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Ahmed Messali
plus connu sous le nom de Messali Hadj est une des
figures les plus emblématiques du Maghreb politique, au début du XXe siècle. A
la tête d'un des plus puissants mouvements indépendantistes, son combat a fini
par faire litière à la Révolution du 1er Novembre 1954. Pour toute sa vie, il
n'avait qu'un seul rêve celui de voir son pays libéré du joug de la
colonisation. Historiquement, Messali Hadj représente
la personnalité politique algérienne la plus influente du courant nationaliste
en Algérie et au Maghreb.
Son œcuménisme politique plonge ses racines dans l'influence du milieu de sa jeunesse, mal connue, sans doute très importante dans l'émergence de la personnalité politique charismatique et combattive dont il nous paraît impossible d'enfermer dans la seule période qui concerne son séjour en France où ses qualités de leader ont commencé à se dessiner au contact de l'émigration et sa proximité des syndicalistes et des militants du parti communiste français. Le déclenchement de la Révolution marque, en réalité, l'aboutissement d'une longue lutte menée par le peuple depuis le début de la colonisation française du pays. Mourad Benachenhou, homme politique, écrit : «Le legs politique que Messali Hadj a laissé au peuple algérien est d'une richesse et d'une profondeur telle que, jusqu'à présent, aucun homme politique algérien, mort ou encore en vie, n'a réussi à l'égaler». Notre approche éclairera, sans doute, un peu mieux les lecteurs et les historiens à repenser l'homme en le situant dans le milieu de son enfance. Né dans un milieu citadin qui n'était pas un foyer ex-nihilo mais, connu historiquement pour son activité intellectuelle, religieuse et politique intense. Le contexte historique dans lequel il est né, grandi et où ont vécu ses parents a, certes, joué un rôle important. Il explique comment la pression du passé témoigne de la façon dont le jeune Messali, avec son courage et sa détermination, a pu s'inscrire, à un âge précoce, dans l'engagement politique de son temps prenant, dès l'âge de vingt-huit ans, la tête du premier mouvement indépendantiste maghrébin (ENA). «Hadji» manifestait sa sympathie envers les souffrances du peuple. Autodidacte, il s'inscrit comme auditeur libre à la Sorbonne ; il se devait d'agir poussé par un sentiment patriotique irrésistible. Le sort politique de Messali Hadj en était ainsi scellé dès sa prime jeunesse. Plusieurs évènements dont sa ville natale en fut le théâtre ont certes marqué sa conscience politique : la «Hidjra» où l'exode des Algériens en Syrie et en Turquie, refusant la conscription en 1911, la guerre du Rif contre les occupants français et espagnols (1921-1926) suivie de près, manifestant des soutiens de la part d'une grande partie de la population, le jeune algérianisme naissant mettant en scène la nouvelle élite avec notamment la création d'espaces d'expression dont le «Nadi chabiba al-wataniya djazaîria» à l'allure de parti placé sous le symbole du «progrès et de la civilisation», créé en 1904, agréé officiellement en 1910. D'une belle allure, naturellement fier et courageux, Messali Hadj était un militant associatif du phénomène «Jeune- Algérien», considéré comme un pas vers la naissance du nationalisme et un des premiers maillons de l'histoire motivant l'élan de l'élite pour la prise de parole et qui a vu se succéder, à vive allure, plusieurs autres épisodes pour le relèvement à ce moment crucial de la colonisation, à l'orée du XXe siècle. La dénomination «Jeunes-Algériens» fait allusion à une jeunesse dynamique et motivée d'une réalité nouvelle influencée par l'élan de réveil des «Jeunes» à travers le monde musulman et en Turquie. Soigneusement éduqué, sa jeunesse était partagée entre l'école, la zaouia et les cercles de progrès de l'intelligentsia moderne fascinée par la révolution turque, nés parallèlement au nationalisme politique. C'est cependant, en fréquentant les «Nadis» que le jeune ?Hadji' acquiert une idée positive de la patrie. Ce fut un moment clé de la vieille cité qui, dès le début du XXe siècle, allait connaître un certain dynamisme induit du rôle de l'élite nouvelle qui tentait déjà d'ouvrir le champ de la lutte politique. Le portrait qui a accompagné toute sa vie de militant exprime tout à la personnalité qu'il représente et défend tout en même temps. C'est là, l'image qu'il a forgée de lui-même voir la fidélité qu'il doit au peuple et à son histoire, sa culture, ses traditions. Sa piété filiale de dévotion soufie est d'une forte prégnance sur sa personnalité. Une culture conciliatrice de l'existence et d'ouverture universelle. C'est ainsi qu'avec son portrait droit et debout, toujours ferme, qu'il va accompagner, depuis le début jusqu'à la fin, l'émergence du nationalisme moderne tout à fait politique, à ses débuts, jusqu'à l'idéal maghrébin du siècle, à savoir, dont le flambeau était porté par les grands leaders maghrébins l'Emir Abdelkrim al-Khatabi, Mohamed Bourguiba, Messali Hadj... Messali Hadj appartient à une famille tlemcenienne d'un vieil ancrage dont le grand père Ben Mesli a joué un rôle, au début de la colonisation tombé entre les mains des troupes coloniales avec deux autres délégués pro-ottomans impliqués en politique Ben Triqui et Bensari, au moment où ils se rendaient pour solliciter appui auprès de Hadj bey Salah de Constantine. ?Hadji' comptait un seul frère tonnelier de métier ayant fini ses jours comme «oukil» (préposé) du mausolée dédié au célèbre soufi Sidi Abdelkader al-Djilani, à el-Eubbad. Ce dernier avisé autrement de la situation, n'était cependant point convaincu du but du combat que son frère cadet ?Hadji' cherchait étant encore, lui aussi, dans la mentalité de la majorité de ses compatriotes en désespoir de cause : «lutter contre la France militaire, trop puissante ?». Le jeune ?Hadji' va ainsi bousculer le vieux et désespérant le schéma dans lequel était plongée la grande majorité de la population. Messali Hadj bâtit sa vie sur sa capacité à défier le destin quitte à se retrouver seul. Ce moment a, certes, trop tardé à venir car les Algériens étaient nombreux résignés à accepter leur aliénation. Cette ville au brillant passé sous les Almohades, les Zianides, connut une brillante civilisation citadine produisant d'illustres personnalités savantes et tant d'évènements depuis Agadir où, dans son rôle en tant que capitale, fut le lieu qui a été première capitale maghrébine sous le règne des Ifrinides dont le roi était Abou Qorra (741- 765) comptant sur une puissante armée dirigée par Ibn Rostom, fondateur plus tard de la dynastie des Rostomides, à Tiaret. Depuis, avec la conquête de l'Espagne musulmane, elle s'est dotée d'une consistance forgeant son identité berbéro-arabe et musulmane historique et aussi, son rôle dans la construction du premier socle maghrébin payant ensuite, au cours de sa longue histoire, le prix de moments difficiles face aux ingérences mérinides, espagnoles, ottomanes... C'est au cours de ces moments que ses habitants ont forgé une manière de penser la liberté, l'amour de la patrie mais aussi, le Maghreb. Cité-carrefour, elle fut au Moyen-Âge durant plusieurs siècles à la croisée des grandes voies de communication maghrébine et afro-méditerranienne. Messali Hadj doit son éducation religieuse à la zaouia ?Derqaouiya- hibriya', dirigée par Cheikh Yellès Chaouche dit Benyellès, un homme de foi inspirant le respect. Là, de par l'éducation religieuse qu'il reçut, il s'imprègne de marques d'altérité humaine, de dignité, de courage et d'amour de la patrie, avec insistance sur les bonnes mœurs, la bonne conduite morale. A peine âgé, il fut placé par son père, raconte?t-il, dans ses mémoires, pour apprendre le métier de babouchier chez son ami Larbi ben Mostéfa Tchouar, un homme dépeint comme un grand ascète, affilié à la zaouia de Cheikh al-Habri des «Ath Iznassen», ayant fait subir sur lui-même l'épreuve spirituelle de la «Mouraqa'a» avant de manifester sa vassalité à Cheikh al-Alaoui ?Benalioua de Mostaganem auteur aussi d'une première compilation de poèmes et sapiences du grand soufi andalou Abu Madyan Choaïb (1126-1197). Un fils de fellah Son premier cri à la liberté fut l'été de l'année 1921, au cours d'une veillée musicale publique animée par Cheikh Larbi Bensari au café Tizaoui, il brise l'atmosphère musicale par son cri de ?Vive Ataturk»,»vive l'Algérie». Recherché «pour excitation contre l'Etat français», il fut le lendemain dirigé au commissariat. Avec ce cri ses ambitions vont ainsi se dévoiler petit à petit. Très jeune aussi, il manifestait naturellement ce côté «insurgé» éveillé par les conversations en cercles privés ou dans les deux «Nadis» existants de son temps «Chabiba wataniya djazaîria» et «Jeunesse littéraire musulmane». Cette dernière fondée en 1919, par de jeunes étudiants et auditeurs libres de la médersa officielle dont Mustapha Benyellès futur muphti d'Alger et Abdelkader Mahdad, professeur, futur membre fondateur de l'association des Oulémas et plus tard de l'UDMA, aux côtés de Ferhat Abbès, docteur Saâdane..., avait vocation d'école libre de formation. Son président d'honneur n'était autre que l'homme politique de Nédroma, Si M'hamed Ben Rahal. Dans ses mémoires, il cite, parmi les évènements qui ont marqué sa jeunesse la ?Hidjra' décrétée, en 1911, par le muphti Chalabi au cours d'un de ses prêches à la grande mosquée rendant licite l'exode fuyant la conscription applicable aux Algériens rendue obligatoire ayant eu pour conséquence le départ d'une bonne partie des habitants la Syrie et la Turquie, notamment. Devenue cette figure du nationalisme algérien, les rares séjours familiaux dont il était autorisé à faire à Tlemcen revêtaient le caractère d'évènements célébrés les «Mûrides» pratiquants assidus et motivés par les zaouias - écoles sur la voie de «l'éveil» qui entretenaient vivante la flamme de la résistance, l'assurant de leurs premiers soutiens. Très proche encore des milieux ouvriers en France il gagnera plus d'ouverture en étant attentif au monde. Ses ambitions politiques pragmatiques en fusion avec la voie (Târiqa) étaient toutes à l'écart des mouvements politiques, voireleurs hostilités à l'occupation lors des insurrections. Parmi ces personnalités figuraient le réformiste Abdelkader Médjaoui (m. en 1913 à Alger), le juriste, journaliste et politologue Bénali Fekar, les professeurs à la médersa de Tlemcen Ghouti Bouali, Abdeslam Aboubekr, ces deux derniers instigateurs, en 1901, du projet du parti «Civilisation et progrès». Ces personnalités comptèrent de nombreux séjours effectués à Fès à l'invitation du grand chambellan de la our alaouite Hadj Mohamed el-Mokri (1852-1957), d'origine tlemcenienne, et des cercles de consultations très proches du roi marocain, Moulay al-Hafidh (1908-1912). A Fès, la communauté algérienne des émigrés était représentée par un «Naqîb» choisi parmi les «Tlemçanis» habitant cette vieille capitale idrisside. Le combat contre la colonisation défendait en même temps le projet d'un Maghreb uni dont Tlemcen fut au cœur de son histoire au moyen-âge arabe pour une reprise impliquant la nouvelle génération de l'élite. L'artisan babouchier mort à un âge très avancé vivant dans la continence et la piété chez qui le jeune ?Hadji' fut placé par son père pour apprendre le métier, était un ascète connu pour son attitude intransigeante opposée à la «Hidjra», développant une argumentation religieuse justifiant la résistance, appelant les musulmans à s'unir refusant, de par ses propres convictions, l'abandon du pays. Ce personnage emblématique rencontra plus de cinquante fois, avec d'autres compagnons, le fondateur de la «Târiqa» ou voie initiatique «Hybria-derqaouiya», Cheikh el-Habri (1821-1898), à Ayt Iznassen (Bani Znassen), dans les montagnes du Rif (Maroc oriental). A propos de Larbi Tchouar, l'homme au rosaire et au bâton de pèlerin, qui s'était fait une grande réputation de piété par sa vie ascétique, Messali écrit dans ses mémoires : «Il habitait notre quartier et mes parents m'avaient placé un temps chez lui pour apprendre le métier de babouchier. De haute stature, ce personnage, car c'en était un, était entièrement vêtu de blanc et coiffé d'un turban. Il avait l'air d'un khalife des premiers temps de l'Islam. Il était doux et généreux et on le considérait à Tlemcen comme un saint». Il fut très jeune influencé par le modèle de vie ascétique de ce «Faqîr», adepte de la voie soufie connu pour l'affection qu'il mettait à vivre dans l'austérité la plus orthodoxe. Alors qu'une bonne partie de la population était encore attachée à l'esprit de la lutte. La «Hidjra» fut sans doute, par son ampleur dans les cités en Algérie un des évènements politiques les plus importants mobilisant la conscience populaire, à l'orée du XXe siècle. Cet évènement politico-religieux eut pour conséquence, le départ de dizaines des familles à l'exil vers les pays du Machrek, vers notamment, «Bilad es-Sham», (La grande Syrie) ou la Turquie. Les émigrés transitaient par les Bani-Znassan, le Rif et Nador vers les Iles Zaffarines (Capo de Agua), via Alexandrie. La traversée vers le Machrek, laissant plusieurs morts et parfois des familles entières disparues, durait plusieurs jours. Elle s'effectuait dans des conditions inhumaines dans les cales de bateaux à vapeur, non sans causer d'énormes pertes de vies. Les injustices et les inégalités, la conquête du Maroc à la base de son dessein colonial motivaient les aspirations violentes de la population aux départs. Cet instant eut certes, l'effet d'un grand choc, causant des drames familiaux. Pour l'adepte ?mystique Larbi Tchouar (1848-1955), un homme plein de piété, tournant le dos à l'atmosphère se posait la question de savoir pourquoi s'humilier en se précipitant au départ «n'est-il pas plus digne de vivre dans son pays comme meilleure glaive de résistance à l'infidèle», répondait-il. Une partie de ceux qui ont subi l'exode se sont impliqués dans le mouvement de résistance en Palestine ou en Syrie. A leur retour, les exilés étaient porteurs d'idées de libération. Leur discours était mobilisateur. Les injustices suffisent à expliquer le mouvement d'émigration la «Hidjra» qui a, en effet, ponctué un temps charnière provoquant la mobilisation de l'élite parmi les premiers éléments de l'intelligentsia algérienne moderne. Les frères Larbi et Bénali Fekar, tous les deux de même esprit politique que leur mentor Si M'hamed Ben Rahal (1858-1928) le premier instituteur et fondateur à Oran de l'hebdomadaire ?Jeune-Algérien', arabe-français, ?El Misbah' à Oran, en 1904. Hebdomadaire bilingue préconisant des réformes ce journal bilingue fut créé et cela, pour rompre avec le silence de la presse coloniale dont le métabolisme n'était pas dans la défense du peuple couvert du mot «Indigènes», c'est-à-dire groupe social inférieur, laissé ? pour compte-, traité en vaincu fortifiant les Algériens dans leur résistance sourde. Son frère cadet juriste, économiste et politologue le plus titré arabe de son temps. L'entrée des Jeunes en politique allait signer l'acte de naissance du courant patriotique d'éveil chez les «Jeunes-Algériens» mouvement d'une réelle épopée qui a tenté de surmonter les traumatismes de la colonisation en impliquant la nouvelle élite formée à la double école franco-arabe dont le sentiment national était exalté par les progrès réalisés par la Turquie. Ces derniers allaient se rendre de plus en plus visibles dans le paysage social avec costume long et cravate ainsi que le port distinctif de la coiffe ottomane. Ils baignaient dans des discussions abordant les questions politiques du moment, livres ou journaux sous le bras faisant les cents pas sur la place publique honorant son statut «in cercles» associés à différentes courants d'idées, de pensées et des réalités internationales d'où la maturité politique de son élite. Jeune ?Hadji' au destin de résistant dans la lutte pour l'indépendance de son pays fut le produit de l'école des cercles ou ?Nadis' séduisant la fine fleur avec leur vernis de bien pensance. La dynamique des cercles, bien organisés socialement et politiquement en tant que lieux de rencontre et de confrontation des idées reflète, certes, un moment dynamique bien déterminé dans la vie de cette cité historique. La politique de non tolérance des cercles décidée par les tenants post indépendance du pouvoir de la pensée unique sous prétexte de combattre les ennemis de l'intérieur», empêchant les Citoyens de se réunir librement a eu pour conséquence de figer la société. Tout le travail de l'élite était de mobiliser autour des valeurs de progrès et de civilisation, les droits et les libertés. L'émergence de cette élite issue du monde des marges fut un moment crucial à sa politisation n'étant pas encore dans un nationalisme intégral, mais un sursaut citoyen non encore unanimiste et qui a permis de refaire l'union nationale autour de l'idée de l'indépendance avec Messali Hadj de cette première mutation au milieu de la nouvelle génération, fierté des gens de sa ville. Dans cette circonstance, il deviendra un héros, forçant le respect pour son sincère engagement jusqu'à mériter le titre de «Zaïm». Politicien subtil et patient, il avait les traits d'un homme irréductible, fort de son message à savoir : l'indépendance. Il était la fierté de sa ville natale. De par aussi le rôle joué par les mécènes, les initiatives se multiplièrent : création d'une imprimerie arabe, de bibliothèques voire les «Amis du livre», de troupes musico-théâtrales, de cercles comme espaces de culture (poésie, littérature, musique) véritables écoles de savoir-vivre, d'associations de solidarité telle les «Amis de l'étudiant» qui, pour préparer l'avenir, sert des bourses provenant de bienfaiteurs et de l'aumône légale la «Zaqât» payée pendant le mois sacrée de Ramadhan, aidant dans un élan exemplaire de nombreux jeunes de toute l'Algérie à poursuivre leurs études supérieures. Sur la liste des bénéficiaires y apparaissent les noms de jeunes pusillanimes: Benyoussef Benkhedda (1920-2003), Militant du MTLD, futur président du Gouvernement provisoire de la république algérienne jusqu'à l'indépendance, l'avocat Abdessamad Benabdallah (1927-2005) membre du collectif de la défense des militants de la cause de l'indépendance de l'Algérie, l'avocat Abderrahmane Kiouane membre du comité central du PPA?MTLD, l'avocat Bentoumi Amar, le journaliste Bendeddouche Mohamed , le chahid docteurTedjini Damerdji, l'artiste peintre Yellès Bachir... qui embrassèrent après la cause du nationalisme La question de la reprise historique Les grandes figures de l'art, de la littérature et de l'action politique tels Mohamed Dib, Abdelhalim Hemch, Bachir et Fethi Yellès, Mohamed Gnanèche, Abdelmadjiid Méziane , Mahmoud Agha Bouayad, Kamel Mahieddine Malti... ont été le produit de la vie des «Nadis» refuges ou lieux existentiels regroupant les Jeunes libérés de leur travail le jour et qui n'étaient pas dénué d'idéologie à coloration politique : «Les Jeunes-Algériens» (libéral), «Nadi Saada» (nationaliste), «Nadi Ittihad» (progressiste)... patrimoine démocratique précieux, d'ouverture. Un moment préludant à une nouvelle naissance politique décidée à imprimer un changement dans la vie de la société. Avec les «Nadis» c'est l'esprit de résistance mais aussi le succès de la modernité qui naît chez les Jeunes s'engageant pour les droits et les libertés. La question de la reprise historique était déjà là, dans ces écrins de l'élite, et qui préparaient déjà l'avènement d'une société nouvelle éprise de progrès marquant le début de décrochages dans une société jusque-là autorisée par les Oulémas traditionnistes. La Jeunesse très fervente était dans une ambition généreuse du vivre ensemble. Incarnant la nouvelle génération, ils vivaient l'espoir d'une Algérie libre. Cette expérience en a fait de la vieille cité plongée depuis des siècles dans un esprit de résistance, un bastion de démocrates. Dans son cheminement l'élite algérienne d'une manière générale a développé des expériences en construisant ainsi un large pan de la pensée algérienne moderne et cela, en cohérence avec l'identité, la personnalité et l'idéal de liberté. Leur souci politique de l'acte cherchait surtout à apporter des réponses aux problèmes de progrès. Il ne s'agissait pas pour elle seulement de renaissance «Nahda» acquise aux idées de ses éminents représentants Djamal eddine al-Afghani (1838-1897), Mohamed Abdou (1849-1905), mais surtout de modernité synonyme d'ouverture à l'esprit de la science pour mettre fin à des siècles de sclérose intellectuelle, face aux facteurs d'inertie. Elle a tenté aussi de libérer la parole sur tous les sujets : les droits, les libertés, la religion, l'éducation. Les questions liées à la démocratie, les libertés, les droits, l'école ont été autant d'éléments qui ont fait partie des exigences de l'épopée civile de la jeunesse des cercles. La religion, l'art en tant que marqueurs de l'identité et de l'unité étaient également à l'ordre du jour. Avec le grand nombre d'associations et cercles créés sous l'effet de la loi de 1905, Tlemcen était devenue une ville politique par excellence. En faisant le choix politique des Jeunes, l'élite nouvelle a donné par là, la preuve qu'elle était connectée au monde, aux autres sociétés en évolution, à l'universel. C'est pour cela qu'il est nécessaire, aujourd'hui dans le présent, de relire l'histoire du mouvement des Jeunes jusque-là occulté en Algérie. La cité était à l'indépendance prête à passer, avec ses acquis, à l'épopée civile, mais les contraintes idéologiques de l'après guerre ont rendu la situation impossible du fait des chefs qui n'avaient, auparavant, jamais intégré cette culture. Ce passé si précieux avec toutes ses étapes, son étude peut apporter des réponses à de nombreuses questions posées aujourd'hui encore en Algérie. Avec le Rif, Tlemcen conservait des liens très anciens grâce au commerce. De nombreux commerçants rifains y possédaient des places à l'intérieur des relais traditionnels ou «Fondouks» d'où transitaient naguère leurs marchandises. Le père du chef rifain y faisait des séjours réguliers entretenant des liens étroits avec les dépositaires de la place de négoce à la Qaïçariya. Avec la guerre du Rif, ils étaient nombreux à Tlemcen à se solidariser avec le combat mené par Abdelkrim al-Khettabi tels Abdelkrim Bouayad et les frères Bénaouda et Hadj Mokhtar Soulimane qui créèrent un comité de soutien à la guerre du Rif (1924-1926). Les Djebalas du Rif avaient été, eux aussi, solidaires avec les Algériens durant leur lutte contre l'occupant, sous la bannière de l'Emir Abdelkader. Les étapes de cette guerre étaient suivies de très près par la population et la victoire de Abdelkrim, lors de la bataille d'Annoual, en 1926, eut un retentissement psychologique et politique. Elle fut célébrée comme un grand évènement. Dans son gouvernement, le chef nationaliste et redoutable guerrier et homme politique Abdelkrim al-Khattabi comptait même une poignée de personnalités originaires de Tlemcen et de sa région qu'il connaissait déjà, voire Moulay Hassan al-Baghdadi, son secrétaire personnel fondateur-gérant l'imprimerie «Ibn Khaldoun» à Tlemcen, ou encore Haddou Benhaddou, un médersien originaire des M'çirda, un polyglotte, son brillant ministre des relations extérieures connu pour son indépendance, menacé de mort et emprisonné par les Espagnols à Capo de Agua, d'où il s'est enfui, en parcourant à la brasse les vingt kilomètres, séparant cette île, de Nador (Maroc). Les liens des habitants avec les rifains passaient également par le biais de l'influent cercle mystique des «Derqaouiya-hibriya», d'où également l'engagement volontaire de nombreux tlemçanis à ses côtés, durant la résistance ce qui fait que les Rifains ont été toujours très proches de tous les combats aux côtés des Algériens sous l'Emir Abdelkader et bien après, durant la lutte de libération nationale. L'influence des «Jeunes Turcs» Le début du XXe siècle marqua le début d'un grand sursaut national pour la reprise. La jeune élite reconnaissait qu'avec des noms prestigieux de l'héritage culturel que leur cité fut longtemps le berceau dans l'aire civilisationnelle maghrébine. Ce fut le moment où la jeune élite formée à la double école créait une brèche dans le mur de silence séparant les deux sociétés arabe et française. Pour la génération, new âge, des «Jeunes -Algériens» se prononçant pour une plus grande liberté , le mot «Indigènes», désignant péjorativement une société d'hommes «trop éloignés de la civilisation» était ressenti comme une profonde humiliation à un moment où, aussi, après une millénaire vie ensemble et surtout les vagues d'expulsions lors des inquisitions par les rois catholiques d'Espagne Isabelle 1re et Ferdinand II, en 1492, juifs et musulmans étaient séparés par le décret Crémieux de 1870 qui rendit les juifs otages d'une coexistence inégale entre Juifs et Musulmans marginalisés en tant que «Indigènes» privés de droits. La naturalisation allait ouvrir aux Juifs l'accès à toutes les fonctions administratives et politiques. A suivre |
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