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Lors du Conseil des
ministres du 22 août 2021, il a été décidé d'éliminer les pénalités de retard
en matière de cotisations à la sécurité sociale en faveur de 760.552
employeurs, tout en encourageant les cotisations aux caisses de la sécurité
sociale dans l'objectif de préserver le tissu économique et un projet de loi
instituant les allocations chômage qui s'ajoutera aux formules d'allocations de
chômage adoptées dans d'autres secteurs.
Ces dossiers sensibles touchant le quotidien du citoyen, pour des solutions pérennes sont liés à la croissance économique et une nouvelle politique de l'emploi, objet de cette présente contribution. 1.-Avec la pression démographique souvent oubliée, la population algérienne est passée de 11.479.248 habitants en 1962 à 14.265.015 en 1970, à 18.936.293 en 1980, à 25.436.214 en 1990, à 30.833.966 en 2000, à 35.658.311 en 2010 et à 44.835.881 au 01 janvier 2021 et dépassera 50 millions horizon 2030, il faudra entre 2021-2025 créer plus de 350.000-400.000 emplois par an (le taux d'emploi féminin étant sous-estimé). Cela s'ajoute au taux de chômage actuel qui selon le FMI incluant les emplois de la sphère informelle et les emplois rente, faire et refaire les trottoirs, les sureffectifs dans les entreprises publiques, administrations, devrait atteindre 14,5% en 2021 et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés. Pour atténuer les tensions sociales, il faudrait selon les institutions internationales pendant plus de 5 ans un taux de croissance en termes réels entre 7-8%. Nous avons assisté à une baisse du taux de croissance du PIB à prix courant, qui a été en 2019 de 0,8%, en 2020, négatif entre 5/ 6% paradoxe, avec une sortie de devises 2020 de 20 milliards de dollars et une prévision différente avec celle du gouvernement, le FMI prévoyant 2,9% en 2021. Le taux de croissance estimé pour le premier semestre 2021 par l'ONS de 3% doit être replacé dans sa véritable dimension. Outre la véracité des données, du fait de l'effritement du système d'information souligné d'ailleurs par le président de la République, rendant aléatoire toute stratégie d'adaptation et donc toute planification stratégique, sachant que la majorité de l'appareil économique est en berne, fonctionnant à peine à 50% de ses capacités, avec des licenciements massifs notamment dans les services et le BTPH qui représentent plus de 50% des emplois, le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente. Avec un taux de croissance négatif d'environ 5/6% en 2020, cela donne par rapport à la période précédente un taux variant entre 0/1%, inférieur à la pression démographique. Les données du ministère du Commerce d'un montant d'exportations hors hydrocarbures durant le premier semestre 2021 d'environ 2 milliards de dollars doivent être éclatées, 70% étant des dérivés d'hydrocarbures et des produits semi-finis donnant pour les biens nobles conforme aux normes internationales coût/qualité, un montant d'environ 600 millions de dollars. Le taux d'emploi, et c'est une loi universelle, est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité, variant de branches à branches, depuis des décennies provient des recettes en devises proviennent des hydrocarbures (97/98%), le taux d'intégration, entreprises publiques/privées ne dépassant pas 15% avec les effets indirects via la dépense publique, irriguant tout le corps économique et social. 2.-Les expériences historiques dans le monde concernant l'alimentation des caisses de retraite montrent qu'il y a le système de répartition et le système de participation à travers les sociétés d'assurance, souvent combinées. En Algérie domine le système de répartition, deux caisses de retraites existent, l'une pour les personnes nommées par décret pendant 10 ans bénéficiant d'une retraite à 100% et l'autre majoritaire, plus de 80% bénéficiant d'une retraite à 80%. Dans le système en vigueur, toute personne ayant cumulé 32 années d'activité peut, si elle en fait la demande, partir à la retraite sans attendre l'âge de départ légal de 60 ans, encore que l'ex-ministère du Travail avait annoncé fin décembre 2020 qu'il n'est plus question d'autoriser les retraites anticipées, le déficit de la Caisse nationale des retraites pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021, le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, la CNR enregistrant un taux de cotisation estimé à 2,2 travailleurs alors que pour chaque retraité l'équilibre est de cinq travailleurs pour un retraité. Or, la population active dépasse les 12,5 millions avec une sphère informelle représentant entre 45/50% de l'emploi, non soumise aux cotisations, n'étant pas affiliée à la Caisse de sécurité sociale et par ricochet ne payant pas d'impôts, servant de soupapes sociales. L'efficacité de la caisse d'allocation chômage suppose que l'on ait un système d'information fiable de la sphère informelle dominant entre 40/45% de l'emploi total (qui est donc chœur et qui l'est pas) et de l'activité économique et contrôlant selon les données contradictoires officielles entre 33/45% de la masse monétaire en circulation, renvoyant toujours au système d'information biaisé. Pour éviter les effets pervers de promesses que l'on ne pourra pas tenir, la solution est dans la dynamisation du tissu productif, et donc l'élévation de la production et de la productivité interne hors hydrocarbures , la lutte contre l'évasion fiscale, l'unification des caisses de retraite pour un sacrifice partagé et une nouvelle politique les subventions qui doivent être ciblées. Or, toutes les lois de finances depuis de longues décennies continuent une politique de subventions généralisées source d'injustice sociale, celui qui perçoit 30 000 dinars/mois bénéficiant des mêmes subventions que celui dont le revenu dépasse 200.000 dinars par mois, devant aller, comme je le préconise depuis 2008, vers les subventions ciblées devant être budgétisées par le Parlement, permettant aux entreprises publiques des comptes transparents selon les règles du marché. Car, le faible taux de croissance influe tant sur le pouvoir d'achat. Selon les données officielles, l'inflation cumulée, l'indice actuel devant être revu, non réactualisé depuis les années, le besoin étant historiquement daté, a dépassé les 82% entre 2000-2020 et en redressant les taux de 20% pour 2021, nous aurons une détérioration du pouvoir d'achat durant cette période de 100% avec une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière. Fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre, l'inflation et c'est une loi universelle jouant comme facteur de concentration au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes. L'action louable au profit des zones d'ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité de la société civile informelle, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l'extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficiente comme intermédiation sociale. 3.-Pour alimenter la caisse allocation chômage, les pouvoirs publics peuvent prévoir transitoirement entre 0,5 et 1,5% des recettes de Sonatrach (voir notre interview au quotidien gouvernemental El Moudjahid 24 août 2021). Encore que ?l'Algérie possède quelques marges de manœuvres, avec une dette publique totale par rapport au PIB de 63,3%, contre 53,1% en 2020, et que la dette publique nette totale représentera 60,5%, contre 50,4% en 2020 et une dette extérieure inférieure relativement faible qui devrait atteindre 3,6% et 5,2% du PIB en 2021 et 2022, contre 2,3% en 2020. Comme conséquence. Les tensions sociales sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général et 9,4% du PIB pour l'exercice 2021, mais mal ciblées et mal gérées. L'Algérie selon le FMI dans son rapport d'avril 2021 continue de bénéficier d'une marge de mouvement positive, la dette extérieure restant modeste. Mais il faut être réaliste, la chute drastique du cours des hydrocarbures via le faible taux de croissance, l'augmentation du chômage et la baisse des réserves de change qui ont clôturé fin juin 2021 à 44 milliards de dollars contre 194 milliards fin 2013, malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l'appareil de production et accentué l'inflation (un exemple l'augmentation de plus de 100% des voitures d'occasion et des pièces détachées), rend difficile l'alimentation de la caisse de chômage et menace la pérennité des caisses de retraite. Toute nation ne peut distribuer que ce qu'elle a préalablement produit, le populisme pouvant conduire à un processus inflationniste incontrôlable sans création de valeur et donc, à la dérive économique et sociale avec des incidences sécuritaires et donc attention aux effets de l'émission monétaire sans contreparties productives (planche à billets prévoyant pour 2021 environ 2100 milliards de dinars). D'où l'importance d'un nouveau modèle de croissance créant de la valeur, fonction d'une nouvelle gouvernance, dont les sous-segments sont une nouvelle politique de l'emploi, l'actuelle privilégiant les salaires-rente avec le nivellement par le bas, décourageant les énergies créatrices (audit réalisé sous ma direction pour la présidence de la République 2008, 5 volumes 680 pages sous le titre pression démographique et nouvelle politique de l'emploi dont les recommandations n'ont pas été appliquées). Premièrement, en ce qui concerne l'emploi, la politique passée et actuelle a été de préférer la distribution de revenus (salaires versés sans contreparties productives) à l'emploi, c'est-à-dire contribuant implicitement à favoriser le chômage. Aussi, il s'agit de modifier les pratiques collectives et réduire les à-coups sur l'emploi en accroissant la flexibilité des revenus et des temps de travail par une formation permanente pour permettre l'adaptation aux nouvelles techniques et organisations. Deuxièmement, ce n'est pas un changement d'assiette des prélèvements qui résoudra les problèmes, mais dans la maîtrise de la dépense aussi bien la dépense globale que la dépense remboursée, car dans cette sphère spécifique, celui qui consomme n'est pas nécessairement celui qui finance, et cela n'est pas neutre pour l'activité productive. L'ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Troisièmement, cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier restriction aveugle afin de permettre de couvrir les besoins des plus démunis, renvoyant à la rénovation du système fiscal, le niveau de l'impôt direct dans une société mesurant le degré d'adhésion de la population car le système d'impôt est au cœur même de l'équité. Mais l'impôt pouvant tuer l'impôt modifiant l'allocation des ressources réalisée, notamment l'offre de capital et de travail ainsi que la demande de biens et services. Un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l'optimum économique et s'articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges. En attendant qu'une économie productive se mette en place, je propose quelques recommandations, permettant une meilleure efficacité économique et reposant sur plus de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme, supposant une mutation de l'Etat providence : premièrement, entre 2/5% des recettes d'hydrocarbures doivent alimenter les caisses de retraite et la caisse allocation chômage annuellement. Deuxièmement, toutes les personnes ayant 32 années de travail plein peuvent aspirer à la retraite, sauf s'ils sont volontaires, et cas exceptionnel pour des personnes malades ou ayant subi un accident de travail. Troisièmement, pour les métiers pénibles, et les femmes, il y a lieu de prévoir des clauses de spécificités. Un nouveau modèle social permettant la création de richesses et donc la levée des contraintes de la mise en œuvre des affaires avec les réformes des institutions pour moins de bureaucratie, par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, du système financier et socio-éducatif inadapté, et la lutte contre la corruption, le rapport annuel, Doing business 2020, classant l'Algérie à le 157ème place avec un score de 48,6 points, sur 190 pays, loin de ses potentialités. En résumé, la situation économique actuelle est complexe surtout avec les effets de l'épidémie du coronavirus et du réchauffement qui modifieront tant les relations internationales que le pouvoir économique mondial imposant à l'Algérie des stratégies d'adaptation afin d'éviter sa marginalisation en ce monde où toute Nation qui n'avance pas régresse, n'existant pas de situations statiques. Surmonter l'actuelle crise politique et économique est un défi à la portée de l'Algérie afin d'éviter les tensions sociales et devenir un acteur clef de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine. Espérons qu'avec l'impact de l'épidémie du coronavirus qui a paralysé toute l'économie mondiale et pas seulement l'Algérie, que le dialogue, outil par excellence de la bonne gouvernance, l'emporte sur les passions, l'objectif stratégie privilégier les intérêts supérieurs de l'Algérie. *Professeur des universités, Expert international |
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