Alors que les USA optaient, via l'Otan, pour une solution militaire en
Ukraine, l'Europe et la Russie ont ouvert, par la voie diplomatique et
politique, un chemin vers de vrais espoirs de paix.
Une semaine de contacts diplomatiques entre l'Europe, la Russie et
l'Ukraine et un sommet marathon à Minsk (Biélorussie), dans la nuit de mercredi
à jeudi, ont abouti sur un accord pour l'engagement d'un processus de paix en
Ukraine. Jeudi matin, Vladimir Poutine, Angela Merkel, François Hollande et
Petro Porochenko ont annoncé, tour à tour, leurs engagements pour imposer un
arrêt des combats dans l'est de l'Ukraine et la mise en place d'une stratégie
pour un règlement « global » de la crise politique dans le pays. Cessez-le-feu
dès ce dimanche 00h00, retrait des armes lourdes dans les deux jours qui
suivent, libération des prisonniers de guerre à compter du 19 février et
discussions entre les belligérants ukrainiens pour une révision de la
Constitution qui garantira l'intégrité territoriale de l'Ukraine et organisera
les rapports institutionnels entre Kiev et les régions de l'Est
(décentralisation administrative et déconcentration politique notamment, droits
culturels et linguistiques des régions de l'Est, etc.) En fait, un retour et
une confirmation des premiers accords de Minsk de septembre 2014. Le choix
d'une solution politique globale entre l'Europe et la Russie et la mise en
pratique immédiate de ce processus de paix s'est imposé dans l'urgence face aux
velléités guerrières que prônaient les USA ces dernières semaines. Le Congrès
américain a voté la semaine dernière une aide de plus d'un milliard de dollars
pour armer Kiev, alors que les « faucons » républicains souhaitaient une
enveloppe de 3 milliards de dollars pour couvrir les besoins du gouvernement de
Kiev jusqu'en 2017 ! Dans le même temps, l'Otan, sous les ordres de Washington,
mettait en place un plan pour l'envoi de 5.000 militaires sur les frontières
ouest de l'Ukraine et l'installation de six centres de commandement aux
frontières entre l'Europe et la Russie. Dans ce sens, le nouvel accord de Minsk
de ce jeudi est une « victoire » sur la guerre et la solution par les armes que
défendent les USA. Signalons que le président américain, Barack Obama, a usé de
ses attributions constitutionnelles pour tenter de freiner les velléités du
Congrès américain dominé par les républicains et les « faucons » partisans du
règlement du conflit ukrainien par la force des armes. Du côté européen, le
consensus pour le choix du dialogue et la voie diplomatique pour une solution
durable en Ukraine n'étaient pas acquis. Des pays comme la Pologne et les pays
baltes sont ouvertement alignés sur l'option américaine et celle de l'Otan,
c'est-à-dire la guerre à la Russie, alors qu'une majorité des pays de l'UE,
menés par l'Allemagne, puis la France, ont compris la nécessité d'un processus
politique de concert avec Moscou pour ramener la paix en Ukraine. L'absence des
Américains à Minsk autant que celle de la Commissaire des affaires étrangères
européenne et présidente du Service européen d'action extérieure (SEAE) révèle
la ligne de fracture en Europe et entre l'Europe et les USA sur la question
ukrainienne. Pour l'heure, l'Accord « 2 » conclu à Minsk permet aux
belligérants de sortir « par le haut » de cette guerre. L'Ukraine a la garantie
de son intégrité territoriale et les régions de l'Est ont la promesse de plus
de liberté de gestion de leurs affaires et la promotion de leur langue, le
russe, et leur particularisme identitaire. Entendu que les principales
richesses minières sont situées dans les régions de l'Est, Kiev et l'Ukraine
n'en seront que gagnants en allant vers un consensus politique et une paix
durable. Par ailleurs, les relations entre Moscou et l'Union européenne ont été
revues. Les sanctions économiques imposées à Moscou depuis le début de la crise
vont être atténuées au fur et à mesure de l'application du plan de paix de
Minsk, avec leur levée définitive dans les prochains mois. Il restera,
évidemment, d'autres problématiques à régler sur le moyen et long termes,
telles celles relatives aux dizaines de milliers de civils déplacés à
l'intérieur de l'Ukraine, les réfugiés partis en Russie, la sécurité des
frontières ukrainiennes, la reconstruction des zones dévastées par la guerre
dans le Donbass et l'est de l'Ukraine, etc. L'aide de l'Europe à la
reconstruction n'exclut pas une aide russe. L'occasion peut-être de repenser un
partenariat entre Russes et Européens au travers d'une renaissance économique
et industrielle de l'Ukraine. « L'Europe, de l'Atlantique à l'Oural »,
expression attribuée au général de Gaulle et chef d'Etat français, aura alors
retrouvé tout son sens. N'en déplaise aux Américains et l'Otan.