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A quelque chose malheur sera-t-il bon !? La crise pétro-financière qui
frappe (rait) à notre porte, avec tout ce que cela annonce comme problèmes et
difficultés, vient (hélas et/ou heureusement !) à point pour nous obliger à
revenir (bien plutôt à nous pencher sérieusement) sur la réforme? du concept de
développement (ou de progrès) dans notre pays.
Jusqu'ici, ce développement a été appréhendé uniquement, ou quasi-totalement, sous ses seuls aspects quantitatifs et matériels (la «croissance», disent-ils) et s'est mesurée à l?aune des réserves de change, du montant de la dette extérieure, de la bonne santé du Fonds de régulation des recettes, des réalisations d'usines, de rames de tramways et de cabines de téléphériques, de km d'autoroutes, des augmentations des salaires et de la consistance des primes? Il n'est question, dans toutes les discussions aux «Cafés du commerce» du coin et aux permanences syndicales, que de recettes pétrolières et gazières, de recettes hors hydrocarbures, de taux d'inflation et de taux de chômage, maîtrisés ou non, de rappels de salaires, de crédit à la consommation? Il n'est question que de postes de travail créés et de logements distribués? de crédits alloués et de vaches ou de véhicules importés. Pour emprunter à un chroniqueur de la nouvelle vague journalistique (bien plus jeune que Boukrouh N. qui avait parlé, lui, d'ailleurs rapidement lynché médiatiquement comme il se doit, de «ghachi»), nous avons, depuis plus de deux décennies, un «Etat donneur» et un «peuple receveur», un Etat caissier assis et un peuple? assis lui aussi ? et, de plus, voyageant quasi-gratuitement. Le privilège (sic !) des rentiers ! A la moindre baisse du prix du baril de pétrole (décidée en un «ailleurs» indéfini, belle excuse pour éviter les explications ou son incompétence à prévenir les risques), c'est la panique ; panique proportionnelle aux «largesses» déjà consenties ou espérées. Mais, une panique désormais ingérable, avec la descente accélérée et anarchique (sous contrôle, disent-ils) vers des déficits structurels, les décideurs étant trop habitués, depuis près de deux décennies à vivre et à «gérer l'opulence», et les citoyens habitués à en profiter? la générosité (re-sic !) des premiers encouragée par le silence des seconds? et vice versa ; une bonne partie de l'élite y compris. Avec l'émergence de mafias «en haut» et de gangs «en bas», les deux parfois associés ou encouragés par les affairistes «du dehors» ! Hizb frança, hizb arabo-oriental, hizb les conteneurs, hizb les cabas? kif-kif, l'argent et les «business» n'ayant plus que la même odeur, celle d'un haram désormais halalisé et presque labellisé. Pourvu que ça dure ! Bien sûr, le pays construit, s'équipe, forme, produit. Indubitable? Il grandit, il croît. C'est sûr. Cela se voit. Mais, le pays ne p.r.o.g.r.e.s.s.e pas. Des centaines milliards de dollars investis (dépensés ?), des think tanks par ci, par là, des brainstormings à tout-va, des séminaires et des congrès internationaux avec des invités étrangers ( souvent bien plus arnaqueurs que nos «experts» en «ciel» et/ou en «affaires» ) dormant et mangeant gratuitement aux «frais de la princesse Algérie», des contrats de gré à gré ou «négociés» sans transparence ni bilans finaux, des (anciens) managers, ministres de l'industrie, de l'économie et des finances qui ont tout dit et tout compris lors de leur passage au pouvoir et tout le contraire lorsqu'ils en ont été éjectés, des milliardaires sortis d'on ne sait où, une économie informelle qui flamboie et l'autre, formelle, qui «merdoie», des espaces «non gouvernés» qui pullulent? Il n'y a qu'à voir la liste des classements internationaux du pays dans tous les secteurs. Seul le football échappe à la dérive? et, encore, dans une atmosphère de «guerre», nos mignons petits fennecs (qui ont survécu à des siècles et des siècles de catastrophes naturelles et résistants comme pas un) transformés, par des plumes et des animateurs de télés déjantés, en «guerriers du désert»? importés ou exportés-importés, faut-il le redire, avec tout le respect dû à leur talent et leur amour du pays ! Grâce à la manne financière, tout a baigné dans l'huile. Même les mouvements sociaux se turent très rapidement avec un arrosage savamment orchestré. Tant mieux? pour la paix sociale et pour l'Ugta ! Entre-temps, la production stagnait ou, bien plutôt ne croissait pas au rythme et à l'ampleur attendus pour permettre un décollage réel du terrain bourbeux du sous-développement économique. L'argent ne fait pas le bonheur et le progrès. Bien qu'il y contribue, mais bien investi (et non simplement dépensé), il fait (seulement) la croissance. On voit, de nos jours encore, des pays pourtant bien «riches», assez «industrialisés» (sic !). Mais, ils demeurent peu industrieux (sauf dans l'import-export) et encore «arriérés», avec des pratiques politiques, sociétales et/ou religieuses quasi moyenâgeuses. A l'Est (et à l'Ouest) toute (Israël y compris) ! On en est encore aux guerres (ouvertes ou cachées) de religions pour certains et aux chocs des civilisations pour d'autres. Que l'argent de la rente pétrolière ou des «aides» multiformes des «pays bien ?intentionnés » disparaisse, et, pour paraphraser le roi Fayçal d'Arabie saoudite (citation empruntée à un récent article de Ammar Belhimer), «les prochaines générations risquent fort et ne plus rouler en Cadillac et d'être à nouveau à dos de chameau». Faut-il donc qu'il y ait autre chose pour faire, en urgence, de la croissance matérielle du pays, existante ou à venir ou promise, une société de progrès capable de la «booster» continuellement pour en faire une société qui n'ait plus la «haine de soi» et qui suscite l'admiration des autres (si l'on met de côté le musée du Moudjahid ; l'histoire du combat libérateur d'hier n'ayant plus rien à voir avec le combat émancipateur d'aujourd'hui, et encore moins avec les défis de demain ) : Un niveau culturel et intellectuel appréciable et apprécié tant par ses citoyens que par le monde, un système éducatif ouvert sur l'universel et les sciences, une pensée libre et scientifique, libérée et critique, un humanisme toujours compréhensif, des sens libérés, un esprit optimiste et non déprimé continuellement, qui accepte le doute, la critique et la réflexion? bref, tout ce qui fait une vie réellement démocratique avec un citoyen au centre de la société et non en sa périphérie? un citoyen, et surtout des chercheurs et des écrivains?, bref tous les intellectuels vrais, à l'abri de toutes les polices de la pensée et loin des «policiers» des âmes, de droite comme de gauche ou du centre. Hélas, on en a vu ces derniers temps de bien pernicieuses et d'assez dangereuses. Trois fois hélas, elles sont surtout «civiles» («la main du pouvoir ?»)... allant du pseudo-imam à l'association de quartier ou sportive ou tribale ou de zaouia, en passant par l'intellectuel se disant «progressiste» et se voulant nationaliste et par les syndicats et les lobbies corporatistes de toutes sortes. Toutes surprenantes car inattendues, insaisissables car inconsistantes et peu contrôlables car informelles. Et toutes insultant et menaçant (pour ne pas dire presque toutes appelant à tuer) bien plus qu'argumentant. Hélas, notre société (qui a vu, ces dernières années, les «espaces non gouvernés» se multiplier avec la croissance démographique, avec l'éparpillement des populations dans le cadre du relogement et avec une économie faite de «souk» incontrôlés bien plus que de marchés organisés) est encore bien loin d'une société de progrès, avec même des impressions de reculs ou de valses-hésitations, comme si elle était encore toute à la recherche de ce qu'elle voudrait être, ne sachant pas encore ce qu'elle est . Un pays à l'image de sa société. Une société à l'image de ses hommes. Des hommes à l'image de leur intellect (leur morale y compris). Leur intellect à l'image de leur niveau culturel. Et, pour conclure, deux citations très récentes, celle d'un intello' et celle d'un entrepreneur : «L'avènement d'une Algérie de l'intelligence qui tourne le dos à la rente est la seule façon pour l'Algérie de tenir son rang, sinon la somalisation nous guette» (Chems Eddine Chitour, L'Expression, lundi 29 décembre 2014). «En subissant cette crise, l'Algérie va peut-être pouvoir se remettre en cause, et inventer un nouveau mode de développement » (Reda Hamiani, lundi 29 décembre 2014, en marge de l'Ag du CncPme) Entre le pessimisme de l'un et l'optimisme de l'autre, pour tous les non-fatalistes, l'espoir fait (sur-) vivre ! |
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