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Des motifs épars sont avancés
depuis la création du Conseil de la nation en 1996 en faveur de son maintien,
mais la faible teneur des motifs avancés dans le cadre de la révision
constitutionnelle a fait que le comité d'experts, aujourd'hui, n'a pas pu
l'imposer véritablement comme exigence institutionnelle dans le contexte d'une
transition démocratique plus transparente en Algérie.
Le Conseil de la nation, une pérennité compromise ? Pour apprécier la proposition formulée par le comité d'experts de reconduire la chambre haute du Parlement appelé Conseil de la nation et les motifs justifiant son maintien, il faut, de notre point de vue, se souvenir de trois choses : 1.- Le Conseil de la nation a été une création de la Constitution de 1996, laquelle a procédé à la réorganisation de l'institution parlementaire, passant ainsi d'un Parlement monocaméral (Constitution de 1989) à un Parlement bicaméral ou système des deux chambres (la Constitution de 1996). En 1999, avec l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, personne ne pouvait savoir ce qu'allait devenir le Conseil de la nation tant le discours politique officielle de l'époque était en faveur de sa suppression pure et simple. 2.- A l'époque, en 1996, pour les tenants du pouvoir, le Conseil de la nation avec en son sein le tiers présidentiel était une exigence institutionnelle parce que ?'l'impératif politique'' d'alors l'avait imposé. Le dépassement de cette situation politique a conduit le constituant de 2016 à formuler un fondement juridique pour perpétuer l'existence du Conseil de la nation au moyen de l'article 137 de la Constitution qui inverse, contre toute attente, la procédure législative en exigeant que les projets de loi relatifs à l'organisation locale, à l'aménagement du territoire et au découpage territorial soient déposés prioritairement sur le bureau du président du Conseil de la nation. 3.- Le maintien de cette deuxième chambre parlementaire a été suggéré par l'actuel président de la République dans la lettre adressée au comité d'experts. Ne pouvant pas remplir objectivement la fonction d'une assemblée constituante, le comité d'experts a finalement suivi la recommandation présidentielle, mais les motifs avancés tendant à justifier le maintien de cette deuxième chambre parlementaire s'avèrent, de ce fait, insuffisants pour légitimer un renforcement institutionnel d'une telle nature. En effet, il est rapporté que le comité d'experts a estimé que « l'existence de cette chambre parlementaire demeurait nécessaire au renforcement de la représentation, à l'équilibre institutionnel et à la pérennité de l'Etat ! ». De notre point de vue¸ cet argumentaire est pratiquement le même que celui qui a prévalu à la création du Conseil de la nation via la Constitution de 1996, même si le nouveau Conseil de la nation, réorganisé, se voit débarrassé du tiers présidentiel. Débarrassé du tiers présidentiel, le Conseil de la nation retrouvera-t-il pour autant une légitimité démocratique et constitutionnelle ? Sans doute oui ! si c'est pour marquer justement la fin du présidentialisme et/ou du régime autocratique comme méthode de gouvernement jusque-là d'actualité et caractéristique de l'Algérie d'avant. La réponse sera moins tranchée par contre, si c'est pour aller vers une République plus démocratique avec pour objectif : rétablir et surtout garantir le lien de confiance qui doit impérativement exister entre les gouvernants et les gouvernés. C'est là le premier enjeu de la ?'nouvelle Algérie''. Mais, au regard de cet objectif de valeur constitutionnelle de rapprocher le pouvoir du citoyen, et compte tenu du contexte institutionnel et le mode de gouvernance politique proposés dans la mouture de l'avant-projet de Constitution, il nous paraît intéressant de considérer le Conseil de la nation plutôt comme une deuxième chambre de trop, et ce pour au moins quatre raisons : 1.- La mouture de l'avant-projet de Constitution propose une nouvelle institution constitutionnelle, un vice-président ?'désigné''( ?) pour, rappelle-t-on, assurer et garantir la continuité dans le fonctionnement des institutions et services publics de l'Etat. De la sorte, on n'aura plus besoin du président du Conseil de la nation pour assurer le rôle de chef de l'Etat en cas de vacance de la présidence de la République, aux motifs de décès, de démission ou de maladie grave du Président. Ainsi, autant le motif de continuité de l'Etat que le risque que se reproduise le vide institutionnel caractéristique de la décennie noire sont ainsi écartés. 2.- En rapport avec le dispositif de l'article 137 de la Constitution cité précédemment, le Conseil de la nation ne peut avoir d'assise juridique que si le projet de Constitution viendrait à entreprendre de grandes réformes institutionnelles fondées sur la décentralisation, décentralisation que la mouture de l'avant-projet de Constitution semble avoir totalement ignorée. En clair, le Conseil de la nation ne peut être maintenu si le principe de libre administration des collectivités territoriales matérialisant leur statut de sujets juridiques à part entière et le principe de subsidiarité ne sont pas rendus constitutionnels. 3.- Le Conseil de la nation n'est pas le Sénat. Défiant la Constitution de l'Etat, le Conseil de la nation est appelé abusivement ?'Sénat'' et les membres du Conseil de la nation, ?'les Sénateurs'', il y a là un problème de sémantique qui en dit long. En Algérie, le Conseil de la nation résulte d'un besoin strictement politique. C'était une réponse politique circonstancielle à une crise politique majeure. Elevé depuis au rang d'institution constitutionnelle, le Conseil de la nation est resté victime de la confusion sciemment entretenue entre la politique et le droit. Selon une lecture politique du droit, le Conseil de la nation n'existe que pour garantir et pérenniser les intérêts du système politique en place, qu'il ne l'est pour concrétiser l'idée d'Etat de droit. 4.- Même débarrassé du tiers présidentiel nommé par le président de la République, il sera difficile d'opérer une différenciation institutionnelle entre l'Assemblé populaire nationale et le Conseil de la nation, même si le mode de scrutin de la première chambre diffère de celui de la deuxième chambre. Le peuple algérien est défini comme étant une Nation (Charte nationale, 1976). Incrustés aujourd'hui dans une même entité parlementaire, et en termes de représentation du ?'peuple'' algérien et de la ?'nation'' algérienne, le Conseil de la nation, de ce point de vue, ne se distingue pas de l'Assemblée populaire nationale. En tout cas, l'option en faveur du système de dualité des chambres n'est pas forcément un acte de démocratie et de renforcement de la démocratie parlementaire. *Professeur - Faculté de droit, Université Badji Mokhtar, Annaba. |