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Les dossiers successifs traités effectivement par les tribunaux algériens
tels que l'affaire Sonatrach 1 et 2, El Khalifa, l'autoroute Est-Ouest et
d'autres, doivent-elles nous inquiéter sur l'ampleur qu'a pris l'argent sale
dans notre société ou au contraire cela doit nous rassurer puisque ces
scandales sortent de l'ombre et sont désormais entre les mains de la justice.
Doit-on faire confiance à notre justice ?
Dans la rue algérienne, les gens « ordinaires » s'exclament : les affaires se succèdent sans pour autant voir une personnalité de premier rang derrière les barreaux ! Condamnée d'une manière ferme par la justice au nom du peuple souverain. Cet état de fait renforce en effet une idée préconçue déjà très répandue chez l'Algérien lambda, à savoir le fait qu'on a une justice à double vitesse et les gens puissants sont au-dessus de la loi. Ces derniers jouissent d'une immunité éternelle qui ne trouve nullement son origine dans des lois qui protègent les élus du peuple et commis de l'État mais plutôt dans des pratiques beaucoup moins glorieuses, corruption, trafic d'influence, clientélisme, conflit d'intérêts...etc. Ce qui entache l'institution judiciaire de beaucoup de soupçons. Un cas qui représente effectivement une très nette illustration à notre question et qui est sur toutes les lèvres, c'est celui de l'ancien ministre de l'Energie algérien, au moins, soupçonné, voire accusé dans les affaires Sonatrach en cours. Actuellement, il est protégé mystérieusement par l'un des pays de la civilisation dominante ! Dans notre contexte bien spécifique, pour des multiples raisons socioéconomiques, on ne peut guère dissocier en fait la question de la justice dans notre pays et aussi dans tous les pays du tiers-monde de la grande problématique du sous-développement. Peut-on dès lors s'interroger sur le degré de véracité de ce stéréotype populaire ? Problème structurel ? Dans le haut de la pyramide de notre pouvoir politique, le mal dominant très machiavélique qui forme l'élite gouvernante depuis l'indépendance du pays connaît très bien le système judiciaire algérien, car un bon nombre parmi eux sont issus de cette discipline universitaire, sinon pour le reste, ils sont bien entourés de juristes et conseils connaissant par cœur les codes, vices de procédures et vides juridiques. Cela vient évidement de la nature même de leur fonction là où le droit constitue une part non négligeable. La structure même du pouvoir judiciaire chez nous est un autre élément très déterminant dans notre discussion. Formés essentiellement de procureurs généraux, avocats généraux, substituts généraux, procureurs de la République et substituts, les magistrats du Parquet sont les défenseurs de l'ordre public. Ils sont sous la hiérarchie du pouvoir politique par le biais du garde des Sceaux, ministre de la Justice, lequel peut leur donner des instructions individuelles. On peut ainsi se poser la question de l'indépendance réelle des membres du Parquet. Malgré le fait qu'ils ne rendent pas de jugement, mais jouent le rôle d'accusateur, dirigent les enquêtes de police et contrôlent les gardes à vue, car ils travaillent sous l'autorité des juges indépendants. Sans parler de la raison d'État représentée par des personnes physiques dont la loi est censée les protéger. Toute cette complexité est tout à fait incompréhensible par les couches populaires qui n'ont aucune culture juridique et font souvent des raccourcis très simplistes qui se résument grosso modo dans la théorie du complot. C'est à dire une poignée d'hommes au pouvoir qui complote contre le pays et le peuple pour préserver leurs intérêts personnels ! Plutôt un progrès ? Cette vision populaire ou populiste n'est pas loin de l'idée que fait l'autre élite « anti-système » qui considère la problématique de la justice comme étant un fragment d'un système oligarchique très fermé qui ressemble plutôt à une « mafia » en s'appuyant sur des démarches procédurales qui prennent la configuration des biais à travers lesquels le régime fait durer son « complot » et donne une illusion de justice normale. Autrement dit, une justice de façade qui couvre un arrière-plan beaucoup plus chaotique, là où l'image de la justice des salons et des amis est plus dominante. Dans cette perspective, il faut souligner tout de même qu'il y a parmi cette « autre élite », les ex-du système, un président, des généraux, des Premiers ministres et des ministres. Ceux qui ont été pendant une période de leur vie aux commandes de l'État et donc de la justice de ce pays. Et la question légitime qu'on doit se poser : ces anciens cadres de l'État formaient-ils à leur tour une oligarchie quand ils étaient au pouvoir ? Et quels étaient les stratagèmes du «complot» qu'ils esquissaient contre leur propre pays ? Peut-être la différence entre « l'ancien système» et l'actuel, c'est la médiatisation de ces scandales. Avant, on n'entendait pas parler de ce genre d'affaires même pas devant la justice ! Ceci ne veut pas dire qu'il n'y en avait pas ! Peut-être la raison du nombre très élevé de ces scandales au cours de ces dernières années est justement l'intervention de la justice et donc la grande médiatisation. Il y a aussi l'importance des sommes colossales investies dans les différents plans quinquennaux. Loin d'être une spécificité algérienne, ces scandales politico-financiers concernent la plupart des pays au monde, y compris les démocraties occidentales. Ce qui nous oblige à être beaucoup plus prudents pour appréhender cette question. Un exemple très frappant et plus récent, celui de l'ancien président français Nicolas Sarkozy, dont les accusations très graves appuyées par des preuves matériels, n'ont pas inquiété pour autant l'homme fort de la droite française qui a de fortes chances d'être le futur président de la cinquième puissance mondiale en 2017. |
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