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L'Algérie
est un pays qui entreprend actuellement une profonde réforme en matière de
comptabilité. Le Conseil National de Comptabilité (CNC), organe normalisateur
présidé par le Ministre chargé des finances, a promulgué en 2007 le Système
Comptable Financier (SCF), inspiré des Normes Comptables Internationales
(IAS/IFRS), élaborées par le Comité des Normes Comptables Internationales
(IASB), dont le siège
est situé à Londres depuis l'année 1973. Ce référentiel comptable, dédié au secteur commercial, est entré en vigueur, en Algérie, à compter du 1er janvier 2010. Un référentiel d'audit financier appelé «Normes Algériennes d'Audit (NAA)» est en cours d'élaboration. Les seize NAA publiées jusqu'à présent par le CNC s'accommodent parfaitement avec les Normes Internationales d'Audit (ISA). Ces dernières sont élaborées par la Fédération Internationale des Comptables (IFAC), créée en 1977 à New York. Dans le cadre de la réforme de l'État et l'impulsion d'une dynamique de modernisation de la gestion publique, l'Algérie a ouvert un troisième chantier pour la réforme de la comptabilité publique. L'objectif de cette contribution est de mettre en lumière l'origine et les raisons de cette réforme. Elle vise la présentation de la nature et l'objet du nouveau référentiel comptable qui est destiné au secteur public. La Constitution algérienne réserve plusieurs domaines à la loi organique qui est adoptée à la majorité absolue des députés et des membres du Conseil de la Nation. Comme il est stipulé par son article 140, la loi-cadre relative aux lois de finances est l'un des principaux domaines régis par la loi organique. Les lois de finances, avant leur mise en vigueur, sont votées par le Parlement conformément aux dispositions de l'article 139 de la Constitution. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) constitue le cadre de référence pour la mise en place et la gestion de toute action publique. L'Algérie a promulgué la loi organique n° 18-15 du 02 septembre 2018 relative aux lois de finances, en remplacement de la loi n° 84-17 du 07 juillet 1984. Toutefois, l'application de la loi citée en dernier est maintenue, jusqu'à l'entrée en vigueur intégrale de la nouvelle loi organique, en janvier 2023. La réforme incarnée par la LOLF repose sur une logique de résultats et non pas de moyens. Elle s'inscrit dans une perspective budgétaire pluriannuelle déclinée en missions, programmes et actions. En se référant aux standards internationaux, cette réforme introduit de nouveaux principes, méthodes et règles, de nature à permettre aux finances publiques d'atteindre des objectifs et des résultats sur la base de la performance. Ces innovations, visant l'amélioration de la gestion des services de l'État, la transparence et le contrôle des opérations budgétaires, impliquent la refonte du référentiel de la comptabilité publique. La comptabilité publique mise en vigueur depuis 1990 par l'Algérie est régie par la loi n° 90-21 du 15 août 1990, modifiée et complétée. Sa modernisation va permettre de mieux informer les citoyens, les élus, les responsables de l'action administrative, des enjeux et des résultats des politiques publiques, pour une gestion rationnelle et efficace des deniers publics. Selon l'esprit de la nouvelle loi organique LOLF et les textes subséquents, en voie de promulgation, la comptabilité publique passe d'une simple technique d'enregistrement de recettes et de dépenses, basée sur le principe de trésorerie (comptabilité de caisse), à un système d'organisation de l'information financière qui repose sur le principe des droits constatés (comptabilité d'exercice). Un système qui permet de saisir, classer, enregistrer et contrôler les données des opérations budgétaires, comptables et de trésorerie afin d'établir des comptes réguliers. Il aide à la présentation des états financiers reflétant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat à la date de clôture de l'exercice. C'est un outil pertinent pour le calcul du coût des actions et services ainsi que l'évaluation de la performance. En respect des dispositions de l'article 65 de la loi organique n° 18-15, qualifiée par certains de «Constitution financière», l'État tient plusieurs comptabilités : Une comptabilité budgétaire dite «de caisse», qui se décompose en comptabilité des engagements et en comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires, fondée sur le principe de trésorerie. Elle enregistre les évènements au moment où ils impactent la trésorerie. Elle demeure toujours nécessaire pour un suivi rigoureux de l'exécution budgétaire des recettes et des dépenses publiques de l'année en cours. Une comptabilité d'analyse des coûts destinée à analyser et mesurer les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes. Elle constitue également un outil efficace du contrôle de rendement et d'évaluation de la performance et d'aide à la prise de décision. Une comptabilité générale dite «d'exercice» de l'ensemble des opérations, fondée sur le principe des droits constatés. Elle permet le rattachement à l'exercice des charges et des produits qui le concernent et par conséquent, l'enregistrement des droits et obligations dès leur survenance effective, indépendamment du moment de l'encaissement de la recette ou du paiement de la dépense. Elle offre plus de visibilité sur la situation financière de l'État, sa performance ainsi que sur sa situation patrimoniale, notamment les dettes et les créances. Une comptabilité d'exercice, applicable pour l'État et les autres entités publiques, implique l'adoption d'un référentiel comptable répondant aux principes et règles des standards internationaux. L'introduction d'un référentiel comptable international dans le droit national nécessite l'adoption d'une stratégie de passage qui tient compte des spécifités de l'environnement économique, sociétal et politique de l'Algérie. Cette stratégie sera définie par un «Conseil de Normalisation de la Comptabilité Publique (CNCP)» qui sera créé, auprès du ministre chargé des finances, selon les prémisses de la future loi sur la comptabilité publique. Les normes IPSAS «International Public Sector Accounting Standards», élaborées par le Comité des Normes Comptables Internationales du Secteur Public (IPSASB) relevant de l'IFAC, représentent la meilleure référence pour réussir le passage d'une comptabilité de caisse à une comptabilité d'exercice. Les normes IPSAS empruntent leurs principales règles d'évaluation et de comptabilisation des normes comptables internationales (IAS/IFRS) dédiées au secteur commercial. Elles vont servir à l'élaboration d'un nouveau référentiel de comptabilité publique, à baptiser «Système Comptable de l'État (SCE)». Ce système doit évidemment s'inspirer des principes et normes prévus par le «Système Comptable Financier (SCF)». Le Système Comptable de l'État (SCE), dont la promulgation est imminente, comportera un cadre conceptuel et des normes comptables de l'État. Le cadre conceptuel définit les concepts ainsi que les méthodes comptables qui sont les principes, bases, conventions, règles et pratiques spécifiques appliqués de façon permanente par l'État pour établir et présenter ses états financiers. Il facilite l'interprétation des normes comptables et l'appréhension d'opérations non explicitement prévues par la réglementation comptable. C'est une référence pour l'établissement de nouvelles normes. Parmi ses innovations, on note l'articulation entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité d'exercice. Les normes comptables de l'État, que compte offrir le nouveau «Système Comptable de l'État (SCE)» sont au nombre de dix-sept normes. Elles auront pour objectif de définir les règles d'évaluation, de comptabilisation, et de présentation des différents éléments des états financiers dont les actifs, passifs, charges, produits et capitaux propres. La norme 1 «Présentation des états financiers» prescrit le mode de présentation des états financiers, destinés à satisfaire les besoins des utilisateurs qui sont les contribuables, les élus, les créanciers, les fournisseurs et les médias. Ils se composent d'un état de la situation nette, un état de la performance financière, un tableau des flux de trésorerie et une annexe. Les informations contenues dans les états financiers permettent d'évaluer la performance de l'État et sa capacité à poursuivre la fourniture de biens et de services, ainsi que le niveau des ressources indispensables pour faire face à ses obligations. La norme 2 «Tableau de flux de trésorerie (TFT)» identifie les sources des entrées et des sorties de trésorerie pendant l'exercice, ainsi que le solde de trésorerie à la date de reporting. Le TFT classe les flux de trésorerie de l'exercice en activités opérationnelles, d'investissement et de financement. L'État dresse le TFT selon la méthode directe qui est la méthode préférentielle. Comme il peut établir un TFT suivant la méthode indirecte qui représente la méthode alternative. La norme 3 «Produits des opérations sans contrepartie directe» précise les règles d'évaluation et de comptabilisation des produits générés par les opérations sans contrepartie directe conformément aux principes de la comptabilité d'exercice. Elle s'applique aux produits des opérations sans contrepartie directe, qui sont les produits fiscaux, correspondant aux impôts d'État et taxes assimilées et aux transferts. La norme 4 «Les charges» définit les charges de l'État et leurs règles de comptabilisation et d'évaluation. Elle tient compte d'une articulation entre la nature comptable des charges et la structuration budgétaire des dépenses. Les charges de l'État comprennent les charges de fonctionnement indirect et direct, les charges d'intervention et les charges financières. La spécificité de l'activité de l'État ne permet pas de reconnaître les charges extraordinaires. La norme 5 «Composantes de la trésorerie» couvre les éléments d'actif et de passif liés aux opérations de trésorerie de l'État. Les éléments d'actif comprennent les fonds sur les comptes bancaires et les fonds en caisse, les valeurs en cours d'encaissement ou à l'escompte et les équivalents de trésorerie. Les éléments de passif comprennent les dépôts des correspondants du Trésor et des autres personnes habilitées, les fonds liés à la gestion de la trésorerie de l'État ainsi que les découverts bancaires. La norme 6 «Instruments financiers et dettes financières» porte sur les éléments d'actif et de passif liés aux opérations de financement de l'État et à la prise en charge de dettes. Ces éléments correspondent aux dettes financières, qui comprennent les emprunts négociables, les emprunts non négociables et les emprunts pris en charge par l'État, les instruments financiers à terme, les créances immobilisées et les dettes diverses. La norme 7 «Participations de l'État et créances rattachées» traite de l'évaluation et de la comptabilisation des participations de l'État, des créances rattachées à ces participations, ainsi que des prêts et avances accordés par l'État à d'autres entités disposant d'une personnalité morale distincte de celle de l'État. La norme 8 «Présentation des informations budgétaires dans les états financiers» s'applique au Gouvernement qui rend public son budget, selon des exigences législatives ou d'autres dispositions normatives imposées ou respectées à titre volontaire. Elle exige une comparaison des montants inscrits au budget et des montants réels résultant de l'exécution du budget à inclure dans les états financiers ainsi qu'une explication des différences significatives dégagées. La norme 9 «Immobilisations corporelles» préconise les règles de comptabilisation et d'évaluation, des immobilisations corporelles contrôlées par l'État et les autres entités publiques, y compris les équipements militaires spécialisés et les actifs d'infrastructure. Elle ne s'applique pas aux forêts et autres ressources naturelles renouvelables, et aux droits miniers, à la prospection et l'extraction de minerais, de pétrole, de gaz naturel et autres ressources similaires non renouvelables régis par d'autres normes comptables. La norme 10 «Immobilisations incorporelles» stipule les règles de comptabilisation et d'évaluation, des immobilisations incorporelles de l'État et les autres entités publiques. Elle ne s'applique pas aux actifs financiers, aux actifs de prospection, aux dépenses relatives à la mise en valeur de gisements et à l'extraction de minerais, de pétrole, de gaz naturel et d'autres ressources similaires non renouvelables et aux immobilisations incorporelles appartenant au patrimoine. La norme 11 «Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels» est réservée aux provisions pour charges, qui correspondent à des passifs dont l'échéance ou le montant n'est pas fixé de façon précise. Elle s'applique aussi aux dettes non financières, qui correspondent à des passifs dont l'échéance et le montant sont fixés de façon précise. Elle ne s'applique pas aux provisions sur les instruments financiers comptabilisés à leur juste valeur, aux provisions sur des contrats non entièrement exécutés ainsi qu'aux provisions pour les grosses réparations. La norme 12 «Produits des opérations avec contrepartie directe a pour objet de déterminer les règles de comptabilisation et d'évaluation des produits résultant des opérations avec contrepartie directe. Sont considérés comme des produits résultant des opérations avec contrepartie directe, les prestations de services, les ventes de biens, et l'utilisation par des tiers d'actifs de l'État productifs d'intérêts, de redevances et de dividendes. La norme 13 «Stocks» régit les règles d'évaluation et les conditions de comptabilisation des stocks. Elle définit les catégories des stocks qui sont les matières premières ou fournitures devant être consommées dans le processus de production ou de prestation de services, les biens détenus pour être vendus ou distribués dans le cours normal de l'activité ainsi que les en-cours de production destinés à la vente ou à la distribution. La norme 14 «Contrats de location» vise à établir les principes comptables appropriés au titre des contrats de location-financement et des contrats de location simple. Elle ne s'applique pas pour les contrats de location portant sur l'exploitation ou l'utilisation de minéraux, de pétrole, de gaz naturel, et autres ressources similaires non renouvelables. Elle ne concerne pas aussi les contrats de location des immeubles de placement et des actifs biologiques. La norme 15 «Dépréciation d'actifs non générateurs de trésorerie» détermine les procédures que l'État applique pour savoir si un actif non générateur de trésorerie a perdu de la valeur et s'assurer que les pertes de valeur soient comptabilisées. Elle spécifie également dans quels cas l'État doit procéder à la reprise d'une perte de valeur et précise les informations à fournir. La norme 16 «Solde net de l'exercice, erreurs fondamentales et changements de méthodes comptables» édicte les règles régissant la classification des éléments extraordinaires et certains éléments du résultat provenant des activités ordinaires. Elle précise également le traitement comptable applicable aux changements d'estimations comptables, aux changements de méthodes comptables et à la correction des erreurs fondamentales. La norme 17 «Créances de l'actif courant» présente les règles de comptabilisation et d'évaluation des créances dues à l'État sur les clients au titre des ventes de biens ou services ainsi qu'aux créances sur les redevables. Ces créances correspondent aux impôts et amendes que l'État recouvre pour son compte ou pour le compte de tiers. Conclusion Cette contribution vient en réaction à l'appel lancé en janvier 2021 par le Conseil National de la Comptabilité (CNC), qui invite les professionnels de la comptabilité à s'impliquer davantage dans la réforme de la comptabilité publique. Les experts-comptables, les commissaires aux comptes et les comptables agréés, de par leur grande expérience en matière de comptabilité des droits constatés sont, vraisemblablement, les mieux placés pour mettre leur savoir-faire au profit des entités publiques, notamment en matière : - de formation des comptables publics au nouveau référentiel comptable; - d'accompagnement des entités publiques lors de la première adoption du «Système comptable de l'État (SCE)»; - d'assistance dans la tenue d'une comptabilité générale basée sur le principe des droits constatés; - de mise en place d'une comptabilité d'analyse des coûts et d'une comptabilité matières et des valeurs inactives; - de mise en place du dispositif de contrôle interne au sein des entités publiques; - de mise en place d'un système d'information compatible avec le nouveau «Système comptable de l'État (SCE)». L'article 65, alinéa 4 de la LOLF, précise que les comptes de l'État doivent être réguliers, sincères et refléter de manière fidèle son patrimoine et sa situation financière. En application de ces dispositions, les commissaires aux comptes pourraient être sollicités pour la certification des états financiers des collectivités locales et des établissements publics à caractère administratif (EPA). Par cette contribution, nous lançons un appel aux professionnels de la comptabilité, aux académiciens et à toutes les parties prenantes, à l'effet de mener des réflexions et enrichir les débats sur la réforme de la comptabilité publique, qui représente une problématique d'intérêt majeur pour la nation. *Docteur en sciences financières, Université de Mostaganem - Expert-comptable diplômé, Commissaire aux comptes - Président du Conseil National de la Chambre Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC) mohamed.merhoum@univ-mosta.dz |
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