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Tous
les États, en période de ralentissement de l'économie, quand ils sont à court
d'argent, utilisent l'instrument monétaire. Soit ils se tournent vers les
marchés monétaires domestiques pour procéder à des emprunts, ce qui ne
satisfait pas toujours puisque les emprunts ne peuvent aller au-delà d'une
certaine limite des possibilités du secteur bancaire intérieur ; le marché
domestique saturé ne dispose pas assez de fonds et les marchés extérieurs se
ferment par crainte de non-recouvrement de leurs créances. Soit, en dernier
recours, ils se tournent vers leurs Banques centrales pour demander ce qu'on
appelle des «avances», en échange de titres d'Etat, généralement des bons de
Trésor de différentes maturités.
Evidemment, un excès de demandes d'emprunts du Trésor aux Banques centrales se traduit par un excès de création monétaire, et donc de l'inflation. Et à pratiquer l'inflation, un Etat ruine les particuliers pour permettre à l'État de «tenir» aux impératifs essentiels du budget de la nation. A savoir que les Etats construisent des routes, des ponts, des ports (ou les modernisent), des barrages, des écoles, des universités, des hôpitaux, etc., en réglant une grande partie de ces dépenses par la «planche à billet». Cependant, cette construction bien qu'elle n'a coûté pour l'Etat que l'inflation et beaucoup aux générations d'aujourd'hui par la hausse des prix, profitera néanmoins aux générations de demain. Il faut aussi souligner qu'un ralentissement peut être conjoncturel, et une relance de l'économie peut diminuer voire effacer le déséquilibre budgétaire. Mais si le ralentissement se poursuit et ralentit les recettes fiscales pour la couverture des dépenses publiques, de nouveau le déficit budgétaire fait apparaître un nouveau besoin de financement ; s'enclenche ainsi une «spirale inflationniste-dévaluationniste». En effet, un recours à la «planche à billet» se traduit forcément par une spirale augmentation prix-augmentation salaire, et une dévaluation de la monnaie. Cette spirale a caractérisé tant les pays européens dans les années 1970 suite aux chocs pétroliers que les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud. La hausse des prix du pétrole (inflation importée) et la monétisation des déficits commerciaux par les pays détenteurs de monnaies internationales ont bouleversé l'équilibre économique mondial. Les déficits cumulés depuis les années 1970 et surtout les années 1980 avaient produit un effet boule de neige sur la dette publique extérieure des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud, qui a atteint un niveau tel que la charge du remboursement échelonné dépassait les ressources fiscales nécessaires pour la résorber. D'autant plus qu'à la dette de l'Etat venaient s'ajouter celle des collectivités locales, de la sécurité sociale et de divers organismes et le tout formaient la dette publique totale. Les États surtout les pays du reste du monde non détenteurs de monnaies internationales se retrouvaient à créer de la dette pour couvrir leurs déficits et assurer le «service de la dette», i.e. le paiement des intérêts et le remboursement du principal arrivant à échéance à l'Occident créancier. Dans les années 1990, il faut rappeler le retournement de l'histoire sur le problème des déficits et la dette publique. La plupart des pays industrialisés (OCDE) avaient pour ordre du jour la réduction des déficits budgétaires. Tous les pays en développement y compris les pays avancés devaient réduire leurs dépenses publiques ; le blocage de l'économie mondiale par l'endettement mondial, l'éclatement du bloc Est qui a suivi à la fin des années 1980, la profonde dépression de l'Afrique, de l'Amérique du Sud, d'une partie de l'Asie et bien entendu la récession des pays du bloc de l'Est se sont à la fin soldés par une crise financière au Japon et une double récession aux États-Unis et en Europe dans la première moitié des années 1990. Tous ces facteurs récessifs ont introduit une nouvelle donne, un passage obligé pour une sortie de crise : un ajustement structurel planétaire dans les décennies qui ont suivi les deux chocs pétroliers. L'Europe y était déjà engagée par le traité de Maastricht. Les pays européens devaient se conformer au critère d'un déficit ne dépassant pas 3% du PIB et d'une dette publique ne dépassant pas 60%. Ainsi, la rigueur budgétaire a pris le relais de la restriction monétaire. De leur côté, les Américains se sont également engagés sur la voie de l'orthodoxie budgétaire. L'objectif de retour à l'équilibre budgétaire a donné lieu à un excédent budgétaire en 2000. Quant aux pays en développement soumis à l'ajustement structurel, celui-ci apparaissait comme la meilleure voie de sortie du cercle vicieux de l'endettement qui risquait de les conduire à une diminution de l'indépendance dans la conduite de leur politique monétaire et financière. Une décennie et demie passa où l'Amérique vit son âge d'or avec la «Nouvelle économie», i.e. les valeurs technologiques (informatiques et télécommunications) qui ont constitué avec Internet une «troisième révolution industrielle». Elles ont permis de créer des dizaines de millions d'emplois aux États-Unis et dans le monde. La Chine vit aussi son âge d'or au cours des décennies 2000 et 2010, elle devient l'«atelier du monde» dans les microprocesseurs, l'automobile, le textile? comme naguère fut l'Amérique après le deuxième conflit mondial. L'Inde n'était pas en reste, elle devenait le premier producteur mondial de logiciels. Le doute est donc permis quant au comment l'Occident pourrait encore façonner le monde ; force de dire que la roue de l'Histoire était en train de tourner, le progrès s'étendant progressivement au monde émergeant. C'est dans cette période de faste dans toutes les régions du monde que fit irruption la crise financière de 2008. Elle fut précédée, en 2007, par la crise immobilière (subprimes) aux États-Unis. La crise financière qui apparut au début de l'été 2008 fut brusque et dévastatrice ; ses conséquences étaient immédiates ; elle détruisit entre 2007 et 2008 selon des données occidentales quelques 25 000 milliards de dollars de capitalisations boursières dans le monde. D'autres données font état de 50 000 milliards de dollars. De chiffres extravagants qui équivaudraient à une destruction équivalente ou plus du PIB mondial. Comment pareil phénomène a-t-il pu se produire ? L'économie américaine s'est pratiquement arrêtée en septembre 2008. Le premier phénomène constaté est qu'une grande partie des liquidités internationales créées par l'Occident depuis l'annulation des déficits courants américains au début des années 1990 était allée s'investir dans les pays émergents surtout en Chine. Les excédents commerciaux et investissements occidentaux ont explosé dans les pays émergents. Qui plus est ce ne sont pas seulement les liquidités internationales essentiellement occidentales mais aussi une grande partie de l'industrie occidentale qui s'est délocalisées en joint-ventures dans les pays en particulier asiatiques et sud-américains. Quant aux pays exportateurs de pétrole, ils ont accumulé des excédents commerciaux considérables. Il était évident que la résilience du système économique, financier et monétaire façonné par l'Europe et les États-Unis, depuis les Accords de Bretton Woods de 1944, ne pouvait tenir comme dans les années des Trente Glorieuses. Cette situation unique dans l'histoire, à partir de 2008, ne laissa pas d'autres alternatives aux États-Unis et à l'Europe, sinon de créer massivement des liquidités internationales, durant près de deux décennies, pour «reconstituer de nouveau l'armature financière et monétaire internationale» d'avant. D'autant plus que cette dévastation de l'économie occidentale était prévisible, et s'est opérée au prix d'un long déclin de l'économie productive de l'Occident, qui perdait lentement mais sûrement l'initiative face à la compétitivité de l'Asie, de l'Amérique du Sud et de la Chine. L'armature du système financier et monétaire international dominé par l'Occident qui reposait sur les quatre piliers qu'étaient le dollar US, l'euro, la livre sterling et le yen devait repartir sur de nouvelles bases, rompre avec les méthodes monétaires classiques et procéder à des politiques monétaires massives, «extraordinaires», pour reconstituer le système financier et monétaire international, il faut le dire en perdition avec la double crise immobilière et financière entre 2007 et 2008. Il n'y avait pas d'autres solutions, il fallait «armer, bétonner» les piliers du système financier sinon l'économie occidentale allait sombrer dans la plus grave crise économique en entraînant le monde entier à sa suite. Le monde retomberait de nouveau dans la dépression des années 1930 et probablement en plus grave. On comprend pourquoi les Banques centrales des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la zone euro, du Japon, en parfaite concertation, ont injecté massivement des capitaux pour sauver leurs systèmes bancaires respectifs qui, interconnecté, ne formait en fait qu'un seul et même système : le système économique, financier et monétaire international. Que serait la Chine avec ses trois ou quatre mille milliards de réserves de change en dollars, euros, livre sterling, yen? sans un système financier international fiable ? Et cela passait par des mesures d'urgence, précisément des plans de sauvetage, de relance et de soutien à la relance de leurs économies qui se sont opérés à coup d'injections monétaires massives qui étaient non seulement nécessaires pour les États-Unis et l'Europe mais dans l'intérêt du monde entier, dépendant de ces liquidités internationales. Ceux qui voyaient négativement les politiques monétaires appelées pudiquement «assouplissement quantitatif non conventionnel ou Quantitative easing (QE)», opérant depuis 2008, comme de l'«argent gratuit», se trompaient sur toute la ligne. Ou que ces QE renforçaient la spéculation sur les marchés boursiers se trompaient encore. La spéculation est inhérente à la nature de l'homme, l'homme cherche toujours à faire des gains ; sans cette volonté de placer, d'investir en Bourse, dans des projets et ailleurs, il n'y a pas d'économie. Quant à l'«argent gratuit», certes qu'il le fut, il demeure qu'il a anticipé la création de richesses ; il permettait de doper la consommation aux États-Unis et en Europe qui est nécessaire pour accompagner les entreprises productives occidentales, le déstockage ; il relançait l'investissement ; il permettait les dépenses budgétaires pour la couverture sociale, ce qui n'a pas de prix pour la paix sociale ni pour la subsistance des ménages qui ont perdu leurs emplois. Toutes ces dépenses concouraient à combattre la dépression que les gouvernements entrevoyaient dans la forte montée du chômage, des salaires qui baissaient, partout l'État prônait l'austérité. Et cela du fait de la perte de compétitivité face au faible coût de la main d'œuvre en Asie. Cependant l'Occident comme l'Asie, l'Amérique du Sud ou l'Afrique sont tous solidaires et relèvent du même système monétaire international, et peu importe que ce système soit dominé par l'Occident ; tout dépend de l'urgence des mesures prises dues aux exigences de la conjoncture économique du moment. Comme d'ailleurs on le constate, les quantitative easing, par le biais de l'absorption occidentale, ont soutenu les pays du reste du monde. Les pays du BRICS, au-delà des récriminations des autorités de la Chine et du Brésil contre les QE, n'ont pas cessé de rechercher cet «argent gratuit», ils en tiraient un «bénéfice incalculable». Les pays d'Afrique et du Moyen-Orient, exportateurs de pétrole et de matières premières, tiraient également bénéfice de ces injections monétaires occidentales. Leurs exportations s'appréciaient parce qu'ils constituaient la contrepartie physique directe des injections monétaires en dollars US. En d'autres termes, les matières premières en particulier l'«or noir» exporté que se disputaient les grandes puissances jouent un rôle central dans les émissions monétaires ; il sert de «substitut à l'étalon-or métal» de l'ex-système Bretton Woods. Une question se pose sur les politiques monétaires d'assouplissement quantitatif. Comment se fait-il que le Premier ministre grec Antonis Samaras a exhorté une nouvelle fois, au mois de décembre 2013, la zone euro à confirmer au début de l'année prochaine une nouvelle réduction d'une partie de l'énorme dette de son pays. Il faut rappeler qu'en 2012, les ministres des Finances de la zone euro avaient convenu qu'une nouvelle réduction de la dette de la Grèce serait possible si le pays respectait les modalités de son plan de sauvetage et réalisait un excédent primaire (hors coûts du service de la dette). La Grèce était sous perfusion financière par ses partenaires européens et du Fonds monétaire international (FMI) depuis 2010. Six années de récession continue, et la Grèce espérait réaliser un léger excédent primaire en 2014. La Grèce avait déjà bénéficié d'un montage complexe, en début d'année 2012, de107 milliards d'euros, soit plus de la moitié de la dette. Il est évident que si les réformes n'étaient pas opérées, les pays en difficultés comme l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, voire l'Italie pourraient prétendre aussi sur une telle annulation et laisser filer leurs déficits, ce qui amplifierait la crise et toucherait évidemment de proche en proche les autres pays de la zone. Cependant sans moteur de relance dans la zone euro, les politiques d'austérité ne seront tout au plus qu'un moyen pour tenir l'économie hors de l'eau. Ce sont tout au plus des économies de subsistance, qui n'apporteront pas la croissance. Si, comparativement à l'Europe, on regarde le mécanisme de soutien monétaire à l'économie américaine, on constate que la Banque centrale américaine ou Réserve fédérale (Fed) a injecté depuis 2008 des masses considérables d'argent dans le cadre du QE1, QE2, opération twist et QE3. Plus de 6000 milliards de dollars ont été injectés entre 2009 et 2012, faisant passer la dette publique américaine de 10 025 milliards de dollars fin 2008 (72% du PIB) à 16 394 milliard de dollars en décembre 2012, soit près de 100% du PIB. Dans le cadre du programme QE3, la Réserve fédérale a injecté 85 milliards de dollars par mois dans l'économie, soit plus de 1000 milliards de dollar par an. Ce n'est qu'au mois de décembre 2013 que la Réserve fédérale a annoncé une «diminution de 10 milliards de dollars dans ses injections par mois», portant le soutien à l'économie à 75 milliards de dollars, et ainsi de suite mensuellement une même diminution ; en septembre 2014 s'est opéré l'extinction du QE. Ces injections passaient par le rachat des bons de Trésor et des titres hypothécaires, ce qui a allégé considérablement les bilans des banques privées de créances à risques et de titres-dettes de l'Etat. Les capitaux injectés ont permis en retour au système bancaire de financer l'économie américaine, i.e. les dépenses publiques et privées. Et ces grâce à ces QE et la manne financière injectée que le taux de chômage aux États-Unis est passé de 10% à 7% en 2014. Les rachats des bons de Trésor opérés par la FED ont permis de maintenir les taux longs à un cours faible et stable, ce qui a allégé le service de la dette publique intérieure et extérieure américaine. L' «opération twist» a consisté à vendre de nouvelles émissions de bons de Trésor US sur le marché bancaire et, en échange des capitaux retirés, racheter les bons de Trésor venus à maturité. L'opération twist n'est pas un quantitative easing proprement dit puisqu'i n'y a pas eu création monétaire mais simplement un échange de bons de Trésor anciens par des nouveaux. Une question de fond, cependant, reste : «quelle est la destination des bons de Trésor rachetés par la Réserve fédérale américaine ?» Sont-ils détruits ? Et cela concerne tous les rachats de dettes publiques US par les QE1, QE2 et QE3, et donc les bons de Trésor et les titres hypothécaires. En clair, que deviennent les bons de Trésor et titres hypothécaires retirés du circuit bancaire contre les injections monétaires opérées par la FED ? Si pour les titres hypothécaires, le problème ne se pose pas, puisque dès que les biens immobiliers reviendraient progressivement à leur valeur d'avant la crise hypothécaire et se seraient même revalorisés, la Banque centrale américaine pourrait de nouveau les revendre et même avec des bénéfices ; elle réduirait ainsi la taille de son bilan. En revanche, se pose la question sur les bons de Trésor rachetés. Qu'en sera-t-il des bons de Trésor (venus ou non à maturité) qui sont inscrit sur les livres au compte du Trésor américain ? Doivent-ils retourner au système bancaire pour dégonfler le bilan de la Banque centrale américaine ? Une telle opération ne fera qu'annihiler le soutien que la FED aura apporté aux banques américaines depuis plus d'une demi-décennie. Elle créera certainement une crise bancaire. Aussi peut-on considérer que, si les titres publics restent toujours inscrits dans les bilans de la Banque, dès lors qu'ils ont été rachetés par la Réserve fédérale, leur rachat équivaut à une destruction de ces bons de Trésor, et donc une diminution de la dette publique. D'autant plus que les créances de dettes publiques que la Fed détient ont été émis par le Trésor américain ; et donc c'est au Trésor américain de racheter la dette publique qu'il a émis. Or, le créancier est la Fed sur le Trésor US qui lui est endetté vis-à-vis de la Fed, mais tous deux représentent l'État américain. En clair cela signifie que l'État s'endette sur lui-même, il est à la fois le créancier et le débiteur. Et cette partie de la dette publique inscrite au bilan de la Fed n'est plus détenue par les banques, les ménages et les non-résidents (étrangers). Et c'est là le paradoxe. Cette destruction n'apparaît pas dans les écritures comptables et peu importe, à notre sens, qu'elle reste dans le bilan de la Fed, tôt ou tard une décision sera prise, et la plus probable, son effacement avec le temps long. L'essentiel est que la monétisation de la dette publique américaine n'ait pas eu de conséquence négative sur le plan économique, surtout qu'elle s'est opérée de manière concertée avec les autres puissances émettrices de monnaies internationales et de plus elle était «déflationniste», donc pas d'inflation. C'est tout ce faisceau de causes issues d'une conjoncture internationale difficile, marquée par la décroissance économique mondiale, en 2008, qui a amené la Réserve fédérale et les autres Banques centrales occidentales à procéder à des rachats massifs de la dette publique. Sans ce processus dicté par la conjoncture économique internationale, l'Occident et le monde se seraient dirigés vers la plus grave crise et dépression économique, aussi grave que le fut la Grande dépression des années 1930. Le même processus de QE a joué pour les autres grands pôles financiers du monde, détenteurs des monnaies de réserve du monde, par l'effet de balancier sur le plan monétaire. On comprend pourquoi, à l'époque, «le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, à l'époque, n'a pas hésité pas à déclarer qu'il était prêt à créer un fond de 1000 milliards d'euros pour acheter toutes les dettes souveraines des Etats de la zone euro.» D'ailleurs dans un point sur la situation économique de la zone, Mario Draghi restait optimiste et anticipait une croissance de 1,5% pour la zone euro. Idem aux États-Unis, les médias faisait état d'un taux de croissance de 4,1% au troisième trimestre 2013. La situation s'améliorait avec les «abenomics» au Japon, comme pour la Grande-Bretagne, la Suisse. Ainsi se comprend pourquoi les quantitative easing ont été d'une contribution majeure à l'économie occidentale, et par ricochet à l'économie mondiale. Et ce processus entamé à partir de 2008 va continuer en début de l'année 2020, avec l'irruption de la pandémie Covid-19. Le monde entier faisait face au virus du coronavirus qui ne cessait de s'étendre à toutes les régions du monde. Si le monde entier était affecté par la pandémie, de nouveau la clé de voûte a été les États-Unis, seuls en mesure de «réanimer» l'économie mondiale. Et tout va venir de la première puissance mondiale. Il faut rappeler que la Fed, en plein recul boursier dû à la pandémie, a abaissé, le 3 mars 2020, d'un demi-point son taux d'intérêt directeur, évoluant désormais dans une fourchette comprise entre 1% et 1,25%, loin des 2,25% à 2,5% atteints en décembre 2018. Douze jours après, de nouveau, le 15 mars 2020, la Fed abaisse ses taux, et tout en se concertant avec les autres banques centrales, sans attendre la réunion de son comité de politique monétaire, abaisse d'un point son taux directeur ; le taux se situe désormais entre 0% et 0,25% ; elle annonce également qu'elle reprenait ses achats de titres sur les marchés, pour au moins 700 milliards de dollars sur les marchés (achat de 500 milliards de dollars de bons du Trésor et de 200 milliards de dollars de titres hypothécaires). Elle annonce par ailleurs une action coordonnée avec les autres grandes banques centrales pour fournir des liquidités en dollars aux marchés. Il est évident que l'heure était grave pour les États-Unis, pour que de gros moyens financiers devaient être mis en œuvre. Devant cet ennemi invisible qui frappait les États-Unis et mettait de plus en plus l'économie américaine en difficultés, les parlementaires américains ont débloqué dans un premier temps, le 5 mars 2020, un plan d'aide de 8,3 milliards de dollars pour financer la lutte contre le coronavirus. La situation pandémique allant en s'aggravant, ils ont approuvé, le 18 mars 2020, un vaste plan d'aide sociale de 100 milliards de dollars. Neuf jours après, la situation sanitaire continuant à s'empirer, le Congrès américain, le 27 mars 2020, vote un plan historique de relance de 2200 milliards de dollars pour l'économie. Ce plan est vite promulgué par le président Donald Trump. C'est dire le formidable pouvoir financier américain, cette fois-ci, il va financer surtout l'économie américaine, avec de nouvelles liquidités «fraichement émises» et qui ont besoin comme toujours des contreparties physiques (pétrolières et l'or) ; sans ces deux «piliers», impossible pour la Fed de financer de pareils montants sinon à provoquer un krach du dollar, au niveau mondial. Ces plans et programmes QE rappellent les plans historiques de sauvetage et de relance déjà votés en 2008, 2009, 2011 (plan Paulson?). L'Amérique, devenue l'épicentre de la pandémie mondiale, est passé d'un petit plan d'aide de 8,3 milliards de dollars à 2200 milliards dollars, après 22 jours. Les donnes mondiales ont été bouleversées ; «fini la déflation qui va progressivement s'estomper et faire place à l'inflation avec la montée du prix du pétrole, de l'or et des matières premières.» De même en Europe. Trois jours après la décision de la Fed d'injecter un QE de 700 milliards de dollars de rachats de titres, la BCE annonce, à son tour, le 18 mars 2020, un plan d'urgence de 750 milliards d'euros destinés à des rachats de dette publique et privée pour tenter de contenir les effets de la pandémie sur l'économie. Il s'ajoute aux 120 milliards d'euros annoncés par la BCE, le 12 mars 2020, en guise de mesure de soutien face au coronavirus pour l'économie de la zone euro. En rajoutant ses rachats de 20 milliards d'euros par mois depuis le 1er novembre 2019, l'enveloppe de 120 milliards d'euros débloquée du 12 mars 2020 et le plan d'urgence de 700 milliards d'euros, la BCE aura injecté 1150 milliards d'euros, en 2020. Mais la situation financière en Europe ne s'arrête pas là face à la crise du coronavirus qui a mis l'économie européenne dans une situation de confinement extrême. Ce qui retentit très négativement sur les entreprises et les ménages. Un autre plan de rachat de dette QE est mis en œuvre par la BCE. Elle annonce un programme de rachat de dette publique et privée «PEPP», déjà en cours depuis mars avec une enveloppe initiale de 750 milliards d'euros, et augmenté de 600 milliards d'euros et prolongé jusqu'à «au moins fin juin 2021», contre fin 2020 initialement. L'enveloppe totale passe, de mars 2020 à juin 2021, à 1870 milliards d'euros. Aux États-Unis, neuf mois plus tard, le 22 décembre 2020, le Congrès américain a approuvé un nouveau plan de soutien de 900 milliards de dollars pour aider les familles et les entreprises. La veille, les médias ont fait état que 14 millions de nouveaux chômeurs américains ont vu leur allocation expirer à minuit. C'est dire la situation catastrophique à laquelle est arrivée l'économie américaine ; les États-Unis comme l'Europe et le monde entier se débattaient dans une crise sanitaire qui ne s'arrêtait pas. N'est-ce pas là une «avancée majeure» dans la politique monétaire non conventionnelle. Un processus obligeant l'Occident à sauver leurs économies de la crise mais ce faisant, il sauve le monde entier. Bien entendu, nous n'entrons pas dans les considérations sur les «intrants» dans les quantitatives easing qui signifient que l'Occident s'est retrouvé obligé à mener ces QE, et donc qu'il était «forcé». S'il n'y avait pas eu ces conjonctures économiques difficiles, l'Occident serait resté dans les politiques monétaires classiques, donc conventionnelles, et surtout déflationniste avec un impact très négatif sur l'économie mondial. Le contrechoc pétrolier qui a débuté en 2014 a duré pratiquement six années ; ce n'est qu'avec l'irruption de la pandémie que l'Occident est revenu de manière franche aux quantitative easing, avec cette fois une montée de l'inflation. Force de dire que le monde est en train de changer surtout avec l'avènement du G20 en 2000. De plus, le yuan est devenu une monnaie internationale ; son rattachement au panier de monnaies du DTS qu'utilise le FMI en 2016 lui donne désormais une stature de monnaie de réserve internationale ; le rouble russe est en train de devenir une monnaie internationale depuis que la Russie, suite aux sanctions occidentales ? guerre en Ukraine déclenchée par l'invasion russe, le 24 février 2022 ?, a exigé que les pays d'Europe doivent régler leurs importations de pétrole et de gaz en rouble et non en euro. La question qui se pose à partir de ces événements qui sont en train de changer la carte de puissance du monde est celle-ci : «qu'en sera-t-il du monde à venir ? Les QE resteraient-ils la «propriété» de l'Occident ? Viendraient-ils à être partagés entre les puissances financières occidentales et celles montante du monde ? Si cela viendrait à être, y aura-t-il un consensus entre les puissances financières pour le bien de l'humanité ou y aura-t-elle un risque de fragmentation du monde ? Et des craquements qui pourraient être très nocifs pour l'économie mondiale, en particulier pour les pays en développement d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Asie ? Une chose cependant est certaine, les grandes puissances ne connaissant pas l'avenir du monde seront astreints à suivre la «main invisible» dont a parlé Adam Smith ; elle est omniprésente et le sera toujours pour mettre de l'ordre dans les affaires humaines du monde. *Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective |
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