
Plus
que le déroulement du procès et ses rebonds médiatiques, banalisé par la force
des choses, c'est le verdict de l'affaire El Khalifa Bank, attendu aujourd'hui
à la Cour criminelle de Blida, qui retient réellement l'attention des
algériens. Y aura-t-il surprise pour l'opinion publique ? Le procureur général
avait requis la perpétuité pour l'accusé principal, Moumen Khalifa, des peines
allant de 15 à 20 ans à l'encontre d'autres accusés et des amendes atteignant
les 500 000 dinars. Au sein de la population, on croit dur comme fer que cette
affaire est réglée dans ses moindres détails, il n'y a qu'à voir ce qui s'est
dit et, surtout, ce qui n'a pas été dit au procès pour comprendre et s'assurer
que la vérité, la seule qui restera au-delà du prononcé du verdict, ce sont les
petites victimes qui ont perdu gros dans cette duperie financière. D'un autre
côté, estimant que le procès n'ayant pas tenu ses promesses scandaleuses, des
opposants politiques se mettent à douter du sérieux de ce procès où l'on
s'attendait à ce que des noms de hautes personnalités soient éclaboussés par
l'éclatement de la vérité prônée. L'affaire El Khalifa Bank ce sont au final,
donc, 14 000 questions qui attendent les réponses du tribunal, 71 accusés, dont
21 détenus, plus de 300 témoins, en majorité condamnés et ayant purgé leur
peine, 150 avocats et une trentaine de chefs d'accusations. Un procès fleuve.
Des robes noires en nombre démesuré qui se sont fait un plaisir de paraître sur
les écrans TV et qui ont soutenu à l'unanimité que le procès s'est déroulé dans
de bonnes conditions. La sérénité des avocats, qu'on n'essaie même pas de
cacher, pourrait laisser croire qu'un deal est déjà conclu avec les autorités
du pays, mais bien malin celui qui peut clairement énoncer ce deal, s'il en est
un, avant le prononcé du jugement. Le verdict, mis en délibéré pour ce mardi 23
juin, sera un baromètre relativement crédible pour juger du sérieux de ce
procès, s'il tiendra ses promesses ou non. Certains, ceux qui cherchent à
donner à cette affaire une coloration politique, ne seront jamais satisfait ni
du déroulement du procès ni du verdict. Avant, lorsque l'extradition du Moumen
Khalifa était presque impensable, on criait à qui veut entendre qu'un jugement
par contumace arrangerait mieux les positions des autorités qui, disait-on, ne
voulaient pas réellement de la présence de ce personnage qu'on estimait
encombrant pour elles. Mais, aujourd'hui que les évènements viennent contredire
tout ce qui a fait le lit des critiques de l'opposition politique, Khalifa
ayant été finalement extradé et présent au procès, on semble faire peu cas de
ce renversement de la situation. Aujourd'hui, une autre preuve est toute faite
pour ceux qui ne croient pas à la justice, avant même qu'elle ne soit rendue,
avec ces responsables politiques qui n'ont pas été inquiétés, à aucun moment du
procès, et le silence de Moumen Khalifa qui n'a cité aucun haut responsable,
lui qui, de son refuge en Angleterre, promettait de faire tomber de gros pontes
du système si on continuait à le poursuivre. On a compris, presque dès le
premier jour du procès, que l'affaire El Khalifa Bank n'est plus rentable
politiquement. L'affaire sera dès lors, médiatiquement, banalisée. L'accusé
ayant peut être compris qu'il avait tout intérêt à ne pas trop s'éloigner des
charges formulées à son encontre. Il pourra ainsi prétendre aux circonstances
atténuantes.