Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
«Le rapport du GIEC est une
alerte rouge pour l'humanité» Antonio Guterres, SG
des Nations unies
Chacun sait que l'énergie, l'eau, la nourriture sont inégalement réparties sur cette Terre qui, chaque année, met à la disposition de toute l'humanité un viatique censé durer une année. Dans la réalité, les choses sont tragiquement différentes. Les riches deviennent de plus en plus riches, cela veut dire que pendant que certains gaspillent, d'autres meurent de faim. Ainsi, un Américain consommait il y a à peine dix ans 8 tonnes équivalent pétrole (tep)/an, un Européen est à 4 tep/an, un Chinois à 2 tep/an, un Sahélien à 200 kg de pétrole. S'agissant de l'eau, un Américain ou un Canadien consomme en moins d'un mois ce que consomme un Africain en une année. Pour l'énergie, retenons qu'un plein de 4x4 en biocarburant (maïs) suffirait à nourrir un Sahélien pendant une année. C'est dire si la boulimie ne profite qu'aux pays riches et que les ressources deviennent insuffisantes et sont consommées par les pays riches de plus en plus dans l'année »(1). Joanne Massard écrit à propos de l'épuisement précoce des ressources que la Terre met à la disposition de l'homme et censées durer une année : « Après une brève accalmie en 2020 liée à la crise sanitaire, l'ONG américaine Global Footprint Network alerte : le «jour du dépassement» des ressources planétaires revient au niveau de 2019. Selon elle, jeudi 29 juillet 2021, l'humanité aura consommé l'ensemble des ressources planétaires. «À plus de cinq mois de la fin de l'année, ce 29 juillet, nous aurons épuisé le budget planétaire de ressources biologiques pour 2021. Cet indice a pour but d'illustrer la consommation toujours plus rapide d'une population humaine en expansion sur une planète limitée. Pour le dire de façon imagée, il faudrait cette année 1,7 planète Terre pour subvenir aux besoins de la population mondiale de façon durable. Le «dépassement» se produit quand la pression humaine dépasse les capacités de régénération des écosystèmes naturels. Il ne cesse, selon l'ONG, de se creuser depuis 50 ans : 29 décembre en 1970, 4 novembre en 1980, 11 octobre en 1990, 23 septembre en 2000, 7 août en 2010. En 2020, cette date avait été repoussée de trois semaines sous l'effet des confinements liés à la pandémie de Covid-19 ». (2) Les principales conclusions du rapport du GIEC Une présentation du rapport du GIEC du 9 août, faite par le Monde, permet d'avoir une vue d'ensemble de l'acuité des problèmes. Nous lisons : « Plus précis. Plus alarmant. Plus fiable. Plus pédagogique. Le groupe-1 du GIEC vient de publier son rapport dans le cadre de la préparation du 6ème rapport de ce Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. En 2021, les faits climatiques sont bien mieux établis, la cause du réchauffement prouvée, le niveau marin surveillé par satellites, les modèles plus précis, plus complets. La température moyenne de la planète montre l'amplitude et la rapidité du réchauffement observé. La Terre montre dans toute sa géographie et dans toutes les composantes de ses écosystèmes les signes du changement climatique, causé par son réchauffement ». (3) «Les vagues de chaleur se multiplient. L'augmentation de la température ne se manifeste pas seulement sur les moyennes mais également par la multiplication et l'intensification des vagues de chaleur dont les effets peuvent être dévastateurs pour les écosystèmes, l'agriculture ou la santé humaine. La banquise arctique se rétrécit : en 30 ans, la surface moyenne de la banquise arctique en fin d'été a diminué de 2 millions de km². Les projections climatiques montrent qu'elle pourrait presque disparaître certaines années en fin d'été à partir de 2050 ». (3) « L'intensification de l'effet de serre atmosphérique par nos émissions de gaz à effet de serre ?la plupart dues à l'usage des énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole? est la cause du réchauffement climatique. La preuve de la cause anthropique du réchauffement est avérée. Le pourtour de la Méditerranée et de la mer Noire, l'Amérique centrale et le sud-ouest des USA, le Chili, le sud de l'Afrique, la côte ouest (entre Sénégal et Côte d'Ivoire), Madagascar, l'Amazonie sont les régions les plus menacées par des sécheresses fréquentes et intenses. En Amazonie, cela pourrait déclencher une transformation profonde de l'écosystème forestier. Des vagues de chaleur seront beaucoup plus fréquentes et intenses. La montée du niveau marin est inéluctable. Mais son évolution à court terme dépend peu de nos émissions actuelles. La diminution du pH moyen de l'océan, en raison de dissolution du CO2 dans l'eau, est en cours et va s'accentuer ». (3) « L'ampleur, la rapidité et surtout l'ubiquité sur toute la planète du réchauffement actuel n'a absolument aucun équivalent drastique des incertitudes. La température moyenne de la dernière décennie est 1.1°C supérieure à celle qui prévalait au XIXe siècle. La fréquence et l'intensité de la plupart des événements climatiques (ouragans, sécheresses, inondations, canicules...) sont en hausse. Les promesses sans lendemain des Accords de Paris sur la limitation de la hausse de température à 1.5°C apparaissent dès à présent comme une vue de l'esprit avec le business as usual que semblent adopter les pays pollueurs. Même si certains pays pétroliers se sont battus pour réduire la portée de certains résultats scientifiques dans le «résumé pour décideurs» de ce rapport, il sera difficile d'y trouver des éléments politiquement polémiques. Les pays du Sud exigent à juste titre un accompagnement avant de considérer l'idée de réduire leurs émissions ». (3) L'appel pathétique d'Antonio Guterres, SG des Nations unies Le réchauffement de la planète affecte toutes les régions du globe et nombre de ces changements sont en passe de devenir irréversibles, a averti lundi le secrétaire général de l'ONU, qualifiant le nouveau rapport du Groupe international d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) d'« alerte rouge pour l'humanité». « La sonnette d'alarme est assourdissante et les preuves sont irréfutables : les émissions de gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles et de la déforestation étouffent notre planète et mettent des milliards de personnes en danger immédiat », a déclaré Antonio Guterres qui s'est fortement inquiété du fait que le seuil de 1,5 degré Celsius, convenu au niveau international, soit « dangereusement proche » et a souligné que le seul moyen d'éviter de le dépasser est «d'intensifier de toute urgence nos efforts et de suivre la voie la plus ambitieuse». Les catastrophes météorologiques et climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquentes et intenses. (4) António Guterres estime que « les solutions sont claires ». « Des économies vertes et inclusives, la prospérité, un air plus pur et une meilleure santé sont possibles pour tous si nous répondons à cette crise avec solidarité et courage », a-t-il dit, exhortant toutes les nations, en particulier le G20 et les autres grands émetteurs, à « rejoindre la coalition pour des émissions nettes, nulles et renforcer leurs engagements par des contributions et des politiques déterminées au niveau national crédibles, concrètes et améliorées avant la COP26 à Glasgow ». (4) Il a appelé à agir immédiatement dans le domaine de l'énergie : «Si nous ne réduisons pas dès maintenant la pollution par le carbone, l'objectif de 1,5 degré sera rapidement hors de portée». Pour lui, le rapport du GIEC doit sonner le glas du charbon et des combustibles fossiles, avant qu'ils ne détruisent notre planète : aucune nouvelle centrale au charbon ne doit être construite après 2021. Les pays de l'OCDE doivent éliminer progressivement le charbon existant d'ici 2030, et tous les autres pays doivent suivre d'ici 2040. Les pays doivent également mettre fin à toute nouvelle prospection et production de combustibles fossiles et réorienter les subventions accordées aux combustibles fossiles vers les énergies renouvelables. D'ici 2030, la capacité solaire et éolienne devrait quadrupler et les investissements dans les énergies renouvelables devraient tripler pour maintenir une trajectoire nette zéro d'ici 2050 ». (4) Le SG des Nations unies a averti enfin que les impacts climatiques vont « sans aucun doute » s'aggraver. Il existe pour autant un « impératif moral et économique » de protéger la vie et les moyens de subsistance de ceux qui sont en première ligne de la crise climatique (...). Il faut cesser de faire du financement de l'adaptation et de la résilience «la moitié négligée de l'équation climatique. J'appelle à nouveau les donateurs et les banques multilatérales de développement (...) sur la promesse faite il y a dix ans de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour soutenir l'atténuation et l'adaptation dans les pays en développement doit être tenue ». (4) Que font les religions pour conjurer l'enfer climatique qui approche ? Il est intéressant de noter que parmi les religions censées adoucir les détresses des croyants le christianisme s'engage, peut-être pas d'une façon radicale comme on le voudrait mais des efforts sont faits pour attirer l'attention sur le bien commun, la famille humaine. Une lettre message du père jésuite lance d'une façon courageuse un pavé dans la mer et appelle l'Eglise à s'engager plus avant indépendamment du Mouvement Laudato : « Si des millions de catholiques, y compris des évêques, ignorent l'apocalypse climatique imminente et la conversion individuelle et systémique nécessaire pour y faire face, Covid-19 et le réchauffement climatique suffisent à me faire regretter l'époque du pouvoir clérical et de la culpabilité catholique. (...) Dommage qu'elle n'ait pas un tel pouvoir pour sauver l'humanité d'elle-même aujourd'hui. Ce serait tout un changement par rapport à l'époque où Galilée et Darwin étaient considérés comme des hérétiques. Cette fois, le pouvoir clérical soutiendrait la science ». (4) Rien ne me ferait plus plaisir illicite que de faire excommunier les gouverneurs de Floride et du Texas, ainsi que les dirigeants des industries du pétrole et du charbon, tout comme les rois et les nobles ont été excommuniés dans le passé. Et plutôt que d'organiser des croisades contre les musulmans, comme elle l'a fait dans le passé, l'église pourrait mobiliser son peuple pour protéger la santé de la Terre et de l'humanité. (...) Aujourd'hui, il nous est impossible de faire des sacrifices (porter des masques) qui nous seront bénéfiques dans quelques mois, et encore moins de faire des sacrifices (réduire les émissions de carbone) qui profiteront à nos petits-enfants dans les décennies à venir. «Des millions d'entre nous vaquent à leurs occupations en s'inquiétant de notre vie quotidienne tandis que les évêques catholiques et les élites (moi y compris) discutent de la messe latine, plutôt que de l'apocalypse climatique à venir» (...). L'église a perdu son pouvoir clérical. Mais cette fois, l'enfer auquel nous serons confrontés sera de notre propre fabrication ». (5) Du côté de l'islam, à ma connaissance, il n'y a pas cette détermination sinon des vœux pieux, voire des incantations. Rien à voir par exemple avec L'Église catholique du Ghana qui s'engage à planter un million d'arbres. Que font nos mosquées ? Certes, en prévision de la COP 21, les dirigeants islamiques ont appelé les 1,6 milliard de musulmans dans le monde à jouer un rôle actif dans la lutte contre le changement climatique et ont exhorté les gouvernements à conclure un accord universel sur le changement climatique efficace à Paris. Ils ont appelé les nations les plus riches et leurs dirigeants et les États producteurs de pétrole à montrer la voie dans l'élimination de leurs émissions de gaz à effet de serre le plus tôt possible et au plus tard au milieu du siècle ». (6) Conclusion Il semble qu'il est trop tard et que les 1,5°C seront atteints dans les prochaines années. En effet, le dernier rapport du GIEC, premier volume du sixième rapport du Giec, Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, une émanation de l'ONU, publié le 9 août sonne l'alerte. L'évolution du climat est plus grave que prévu et les incertitudes scientifiques s'estompent. Le réchauffement est de type anthropique. Ceci étant dit : est-ce la fin du monde où la fin d'un monde du toujours plus, du gaspillage ? Dans cet ordre, Dubaï utilise des drones pour créer de la fausse pluie provoquant des inondations. En apprenti sorcier de la géo-ingénierie, ce pays, n'ayant pas de vision globale, oublie la fameuse allégorie du battement d'ailes d'un papillon capable de provoquer un ouragan à l'autre bout de l'univers... Quelque part, ils sont responsables de dégâts, voire des incendies et sécheresse ailleurs. Alors que l'Humanité a émis 2.560 milliards de CO2 depuis 1750, il faudrait n'en émettre que 500 de plus pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Pour le limiter à 2°C, 1.150 milliards de tonnes. Ces objectifs supposent de ne pas utiliser la majeure partie des énergies fossiles disponibles en sous-sol. Et donc des transformations technologiques, économiques, sociales, culturelles et politiques majeures. Pour ne pas dépasser ces 1,5°C, il faut un coup d'arrêt drastique pour que les deux tiers de ce qui reste comme énergies fossiles ne sortent pas du sol. C'est dire s'il faut déconstruire le modèle dominant du gaspillage débridé et du manque de solidarité planétaire. De toutes les façons, si la Terre brûle et que l'on continue de regarder ailleurs, l'addition sera douloureuse pour tout le monde. Il n'y a pas de Plan B : c'est pourquoi insiste le SG de l'ONU : « La COP 26 à Glasgow est si importante. Nous le devons à l'ensemble de la famille humaine, en particulier aux communautés et aux nations les plus pauvres et les plus vulnérables, qui sont les plus durement touchées alors qu'elles sont les moins responsables de l'urgence climatique actuelle ». (4) Il est hors de doute que la COP 26, si elle veut sortir des vœux pieux de la COP 21, les émissions de CO2 n'ont pas été freinés après 2015, aura à se pencher sur la nécessité de coordination pour les grandes actions pouvant provoquer des cataclysmes multidimensionnels, notamment par l'obligation de faire l'inventaire historique des pollutions par pays et déterminer ce faisant la dette écologique pour aider les pays impactés durement par les changements climatiques notamment les pays africains. Que devrait faire l'Algérie ? L'Algérie devrait avoir une position ferme et être partie prenante du débat à la COP 26. Il est hors de doute que les agressions climatiques telles que le stress hydrique que nous vivons six mois par an, les inondations et surtout les feux de forêt ne sont qu'un avant-goût du climat du futur. De plus, au vu des décisions drastiques du Plan européen à 2030, nous aurons des difficultés à commercialiser les hydrocarbures si la tonne de CO2 atteindra les 100 $. Nous aurons de plus en plus de difficulté; les hydrocarbures resteraient à ce rythme de consommation. L'Algérie devrait prendre dès à présent la mesure des défis qui l'attendent et rien de pérenne ne pourra se faire si sans tarder la mise en place d'un modèle de consommation à 2030 qui nous permettra de mettre en chantier les chantiers du solaire, de l'éolien, de la géothermie et même du bois énergie si on a l'ambition de planter 1 milliard d'arbres d'ici 2030. Ce sont ces types de défis qui nous feront entrer dans le XXIe siècle... *Professeur Ecole polytechnique Alger Note 1. Chitour Chems Eddine «Nous avons consommé en sept mois le viatique d'une année» Le Soir d'Algérie 9 août 2021. 2. Joanne Massard & AFP https://fr.euronews.com/2021/07/27/le-jour-du-depassement-des-ressources-planetaires-revient-au-niveau-de-2019 3.https://www.lemonde.fr/blog/huet/2021/08/09/le-rapport-du-giec-en-18-graphiques/ 4 Antonio Guterres.https://news.un.org/fr/story/2021/08/1101392 5.Thomas Reese https://www.ncronline.org/news/earthbeat/covid-19-global-warming-and-diminishing-catholic-guilt 6.https://unfccc.int/fr/news/declaration-islamique-sur-les-changements-climatiques. |
|