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La stratégie nationale présentée hier à Oran : Quelle gestion pour les zones côtières ?

par Houari Saaïdia

La stratégie nationale de gestion intégrée des zones côtières (GIZC) a été présentée, hier à Oran, par la ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, Dalila Boudjemaa.

Deux questions se posent : comment passer de la (belle) stratégie à l'acte (réel) pour endiguer la bétonisation du littoral ? Comment mettre en œuvre cet ambitieux plan de gestion, sachant que le Fonds national du littoral est une ressource financière très disproportionnée ?

Cette stratégie nationale est le couronnement d'un processus déjà engagé avec plusieurs partenaires méditerranéens dans le cadre de la convention de Barcelone, qui a duré deux années et nécessité six ateliers régionaux. « Ce processus a abouti à une stratégie nationale de gestion intégrée des zones côtières sur laquelle seront appuyées et structurées les différentes approches sectorielles dans le sens d'une démarche intégrée pour assurer une meilleure cohérence de nos actions au niveau de ces zones », a souligné la ministre, qui s'exprimait devant un large parterre, en présence notamment des représentants des agences méditerranéennes chargées du littoral et des zones côtières, dont le Plan d'action pour la Méditerranée (PAM), le Centre d'activités régionales pour les actions prioritaires, le Centre des aires spécialement protégées, l'organisme Medpartnership, le programme MedPol, la coopération allemande GIZ, le PNUD, l'Agence française du développement ainsi que des représentants des collectivités locales littorales, des départements ministériels, des experts universitaires, entre autres.

Dans sa présentation succincte, Leone Gaetand, directeur du PAM, plan de lutte contre la pollution du milieu marin au niveau méditerranéen (lequel organisme rassemble les 21 Etats riverains de la Méditerranée), a expliqué en substance que la GIZC de la Méditerranée est un «outil régional unique et contraignant aussi bien pour les pays ayant signé le protocole de Barcelone que pour les pays non signataires». Il l'a présenté comme étant un des moyens de répondre à différents problèmes induits par l'intensification et la densification croissante des activités humaines; problèmes qui se posent de manière souvent exacerbée sur les littoraux. Ce sont par exemple et en particulier, a-t-il ajouté, les problèmes liés à l'urbanisation et à la périurbanisation, les activités portuaires, le tourisme, la surpêche et la surexploitation de nombreuses ressources naturelles, la fragmentation écologique et la dégradation des milieux naturels littoraux, etc. Il s'agit en fait d'un concept initialement développé par le monde scientifique, sur la base du constat que seule une approche systémique permettrait de prendre en compte la complexité du littoral, tant sur le plan physique (interface terre-mer) que sur le plan de la gestion et de la gouvernance (multitude des fonctions, des secteurs d'activité concernés et de décideurs agissant le plus souvent sans concertation, alors que les effets de leurs décisions se superposent et interagissent).

LE FORT CONTRASTE ENTRE LES DOCUMENTS ET LE PAYSAGE COTIER

Cependant, à notre sens, sur le terrain et au-delà des déclarations de principe et du bon vouloir de l'Etat à œuvrer véritablement dans le sens de la prise en compte des limites naturelles à accueillir les activités humaines, l'un des défis majeurs est la lutte contre la «bétonisation» -voire la bidonvilisation, parfois- qui ravage des pans importants du littoral algérien, de l'Est à l'Ouest. En effet, s'il existe bel et bien une disposition légale et règlementaire sur la protection et l'utilisation durable de la zone côtière instituant une zone non constructible d'au moins 100 mètres dans les zones côtières, les dérogations qui sont autorisées en réduisent considérablement la portée puisqu'elles peuvent concerner aussi bien les projets d'intérêt public que les besoins sociaux, de développement ou les projets d'urbanisation autorisés par les lois et règlements internes. Ceci sans parler des constructions illicites (baraques en dur, garages à bateaux transformés en résidences et commerces, etc.). La prépondérance accordée aux besoins humains se retrouve dans la difficulté des parties à accepter d'interdire l'urbanisation dans des espaces libres délimités, en dehors des aires protégées, urbanisation qu'il s'agit seulement de «limiter ou, si nécessaire, interdire».

Dans un autre registre, la structure de financement nécessaire à la mise en œuvre de la stratégie nationale de la GIZC (plan 1) exige une concertation intersectorielle et une planification coordonnée des financements publics pour le plan d'action du gouvernement 2015-2019 dans un premier temps. Ce même niveau de planification sera requis pour la période 2019 (plan 2), après évaluation de la 1ère phase. Même si la mise en œuvre de la stratégie nationale de la GIZC implique la mobilisation de financement à partir de diverses sources, il demeure que les actions qui seront engagées par le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement (MATE), notamment à travers le Fonds national pour la protection du littoral et des zones côtières ainsi que l'allocation budgétaire du CNL et des autres structures relevant du ministère, seront déterminantes pour le succès de la GIZC. Le plan de financement de la stratégie nationale GIZC sera cadré avec le plan quinquennal (2015-2019) des secteurs ayant compétence marine, maritime et littorale.

Ce fonds a été institué en 2007 et mis en service en 2008 pour financer la mise en œuvre des mesures de protection de ces zones et leur valorisation. Les actions finançables sont classées en quatre catégories : actions de dépollution, de protection et de mise en valeur; études et programmes de recherches appliquées; dépenses relatives aux interventions d'urgence en cas de pollution marine accidentelle; études et expertises préalables à la réhabilitation des sites. Le MATE « reconnaît » dans son document portant stratégie nationale de GIZC que «l'essentiel de la mobilisation financière à partir de ce fonds a été quasi exclusivement le fait du ministère et très peu de ses établissements sous tutelle, notamment le CNL. Un travail profond doit être également fait sur les termes de référence des opérations inscrites sur ce fonds pour atteindre les niveaux de performance et d'efficacité espérées par les pouvoirs publics et par le MATE en premier lieu». Et d'ajouter qu' «afin d'améliorer le volume financier du fonds national pour la protection du littoral et des zones côtières, il est proposé de diversifier ses recettes. Ces sources de financement nouvelles interviendront également comme facteur de responsabilisation des acteurs économiques, des usagers de la côte et de certaines catégories d'habitats vis-à-vis de leur protection et de la préservation, selon le principe de pollueur-payeur».