa première déception politique il la fait dater à 1950 lorsqu'il décide d'adhérer au Mouvement de la paix, aux côtés de ses amis Mouvement de la paix, militants libéraux, communistes et nationalistes algériens. « Petit à petit, dit-il, la vie oranaise s'est révélée à moi et toujours à cause de la menace de guerre, j'ai adhéré au Mouvement de la paix, qui n'est pas très loin du Parti communiste. Mais à l'époque, la majorité des gens qui étaient dans ce mouvement n'étaient pas communistes. C'est là que j'ai eu ma première expérience politique, c'est là que j'ai fait mes classes politiques. Ce n'est pas en étant autrefois au maquis du Vercors, où j'étais un soldat de deuxième classe.» À propos de ses rapports avec les membres du Mouvement de paix local, se souvient-il ; « lorsque, jeune professeur d'histoire à peine âgé de 26 ans, je me voyais proposé pour présider un meeting organisé aux Arènes d'Eckmühl ; à la fin du meeting, j'ai refusé de signer une motion de soutien aux époux Rosenberg19 que me présentèrent les organisateurs, membres du Comité oranais du Mouvement pour la Paix largement infiltré par les communistes, principalement par les membres de la famille Larribère. C'était, avoue-t-il ma première déconvenue d'un engagement politique à peine entamé. Là, j'ai appris ce que c'est qu'un procès de Moscou.»20 Le groupe de Fraternité algérienne Parmi ses collègues enseignants, Marc Ferro s'était lié d'amitié avec Claude Cohen, professeur de philo, tous les deux entretenaient de très bons rapports avec leurs rares collègues algériens enseignants. Tout le groupe se retrouvait souvent chez « Mme Sariza »,21 la mère de Jean Cohen. Claude Cohen, le frère de Jean, faisait quant à lui, ses débuts au barreau d'Oran. Tous les trois, vont à partir du début de 1955, créer un modeste cercle de rencontre à qui, ils donnèrent le nom de « Fraternité algérienne ».22 C'est dans un « esprit de militantisme libéral, au sens antitotalitaire, si j'ose dire, nous avons créé un mouvement qui s'appelle Fraternité algérienne », expliqua Ferro. « Les figures de proue, dira Claude Cohen, en étaient mon frère, Jean Cohen et Marc Ferro. Il y avait aussi le Dr Durand et André Mandouze, professeur de faculté à Alger et militant de l'anticolonialisme ; et il ajoute, « Ce mouvement, né dans le salon de ma mère, s'est surtout réuni à Oran, et a publié une revue dont le titre était Conscience algérienne ... C'était la seule organisation qui comportait presque à parité Européens et musulmans, alors qu'il y avait une cassure majeure dans le reste de la société.»23 Le premier noyau de Fraternité algérienne qui était composé principalement de personnalités européennes, va très vite être élargi à des représentants de la société civile algériennes que la féroce répression policière n'avait pas encore touchés ; tels que, Mohamed Benahmed, Abdelkader Mahdad, Abdelkader Kettaf, Abdelkader Safer et Houari Souïah.24 Au début de 1956, Marc Ferro, Taïeb Djaïdir, Mohamed Hirèche et Jean Cohen projettent de créer un bulletin à qui ils donnèrent le nom de Fraternité Algérienne, dont la direction serait confiée au Dr Léon-Paul Durand. Très vite, ils se mobilisèrent pour collecter des articles et d'enregistrer de très nombreuses promesses d'abonnement. Le Manifeste de Fraternité algérienne Le 7 novembre 1955, l'hebdomadaire L'Express publie un texte sous le titre « Les intellectuels se regroupent pour la paix en Algérie », parmi les signataires figurent quatre Prix Nobel : François Mauriac, Roger Martin du Gard, Irène Joliot-Curie et Frédéric Joliot. Bon nombre de signataires de ce texte parmi lesquels Roger Martin du Gard et Louis Massignon décident, début du mois de décembre 1955, sous le nom de Comité d'action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord25 de constituer un « dossier de l'Algérie ». À la lumière de l'important impact qu'ont eu ses appels dans l'opinion publique en France; il était impératif pour les animateurs de Fraternité algérienne qui considéraient que, plus que tout autre intellectuel en France, ils se devaient de faire connaitre leur position à l'égard de la question algérienne. Ils prennent aussitôt l'initiative de publier un courageux appel dit Le Manifeste Fraternité Algérienne paru dans la presse du 17 décembre 1955.26 Dès les grandes manifestations de février 1956, les premières, de la période de la guerre d'indépendance, suivies par la grande grève des dockers ; le préfet d'Oran, Pierre Lambert fit preuve d'une férocité sans égale dans la répression contre le mouvement indépendantiste à Oran. Marc Ferro s'était fait trop remarquer par son activisme politique en faveur de la lutte du peuple algérien, il quitte avec sa femme Oran à l'été 1956, «gêné de quitter le pays en plein naufrage» ; mais tout en précisant qu'il était, « resté attaché à la terre, aux gens, mais, dira-t-il, j'ai rompu avec la politique algérienne, c'est à dire que je ne me suis plus du tout occupé de ce qui se passait à partir du moment où c'était la guerre et où, dès 1958, il y a eu un changement de régime qui modifie absolument tout. » La visite ratée avec Guy Mollet (février 1956) Nous avons indiqué plus haut comment lors de sa rencontre avec Mohamed Benahmed, Ferro lui a dit : « Tu m'avais bien eu ; mais tu avais raison d'agir ainsi ! ». Or cet amical reproche a une histoire bien plaisante. Nous la reproduisons telle qu'elle a été rapportée par Ferro. C'est à l'occasion, dit-il, de la visite prévue à Alger du président du Conseil Guy Mollet pour le 6 février 1956, Marc Ferro et Jean Cohen avaient proposé à Benahmed et Souïah de former une délégation commune pour rencontrer Guy Mollet. Rendez-vous ayant donc été pris pour que la délégation oranaise soit reçue le 7 ou le 8 février. Le matin du 6 février, en gare d'Alger, un militant FLN d'Alger, aborde discrètement Souïah et l'informe que, Abane Ramdane leur déconseille vivement de se joindre à leurs collègues européens pour rencontrer Guy Mollet ; et que, seule la direction du FLN est en mesure de décider des démarches à entreprendre.27 Sur ce, Souïah informe Benahmed du message qu'il venait de recevoir ; et, les deux, très discrètement faussent compagnie à leurs collègues européens. Au lieu de la rencontre avec le président du Conseil français, Souïah et Benahmed, raconte Marc Ferro, ils se sont retrouvés en réunion avec Youssef Benkhadda qui les informe que la direction du FLN suit de très près les événements à Alger. Informé bien plus tard de tout cela par Benahmed, Marc Ferro comprit les raisons de cette défection de la part des ses amis algériens. Il ne les blâma pas, car ce qu'il venait de voir à Alger ce jour là, où Guy Mollet fut reçu à coups de tomates par une foule chauffée à blanc par les activistes ultras ; fit son deuil de tout dialogue politique possible entre les deux communautés. Mais, la chose qui a le plus intrigué Ferro, sans en soupçonner sur le coup l'intérêt ; c'était le fait que, raconte-t-il, que durant tout le trajet Oran-Alger qui dure près de six heures, Benahmed, n'a cessé de poser avec une grande insistance des questions à Ferro sur sa vie de résistant dans les maquis du Vercors. Ce n'est que bien plus tard, explique-t-il, lorsque j'ai appris que Benahmed venait de rejoindre les rangs de l'ALN, que j'ai compris dans quel dessein, mon compagnon de voyage voulut tout savoir sur la vie et l'organisation des maquis. À leur retour d'Alger, Jean Cohen et Ferro furent froidement reçus et même sermonnés par Auguste Thuvény et Paul Bouaziz,28qui leur ont reproché d'avoir voulu rencontrer Guy Mollet, alors que le peuple algérien était pleinement engagé dans une lutte libératrice, comme celle que lui-même avait mené quelques années auparavant contre l'occupant nazi. Ce différend avec ses aînés amena Ferro à démissionner de Fraternité Algérienne, et Thuvény en devint président. Il avoue que ses années oranaises ont été très instructives pour lui, échaudé par les tracas politiques qui l'ont éloigné de sa vocation d'historien, il décide d'abandonner l'activisme politique pour se consacrer entièrement à ses recherches historiques Dans le sillage de son exposé, Ferro tenait à préciser que la revue Conscience Maghribine dont on attribue la paternité à André Mandouze est en fait une idée de François Chatelet. La Soirée avec Ferro Après la conférence au siège de la Société de Géographie et d'Archéologie, le Dr Djafar Ramdan, invita quelques amis à prendre un thé à son domicile.29 Marc Ferro plus détendu et religieusement écouté par les convives, s'est abandonné à quelques anecdotes sur ses collègues algériens. Il avoue ne rien comprendre à la personnalité de certain d'entre eux. Prenez le cas dit-il, de Mohamed Hirèche qui était, vu, son apparence extérieure un homme très moderne ; mais, au fond, c'était un homme très à cheval sur les traditions ; tandis que, Houari Fatmi qui, même au lycée portait le costume traditionnel algérien, prônait des idées très modernes pour son temps et pour sa société. J'avoue dit-il, ne rien comprendre aux intellectuels algériens de cette époque ! Mais très vite la discussion tourna autour de ses travaux sur l'ancienne société soviétique et Ferro développa longuement les conditions politiques et culturelles qui ont abouti à la réussite des réformes qui ont abouti à la chute du système totalitaire. Sans risquer devant ses auditeurs algériens un parallélisme entre l'Algérie et la Russie soviétique, Marc Ferro, n'évoque pas moins avec une très grande pertinence, l'importance du rôle joué par les cadres de la société cultivée russe, autrement dit l'intelligentsia, représentée par des universitaires, écrivains et politologues qui ont aidé Gorbatchev à mener à bien la Pérestroïka ; c'est contre cette classe cultivée qu'avait réagi Boris Elstine, conclut Ferro à l'issue de cette conférence impromptue. Notes: 1- L'auteur de l'article prie le lecteur de ne pas lui tenir trop de rigueur quant à certains propos attribués à Marc Ferro ou à certains témoins; ce sont hélas ! les aléas des notes prises sur le vif et à chaud. 2- Emission diffusée chaque samedi de 1989 à 2001 sur la Sept puis sur Arte. 3- À peine un mois auparavant, le 21 septembre 1993, deux géomètres français furent assassinés dans la région de Sidi-Bel-Abbès. C'est la première fois que les groupes armés s'attaquent à des ressortissants français dans l'Ouest du pays. 4- Fraternité algérienne, se voulait être dès sa création un mouvement progressiste dit de la troisième voie, hostile à la fois au système colonial en cours et à la lutte armée menée par le FLN. 5- Marc Ferro avoue que pendant les années qu'il a passées à Oran, il ne s'était jamais intéressé à cette Société tellement elle jouissait d'une réputation vraie ou fausse d'ailleurs de cercle fermé réservé aux épigones de l'érudition coloniste. 6- Yvonne-France Blondel, enseignante, une camarade de la résistance que Marc Ferro épouse le7 février 1948 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime), ils eurent deux enfants ; Éric et Isabelle. Elle décède quelques mois avant lui, le 23 Janvier 2021. 7- Deux années plus tard, à la fin des années 1950, Pierre Nora, plus jeune que Marc Ferro, rejoint le lycée Lamoricière comme professeur d'Histoire ;et ce jusqu'en 1960. C'est durant sa présence à Oran qu'il rédigea son premier livre, publié en 1961, Les Français d'Algérie, fortement inspiré des événements qu'il a vécus dans la capitale de l'Ouest algérien. 8- Le lycée Lamoricière était pour Oran ce qu'était le lycée Bugeaud à Alger ou le lycée Henri IV à Paris. Il était plus qu'un établissement scolaire, c'était un véritable Prytanée et le corps enseignant tiré au volet, avait la charge d'assurer la reproduction des élites dirigeantes du système colonial. 9- Ces élections, dénommées depuis, « élections à la Naegelen», du nom du Gouverneur général de l'époque qui orchestra cette parodie électorale. 10- Depuis 1944, le proviseur du lycée était Paul Massiéra (1899-1976), archéologue et épigraphiste distingué, excellent connaisseur des ruines antiques de la région de Sétif. Après son départ d'Oran en 1962, il termina sa carrière au lycée Périer à Marseille (1962-1965). Sa femme fut en 1946, présidente d'honneur du comité des femmes musulmanes pour l'amnistie aux détenus politiques musulmans, de tendance AML. 11- Mouvement de la paix était une organisation pacifiste créé le 22 février 1948 regroupant un très grand nombre d'intellectuels (scientifiques, écrivains, artistes, ...) 12- François Chatelet se mariera plus tard, en 1966 avec Noëlle Jospin, la sœur de Lionel Jospin, de dix-neuf ans sa cadette et son élève en hypokhâgne. 13- Histoire des colonisations. Des conquêtes aux indépendances, XIIIe-XXe siècle, Seuil, 1994 ; Le Livre noir du colonialisme. XVIe-XXIe siècle : de l'extermination à la repentance, Robert Laffont, 2003 ; La Colonisation expliquée à tous, Seuil, 2016). 14- « Autopsie de l'idéologie coloniale» article de Philippe-Jean Catinchi dans Le Monde du 23 janvier 2003. 15- Lors d'une rencontre, le 6 octobre 2009 à Paris au domicile de mes défunts amis Colette et Gilles Achache ; Claude Cohen, se souvenait parfaitement de cette époque où, lui et son frère Jean, étaient les premiers vrais amis de Ferro à Oran. 16- Gabrielle Gimenez dite Gaby, côté européen et Missoum Lahouari, côté algérien, organisent ce soutien avec l'appui des employés de la compagnie Electricité et Gaz d'Algérie (EGA). Salmeron Antoine est désigné comme le «chef des groupes terroristes urbains» d' Oran. 17- C'est Claude Cohen qui, lors d'une discussion à Paris en 2009, m'apprend que Marc Ferro avait publié au début de 1956, un ou deux articles dans Oran-Républicain sous le pseudonyme de Serge Netty. Mon ami Fouad Soufi, ancien directeur des Archives de la Wilaya d'Oran et historien me confirma cette information en précisant qu'elle est contenue dans un dossier aux Archives du dépôt légal de la Wilaya d'Oran. En choisissant le pseudonyme de Serge Netty, Ferro a voulu fort probablement honorer la mémoire de sa mère Netty Forman, morte en 1943 à Auschwitz. 18- Entretien avec Mohamed Benahmed alias commandant Si Moussa, en son domicile, le 9 juillet 1997. 19 Ethel Rosenberg et son époux Julius Rosenberg , couple de new-yorkais communistes arrêtés durant l'été 1950, en pleine période du mac-carthisme, pour espionnage au profit de l'Union soviétique. Ils furent exécutés le 19 juin 1953 sur la chaise électrique dans la prison de Sing Sing. 20 Marc Ferro essaie d'expliquer comment il est arrivé, à partir de son expérience politique oranaise à se méfier des tenants de la pensée unique et du terrorisme intellectuel : « Donc, j'ai vu pendant mon expérience algérienne ce qu'était, un, les compagnons de route, deux, ce qu'était le Komintern et, trois ce qu'était un procès de Moscou. Ce qui explique qu'ensuite, quand je suis entré en URSS - dans les problèmes de l'étude de l'URSS - j'avais déjà une sensibilité ! » 21 Il s'agit de Mme Cohen Zahra, plus connue sous son nom d'artiste de Sariza, née Saïag. Propriétaire jusqu'en 1964, du magasin de vêtements, La Redingote Grise, 18, bd. émir Abdelkader. Les familles Benahmed et Cohen se connaissaient tellement bien qu'il leur arrivait souvent de se faire inviter mutuellement. (Mohamed Benahmed, entretien du 9 juillet 1997). 22 Fraternité algérienne, se voulait être dès sa création un mouvement progressiste dit de la troisième voie, hostile à la fois au système colonial en cours et à la lutte armée menée par le FLN. 23 FARGUES Dominique, Mémoires de Pieds-Noirs, Paris, Flammarion, 2008, p. 177. 24 Témoignage de Mohamed Benahmed alias commandant Si Moussa, en son domicile, le 9 juillet 1997. Il ajoute que du côté européen, il y avait : Jean Cohen, Marc Ferro, Me Paul Bouaziz, avocat et le Dr Léon-Paul Durand, médecin. 25 Le siège du Comité est situé au 27, rue Jacob, à Paris (6e). 26 Je tiens à remercier mon ami Benamar Médiène de m'avoir remis une copie de cet appel. 193 personnalités ont signé cet appel, dont 2 sont toujours vivantes : Hadj Mohamed Doubla et Yamina Zaanane. Marc Ferro et son épouse Yvonne ?France furent parmi les signataires. 27 Au sujet de la position de Abane Ramdane sur cette question, voir en détail, le tract « Directives FLN à ses militants », diffusé en juin 1955 par le FLN, publié par Conscience maghribine, n° 6-7, décembre 1995 ; reproduit dans, BELHOCINE Mabrouk, Le Courrier Alger-Le Caire 1954-1956 et le Congrès de la Soummam dans la Révolution, Alger, Casbah-Éditions, 2000, p. 88. 28 J'ai relevé dans mes notes les personnes qui étaient présentes à cette soirée du 9 octobre 1993 : Me Redouane Rahal, Omar Carlier, Me Mohamed Doubla, Fouad Soufi, Abdelkader Djémaï, Hamza Djebbar, Saddek Benkada, Christine Robichon, consule générale de France et Yves Ollivier, directeur du Centre culturel français. *Historien et chercheur associé au CRASC |
|