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Régulièrement, au lendemain de
la mort atroce d'une victime innocente assassinée par quelque meurtrier
marginal ou psychopathe, des voix s'élèvent pour réclamer la peine de mort,
autrement dit la mise à mort juridiquement légalisée, appliquée par l'État
détenteur du monopole de la violence physique légitime.
En Algérie, au lendemain du sordide meurtre de la jeune Chaïma, retrouvée le 2 octobre 2020 violée et brûlée vive dans une station-service abandonnée de Thenia, à l'est d'Alger; ce crime avait provoqué une véritable onde de choc dans tout le pays. Ce crime avait réactivé le débat sur la peine de mort, qui n'est plus appliquée depuis dix-neuf ans, consécutivement au moratoire décrété en 1993. Le président Abdelmajid Tebboune était même intervenu pour ordonner «l'application de peines maximales à l'encontre des personnes jugées pour les crimes d'enlèvement d'enfants». Jamais la peine de mort n'a enrayé les meurtres Le meurtre de Chaïma avait constitué, une nouvelle fois, l'occasion pour les médias algériens de remettre à l'ordre du jour le débat sur la peine de mort. Comme à chaque débat outrancièrement hystérisé, tendancieusement instrumentalisé, médiatiquement canalisé sur le registre émotionnel, puérilement emmailloté par les dogmes religieux islamiques, la revendication de la peine de mort et de son application constitue l'expression d'un «exutoire populiste» par où s'évacuent les purulences politiques de la détresse sociale, se déversent les abcès idéologiques et islamistes d'un contexte historique caractérisé par la crise économique et institutionnelle. En Algérie, à chaque nouveau meurtre d'enfant, les médias, comme une certaine frange de la classe politique notamment d'obédience islamiste, montent au créneau pour se faire les porte-voix du front antiabolitionniste. La revendication de l'application de la peine de mort est leur fonds de commerce, qu'ils comptent rentabiliser au plan électoral et confessionnel. À cet égard, sur ce chapitre de la peine de mort, la religion islamique est toujours convoquée pour justifier et légitimer son application. Dans les médias et l'opinion publique, une locution est fréquemment brandie en guise d'étendard pour réclamer la «sentence populaire vindicative» : al-kasas (loi du talion). «Consacrée» par la religion, al-kasas est admis comme châtiment coranique juste et légitime contre les meurtriers. D'aucuns réclament l'exécution en public des assassins, comme cela se pratique en Arabie saoudite, pays où la peine de mort est un sport monarchique national, opéré dans le cadre d'une exécution festive collective. Curieusement, ce débat était relancé au même moment où, dans la Tunisie voisine, un fait divers avait également fait resurgir la question de la peine de mort. En effet, le président Kaïd Saïed avait déclaré être favorable à l'application de la peine de mort. Cette déclaration avait suscité l'indignation des défenseurs des droits de l'Homme, estimant qu'il s'agit là d'un bond en arrière. Ainsi, en Algérie, comme dans d'autres pays, face à tout meurtre, d'aucuns veulent appliquer la loi du talion. Curieusement, ces mêmes bonnes âmes s'accommodent sereinement des morts, des massacres provoqués par la misère, les famines, les répressions étatiques, les guerres. Elles ne s'indignent jamais, encore moins elles ne réclament la tête des dirigeants criminels, responsables de la misère sociale, des famines, des guerres et, ces dernières années, des millions de morts de Covid-19 provoqués par la gestion sanitaire criminelle des gouvernants de la majorité des pays. Nous recommandons à ces redresseurs de torts qu'au lieu de s'improviser justiciers en vue d'assouvir, par bourreau interposé, leurs instincts meurtriers pour «venger la mort» d'innocentes victimes, ils feraient mieux de réserver leur colère, leurs ressentiments, leur haine, depuis trop longtemps enfuis et contenus dans le tréfonds de leur âme meurtrie, à des causes plus nobles, socialement légitimes. En effet, la revendication de la peine de mort est l'œuvre d'âmes viles et de personnalités serviles. On n'ôte pas la vie de quelqu'un parce qu'il a eu la faiblesse de succomber au meurtre. Pour l'ensemble des organisations humanitaires, comme pour le mouvement ouvrier, la peine de mort constitue un châtiment cruel et inhumain. Prendre une vie, que ce soit au moyen de la pendaison, de l'électrocution, de la décapitation, d'un tir d'arme à feu ou d'une injection létale, de sang-froid, est un acte barbare. «Exécuter un criminel, c'est faire comme lui, c'est se déshumaniser» Comme l'a écrit Karl Marx : «Il est difficile, sinon impossible, d'établir un principe qui justifierait et défendrait la peine de mort dans une société fière de sa civilisation. La peine (de mort) n'est en réalité qu'un moyen de défense employé par la société contre une violation quelconque de ses conditions vitales. Quelle est donc misérable, cette société qui ne connaît d'autre moyen de défense que le bourreau, et qui fait proclamer sa brutalité comme loi éternelle» ! Au reste, jamais la peine de mort n'a fait cesser les meurtres. La preuve par les États-Unis : en dépit de l'application systématique de la peine de mort, ce pays, au modèle libéral criminogène, détient le sinistre record mondial des taux d'homicides et des massacres de masse, ces fusillades qui défrayent régulièrement la chronique mondiale. Selon les statistiques publiées par la police fédérale (FBI), les États-Unis ont enregistré plus de 21.500 homicides en 2020, soit près de 59 par jour. Un grand nombre de ces homicides est perpétré par des enfants âgés de 10 à 19 ans. Depuis 2012, il y a eu 3.865 fusillades de masse. Cette année, depuis le début de l'année 2022, presque 220 fusillades sont survenues aux États-Unis. Soit plus d'une fusillade par jour. L'an dernier, il y a eu 692 fusillades. Les États-Unis constituent, parmi les pays «en paix», la nation où le risque de mourir d'une arme à feu ou dans une tuerie de masse est le plus élevé au monde. 25 mineurs meurent chaque semaine par balle et 91% des enfants tués dans le monde par des armes à feu, le sont aux États-Unis. Ainsi, l'application du vaccin (létale) de la peine de mort n'endigue nullement la propagation du virus du crime. Cet implacable constat sociologique est validé par l'écrivain algérien, Rachid Boudjedra. Dans une chronique publiée le 16 août 2016 dans un journal algérien, Boudjedra avait écrit : «Exécuter un criminel, c'est faire comme lui, c'est se déshumaniser quelque part et finir par lui ressembler. Mais ce qui est important, c'est de se demander pourquoi notre société produit-elle de tels monstres ?». En outre, «l'exécution de ces infrahumains et qui ont perdu le contact avec eux-mêmes, d'abord, n'a jamais été efficace. Et dans toute l'histoire de l'humanité, jamais la peine capitale n'a fait cesser les meurtres les plus horribles et les assassinats les plus abjects.» «Quelque part, nous aussi sommes responsables de ces malheurs qui nous tombent quotidiennement sur nos têtes. Parce que nous sommes souvent lâches, indifférents à la misère des autres et à l'injustice sociale banalisées. Parce que nous sommes devenus égoïstes, matérialistes et inciviques. Et à la longue, c'est nous-mêmes qui créons chaque jour nos propres monstres» ! Fondamentalement, toute la société a sa responsabilité dans la commission du crime. Y compris le juge. En effet, la société, comme le juge qui condamne, n'est-elle pas fautive dans la commission du crime ? La société, par sa légitimation de l'inégalité sociale, n'a-t-elle pas favorisé l'émergence des déviances, n'a-t-elle pas toléré la reproduction des conditions sociales du crime, objectivées par la misère, l'exploitation, la concurrence, la violence ? Ce sont ces fondements inhumains de la société qui produisent systématiquement la délinquance et le crime. C'est la société qui faillit à l'éducation sociale du délinquant et du criminel. Le mal n'est pas d'abord dans l'homme, mais dans les conditions sociales criminogènes inhérentes à la société capitaliste fondée sur l'exploitation et l'oppression, c'est-à-dire les inégalités sociales, la paupérisation, l'exclusion sociale (chômage, relégation résidentielle de couches défavorisées, ségrégation urbaine de populations immigrées dans les pays à forte immigration, ces véritables fabriques des marginalités et des déviances). Ces anomalies sociales engendrent l'anomie, autrement dit désordre social et chaos. La société de classe, notamment les gouvernants, préfère idéologiquement mettre sur le compte de la seule personnalité du délinquant l'existence des crimes. A suivre |
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