Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La vraie menace sur la sécurité du pays

par Kamel Daoud

Effet de loupe des Algériens sur le cas du Burkina Faso : le président à vie y a subi « un coup d'Etat populaire ». La formule vaut pour ces putschs qui utilisent la bêtise d'un monarque, un peuple qui en est lassé, pour faire prendre le pouvoir par l'armée. Leçon égyptienne, apprise sur le cadavre algérien des années 90. Les Algériens y ont retenu le reflet mortifère de leur condition de peuple licencié avec indemnités larges : le mandat à vie est refusé au Burkina Faso. Cela laisse l'Algérie seule face à son cas. Le seul endroit au monde où on a voté pour un poster et dix rabatteurs de foules.

Et ensuite ? L'insécurité au Burkina. Et justement c'est sur cette corde que joue le régime. La peur unit le peuple, désormais, mieux que le désir de l'indépendance, celui de marcher sur la lune ou celui d'être le dragon de l'Afrique. Dans son message, le président épistolaire, l'a bien résumé : l'Algérie est menacée dans sa sécurité. Comprendre : la sécurité c'est moi, mon immobilisme, mes murmures et mon mandat à vie même après la mort de tous. Comprendre : si vous bougez, vous serez mangés. Au 60eme anniversaire de la guerre de libération, le régime, rusé et malicieux, n'a pas choisi de vous rappeler les valeurs de la Liberté, le glorieux désir d'avoir une terre à soi, mais la « Sécurité ». C'est à dire la nécessité de ne pas changer les choses. De ne toucher à rien, de rester immobile car l'ennemi est partout ailleurs, autour, dedans.

Vrai ? Faux. Il faut décortiquer le lapin mécanique : la sécurité du pays est certes menacée mais elle l'est aussi et surtout par le régime et sa nature fourbe. Quand un régime ne bouge pas, refuse les transitions, le dialogue, perpétue sa caste et sa race, mange la terre et tue le temps, ruse avec les réformes et en arrive à élire une photo d'identité à la place d'un Président valable et en état de fonctionnement, il en devient lui-même facteur d'insécurité. La colonisabilité externe commence par les dictatures internes. C'est un effet d'appel connu. On n'attaque pas un pays démocratique, solide et où l'Etat est construit sur le consensus de la majorité. La sécurité algérienne est menacée par-delà ses frontières et on le sait : des pays ont aujourd'hui les frontières tracées au crayon et l'Empire aime être cartographe avant d'être un ami. Mais la sécurité est menacée par les corruptions stratégiques, les malversations, la tricherie sur le béton et l'appel d'offre, la gabegie, le sous-développement et la bêtise. La sécurité de l'Algérie est menacée par les siens, par cette façon de gérer l'argent de nos ressources, par ces faramineuses dépenses au but d'acheter des sursis sociaux, par le choix de Val-de-Grâce en France avec la plus grande mosquée en Algérie, par le FLN comme parti unique alimentaire, par les nouveaux oligarques autour de la Présidence et par la faiblesse d'un régime qui en arrive à être pris à la gorge par ses propres policiers. C'est cela l'insécurité. L'actualité, ce parent bref de l'histoire le démontre chaque jour : les régimes durs, les dénonciateurs en chef, sont les pires ennemis des pays libérés. La plus grande menace contre la libération est la confiscation des libertés et les mandats à vie. Cela vous fabrique des peuples veules et désordonnés, des régimes vieillots et sourds et des guerres civiles et des sous-développements ravageurs et donc de l'impuissance face aux pays prédateurs. C'est cela la vraie menace sur nous.

Le reste, c'est du blabla.