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Les pays en développement peuvent être à la pointe de l'innovation médicale

par Muhammad Radzi Abu Hassan*

KUALA LUMPUR - La collaboration fructueuse entre les ministères de la Santé de Malaisie et de Thaïlande, les partenaires industriels d'Égypte et de Malaisie et l'initiative Médicaments contre les maladies négligées (DNDi) a constitué une étape importante en permettant la mise sur le marché un nouveau médicament antiviral contre l'hépatite C - le Ravidasvir - en 2022.

Pendant des années, un traitement de 12 semaines à base de Sofosbuvir coûtait entre 70 000 et 80 000 dollars, ce qui le mettait hors de portée de nombreuses personnes dans les pays du Sud. Mais le Ravidasvir - une alternative sûre et efficace - coûte beaucoup moins cher, en moyenne moins de 500 dollars par traitement.

Ce type de coopération Sud-Sud pourrait servir de modèle aux pays en développement où des maladies sont endémiques, en montrant comment l'action collective peut les aider à relever les défis sanitaires et à promouvoir l'innovation médicale. En tant que présidente de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Anase) cette année, la Malaisie prévoit de faire avancer le programme de recherche collaborative et axée sur les besoins, et de favoriser le développement de thérapies et de diagnostics dans les pays du Sud.

Le succès du Ravidasvir dépend de plusieurs facteurs. Tout d'abord, la DNDi a travaillé avec un fabricant de médicaments égyptien pour développer la molécule, qui était à l'origine produite aux États-Unis mais négligée par les grandes entreprises pharmaceutiques. Ensuite, une fois qu'il est apparu clairement que cette initiative de R&D produirait un traitement indépendant et abordable pour l'hépatite C, le ministère de la Santé de Malaisie (où je suis directeur général de la santé), en collaboration avec la direction de la DNDi en Asie du Sud-Est, a conçu une stratégie d'accès agressive basée sur la concurrence du marché, faisant baisser les prix de trois options de traitement. Tout au long du processus, les partenaires du Sud ont été aux commandes.

Ce sentiment d'appartenance a suscité une multitude d'activités en Malaisie, ce qui a finalement permis d'abaisser les barrières entre des services gouvernementaux cloisonnés et de dissiper les idées reçues. Par exemple, notre autorité réglementaire a été la première à enregistrer l'association du ravidasvir et du sofosbuvir sans l'approbation d'une autorité réglementaire stricte. Pharmaniaga, un fabricant malaisien de médicaments génériques, a soutenu ces efforts en relevant le défi de préparer un dossier d'enregistrement pour une nouvelle substance chimique.

Le ministère malaisien de la Santé a continué à faire progresser cette option thérapeutique. En février, il a dévoilé les résultats d'un essai clinique montrant qu'un traitement plus court (huit semaines au lieu de douze) par Sofobusvir-Ravidasvir n'était pas moins efficace chez les patients atteints d'hépatite C non cirrhotiques. Il s'agit d'une grande victoire pour les personnes vivant avec la maladie dans les pays du Sud, car cela permet de réduire encore davantage le coût thérapeutique et d'améliorer l'observance du traitement par les patients.

Si le fait de rendre le traitement abordable et accessible constitue une étape importante vers l'élimination de l'hépatite C, il faut faire de même pour les outils de diagnostic. Les tests traditionnels en laboratoire sont coûteux et posent des problèmes logistiques pour les programmes de dépistage de masse dans toute l'Asie du Sud-Est. Au lieu d'attendre que les pays à revenu élevé développent des solutions, les pays du Sud devraient toutefois prendre l'initiative d'innover en matière de diagnostics sur le lieu de soins, qui soient peu coûteux et évolutifs.

La pandémie de Covid-19 a révélé la fragilité des chaînes mondiales d'approvisionnement médical et les limites de la solidarité entre les pays face à une crise sanitaire. La réticence du Nord à partager les vaccins, les tests, les équipements de protection individuelle et les produits thérapeutiques a alimenté la mentalité du « chacun pour soi». En conséquence, une crise de crédibilité s'est emparée du système de santé mondial, exacerbée par un déficit de financement croissant, dû en grande partie au retrait récent des États-Unis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La nécessité de nouveaux modèles n'a jamais été aussi évidente.

Conscients de la nécessité d'une plus grande résilience régionale, les pays d'Asie du Sud-Est se sont montrés de plus en plus disposés à soutenir les essais cliniques et à stimuler la fabrication locale de dispositifs médicaux et de produits pharmaceutiques. La Malaisie a joué un rôle central dans ces efforts. En juillet 2024, le gouvernement malaisien a organisé un atelier avec l'Académie des sciences médicales du Royaume-Uni afin d'explorer les stratégies permettant d'améliorer l'accès aux diagnostics et aux traitements dans la région. Les participants à l'atelier ont recommandé d'établir un partenariat de développement de produits pour favoriser la collaboration entre les gouvernements, les universités et l'industrie.

En mai, Clinical Research Malaysia, un organisme de gestion de la recherche relevant du ministère de la Santé qui s'est attaché à renforcer les capacités en matière d'essais cliniques dans tout le pays - y compris pour les premières études de phase 1 sur l'homme - organisera la CRM Trial Connect. Axée sur l'accélération des essais cliniques en Asie, la conférence réunira plus de 1 000 universitaires, chercheurs cliniciens, chefs d'entreprise et décideurs politiques de toute la région.

En tant que présidente en exercice de l'Anase, la Malaisie est également bien placée pour engager un dialogue avec des partenaires régionaux et internationaux sur la manière de relever les défis sanitaires du Sud global. Le sommet Anase-Conseil de coopération du Golfe-Chine prévu en mai sera l'occasion d'étudier les moyens de renforcer la collaboration Sud-Sud, notamment en ce qui concerne les transferts de connaissances et de technologies et l'accès à l'innovation médicale.

La mise au point du Ravidasvir montre comment la collaboration régionale et des investissements ciblés peuvent déboucher sur des innovations médicales abordables, qui viennent s'ajouter à un ensemble croissant de stratégies visant à améliorer l'accès aux produits thérapeutiques et diagnostiques dans les pays du Sud.

Si ces pays acceptent d'agir collectivement, ils pourront probablement répéter ce succès pour un large éventail de maladies négligées et non transmissibles - et s'approprier un processus longtemps dominé par le Nord.



*Directeur général de la santé de Malaisie