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Affaire Khalifa : Le verdict attendu aujourd'hui

par Tahar Mansour

Les rumeurs vont bon train ainsi que les «pronostics» relatifs au verdict possible dans l'affaire Khalifa Bank qui est attendu de différentes manières par chacun selon sa position ou ses intérêts propres.

Il faut dire que les prévenus paraissaient plutôt inquiets lorsqu'ils ont été invités à dire une dernière phrase, le 14 juin dernier, au terme d'un procès qui n'a pas livré tous ses secrets et qui n'a pas vu défiler les personnalités tant attendues par l'opinion publique.           Monsieur tout le monde estime que les principaux inculpés seront condamnés à des peines égales ou inférieures à la durée de leur incarcération, peut-être juste un peu plus pour Khalifa Abdelmoumen. Il faut dire aussi que les avocats du principal inculpé ont excellé dans l'art de démonter toutes les accusations contenues dans l'arrêt de renvoi, en utilisant le code de procédures pénales et le code pénal, en faisant ressortir les lacunes dans le traitement de l'affaire dès son début, aussi bien par la Banque d'Algérie, le ministère des Finances, les instances de contrôle et, finalement, les enquêtes pénales, l'instruction et même la liquidation et l'administrateur. Chaque étape a été décortiquée, classée et les lacunes mises en évidences, jusqu'à faire douter de la culpabilité de Khalifa et de ses coinculpés. D'ailleurs les avocats de Khalifa, même s'ils se disent inquiets quant à l'issue du procès, estiment qu'ils ont présenté tout ce qu'il fallait pour innocenter leur client, mais ils soutiennent qu'il n'y a aucun deal entre le pouvoir et leur mandant. En outre, le manque d'expertise fiable et de clarté, aussi bien au cours de l'instruction que d'aucuns qualifient de bâclée, que dans le procès font penser que cette affaire est tronquée quelque part, avec le lot d'ex-directeurs généraux d'entreprises publiques et de responsables d'institutions étatiques accusés d'avoir accepté des cartes de voyage gratuites ou de thalassothérapie, pour avoir déposé des centaines, voire des milliers de milliards de centimes appartenant aux Algériens et qui ont disparu comme par enchantement. Accusés de corruption pour certains, d'abus de confiance pour d'autres, tous ont fait ressortir l'écart gigantesque entre le montant de dépôt et le petit ?bakchich' qu'on les accuse d'avoir accepté. Pour Khalifa Abdelmoumen, la plupart des griefs retenus contre lui ont trait à la création d'une banque privée, la première en Algérie, en utilisant des moyens frauduleux, mais ces accusations ont été écartées d'une pichenette par les avocats car ils ne concernent nullement Khalifa ou ses associés ni la banque, ni les faux actes d'hypothèque ni le crédit alloué ne sont à leurs noms. Il est aussi accusé d'avoir ?incité' les responsables d'entreprises publiques à déposer leurs avoirs, monumentaux, dans sa banque en leur proposant des taux d'intérêts si élevés qu'ils n'ont pu résister au chant de sirène, encouragés en catimini par leurs supérieurs hiérarchiques qui n'ont jamais été inquiétés et, là aussi, les avocats ont vite fait de parler de pratiques normales pour une banque qui veut attirer des clients. Mais il reste des questions que personne n'a posées et qui concernent justement les fonds astronomiques qui se sont volatilisés. Qui donc a pensé à faire une comptabilité réelle des sommes perdues par les entreprises publiques et les particuliers ? En outre, un certain personnage, franco-libyen, qui aurait raflé toutes les mises, n'a jamais été cité, sauf par certains témoins et qui n'a pas été inquiété ni interrogé ni recherché pour lui demander de restituer l'argent qu'il a pris indûment. On parle même d'avions qu'il aurait revendus et dont il aurait empoché les revenus.

LE REQUISITOIRE SERA-T-IL SUIVI PAR LES JUGES ET LE JURY?

Il est plutôt difficile de répondre à cette question mais des indications, selon certains hommes de loi, nous poussent à dire que non. La plupart des observateurs affirment qu'il sera difficile au représentant du ministère public d'être suivi dans ses demandes à voir les plaidoiries des avocats de la défense qui ont tout fait pour récuser les charges retenues contre leurs clients, en usant des lois et des lacunes de celles-ci ou des enquêteurs. Pour rappel, le procureur général avait requis la réclusion criminelle à perpétuité pour Abdelmoumen Rafik Khalifa et la saisie de tous ses biens, des peines de 20 ans de prison fermes contre Guellimi Djamel, Chachoua Abdelhafid et son frère Badredine, avec la confiscation de tous leurs biens. Une peine de 15 ans de prison a aussi été requise contre Mourad Idir Issir, Rahal Omar, Ighil Ali Meziane, Mir Omar, Kechad Belaid et Amghar Mohand Arezki, tous proches collaborateurs de Khalifa. Quant à Chachoua Ahmed, Abdelwahab Réda, Toudjène Mouloud et Aziz Djamel, des peines de 10 ans de prison ont été requises contre eux. Pour les autres, le procureur général a requis des peines de prison ferme comprises entre 18 mois et 7 ans de prison. Il y a lieu de noter que parmi les 75 prévenus concernés par ce procès en appel, 4 sont décédés et 21 sont détenus.

C'est donc le grand jour pour eux, ils connaitront aujourd'hui le sort qui leur a été réservé, soit ils se retrouvent en liberté, soit ils retournent en prison. Mais c'est aussi un jour pas comme les autres pour la justice algérienne, le verdict étant très attendu par l'opinion publique, même si elle s'est déjà fait une idée sur les peines qui vont être prononcées.