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« L'argent ne se souvient de
rien. Il faut le prendre quand il est là et le jeter par les fenêtres. Ce qui
est salissant, c'est de le garder dans ses poches. Il finit toujours par sentir
mauvais » Le vaurien Marcel Aymé
Nous vivons dans un univers contradictoire. Il faut comprendre que la monnaie avant d'être économique, elle est d'abord politique. Le droit de «battre monnaie» est un attribut de souveraineté qui remonte à la création des Etats. Cependant, le degré d'utilisation de ce pouvoir varie dans le temps et dans l'espace. On distingue les Banques centrales totalement inféodées à l'autorité politique (le ministère des Finances); les Banques centrales avec une autonomie relative très large vis-à-vis du pouvoir politique; les Banques centrales qui combinent entre ces deux extrêmes des dosages utiles plus ou moins marquées en direction de l'une ou l'autre borne de cet espace. Pour ce qui concerne la Banque centrale d'Algérie, elle a tenté du moins par ses statuts a affiché une certaine autonomie relative par rapport aux pouvoirs politiques dès sa création en 1962. Au fil des temps, elle est devenue par la force des choses l'instrument docile des pouvoirs politiques qui se sont succédé. Réduite à imprimer des billets de banques sur commande du pouvoir central, elle va vivre une longue traversée du désert. Longtemps «assoupie», la Banque centrale d'Algérie va connaître en Algérie de véritables bouleversements avec l'avènement de la loi sur la monnaie et le crédit mais il sera de courte durée. On chasse le naturel, il revient au galop. L'adoption d'une planification centralisée et impérative comme mode de gestion de l'économie nationale avait pour corollaire la mise en œuvre d'un système centralisé d'allocation des ressources. La distribution était orientée par des procédures administratives en dehors de tout critère de rentabilité financière. Le système bancaire avait un rôle passif dans l'intermédiation financière. Les décisions d'investissement et de financement échappaient aux banques. Ces dernières n'exprimaient à priori aucun avis sur l'opportunité des décisions d'octroi de crédit à réaliser. Elles n'étaient chargées que de l'exécution et du suivi administratif de ces opérations. Les banques sont ainsi devenues de simples caissiers (ou plutôt des guichets du Trésor) devant fournir aux entreprises publiques les liquidités dont elles avaient besoin et de se faire refinancer par la Banque centrale sur ordre du Trésor public. Quant au Trésor, comme il a été développé plus haut, il intervenait de deux manières dans la gestion du crédit interne. Tout d'abord, il octroyait des concours temporaires aux entreprises publiques pour leur équipement et leur modernisation, ensuite, il est intervenu sur concours définitif pour financer les investissements improductifs (formation, infrastructure environnante, etc.) et pour réaliser certaines opérations de restructurations financières des entreprises publiques. A ce niveau, il convient de relever qu'en face de l'insuffisance des ressources propres et des possibilités réduites du recours à des emprunts domestiques non monétaires. Le Trésor a été conduit à s'adresser souvent et massivement à la Banque centrale. Cet état de fait a largement alimenté le processus de création monétaire en Algérie. La politique monétaire était très accommodante pour les pouvoirs publics. La Banque centrale répondait passivement aux besoins exprimés aussi bien par les banques commerciales que par le Trésor. Les risques bancaires ne représentaient pas une contrainte de comportement pour la banque. D'une part, sur crédit accordé aux entreprises publiques, il existait une garantie de bonne fin de l'Etat, et d'autre part, les risques d'immobilisation des ressources de la banque dans des prêts non rentables étaient évacués par un refinancement très large par réescompte et/ou découvert auprès de la Banque centrale. Les taux d'intérêt débiteurs et créditeurs ainsi que les commissions bancaires étaient fixés centralement par le ministère des Finances. Ces taux n'étaient pas incitateurs à la collecte des ressources longues par les banques. Le taux de réescompte auprès de la Banque centrale a été pendant très longtemps inférieur au coût des ressources stables. La gamme des techniques financières utilisées en matière d'octroi de crédit était étroite. Elle se limitait au mouvement du découvert en comptes courants dans le financement de l'exploitation des entreprises et au crédit à moyen terme réescomptable auprès de la Banque centrale dans le financement des investissements. Cette procédure a entraîné un recours désordonné au financement à court terme qui a eu pour effet de détériorer et de raccourcir dangereusement l'échéancier de remboursement de la dette algérienne et d'alourdir considérablement le service de la dette. Tirant les conclusions du fonctionnement du système de gestion des crédits internes et externes, le gouverneur de la Banque centrale d'Algérie a déclaré dans un symposium tenu à Alger «? que ce système a conduit à alimenter l'excès de liquidités en circulation dans l'économie découlant du fait que la Banque centrale supportait seule le fardeau final des crédits bancaires aux entreprises et les avances au Trésor à l'aide de la création monétaire; un endettement extérieur important et à une structure défavorable de cet endettement; créer les conditions monétaires d'un emballement possible de l'inflation et à une dérive du dinar. La remise à flots du bateau Algérie suppose évidemment une répartition judicieuse de la population et une exploitation rationnelle de ses ressources humaines laissées en jachère par les politiques économiques suicidaires menées à la faveur d'une manne pétrolière et gazière providentielle en voie de tarissement dans un avenir très proche. La rente versée à l'Etat a la particularité d'être exogène, c'est-à-dire que sa provenance et sa croissance ne sont pas liées au développement du pays mais dépendent des facteurs externes. Le système de financement des investissements apparaît essentiellement basé en premier lieu sur le principe de la centralisation des ressources et leur affectation en fonction d'objectifs décidés centralement. D'un point de vue théorique, le secteur des hydrocarbures avait pour fonction essentielle de procurer un surplus destiné au financement des investissements à utilité interne. Ce dernier devrait être subordonné à la logique de la politique. L'idée finalement admise voulait que les hydrocarbures doivent assurer les ressources financières et ensuite de les mettre à la disposition de l'Etat qui se chargera ensuite de les répartir entre les différents secteurs économiques pour être finalement utilisées par les entreprises publiques et les administrations centrales. L'équilibre socioéconomique a pu être préservé parce que les problèmes financiers étaient résolus, soit par la nationalisation des hydrocarbures, soit par la hausse des prix des hydrocarbures sur le marché mondial. Etant propriétaire des gisements pétroliers et gaziers, l'Etat a donc le droit de s'approprier la rente qui l'a conforté dans la gestion de l'économie et de la société. Il a conçu la rente comme un instrument d'une modernisation sans mobilisation de la nation. Pour ce faire, il a été conduit à affecter une part grandissante de la rente en cours de tarissement à la production et la reproduction de la base sociale, c'est-à-dire à la consommation, soit directement par la distribution de revenus sans contrepartie, soit indirectement par subvention, soit par les deux à la fois. Cette pratique a donné naissance à une véritable débauche des dépenses publiques et à une grande autocomplaisance en matière de politique économique et sociale. La rente a constitué un soporifique en masquant toutes les insuffisances en matière de production et de gestion. Elle a donné lieu à des problèmes très difficiles à résoudre : le premier de ces problèmes fut posé par des investissements considérables dans les projets inutiles entrepris notamment pour des raisons de prestige ou visant à satisfaire une boulimie de consommation; le second problème résulte des gaspillages des gouvernements en matière de dépenses courantes. Il faut citer les dépenses excessives de défense, de sécurité, de diplomatie, une augmentation inutile du nombre d'emplois destinés aux fonctionnaires de l'économie nationale, les subventions destinées à diverses activités improductives, etc. Le troisième problème, le plus épineux, devenus excessivement riches à la faveur d'une embellie financière exceptionnelle, les gouvernements successifs, pris dans le tourbillon de l'argent facile et « assurés ! » de l'impunité, n'ont pas eu la sagesse et la lucidité d'adopter une politique économique saine et rationnelle en matière de dépense, de subvention, de crédit, de change, etc. Ce laxisme dans la gestion n'est pas fortuit. Il est le produit de tous les frustrations et traumatismes accumulés. C'est l'explosion des dépenses publiques au-delà des besoins réels de la société et des capacités disponibles du pays. C'est ainsi que le train de vie de l'Etat se trouve sans freins et sans aiguillon. Que faire pour rationaliser les dépenses pour éviter le recours à la planche à billets ou à l'endettement extérieur ? Nul n'ignore que l'exécution des opérations financières de l'Etat joue un rôle déterminant dans la gestion de l'économie d'un pays. A une exécution saine des opérations financières de l'Etat correspond en général une économie saine quel que soit le niveau ou le type d'organisation. C'est pourquoi, depuis les temps les plus reculés, l'un des premiers soucis des castes dirigeantes était d'organiser les finances d'un pays. D'un point de vue historique et sociologique, « le Trésor est une institution qui reflète de très près l'état du pouvoir politique et la situation économique d'un pays ». A un pouvoir stable et incontesté correspond en général une situation saine et un système financier solide. Au contraire, à un pouvoir instable et contesté correspond en général une situation économique de crise, le système financier s'effrite et en même temps, il se trouve entre les mains de chaque détenteur d'une parcelle du pouvoir. Dans leur conquête du pouvoir politique, les dirigeants se sont, la plupart du temps, efforcés à recueillir l'adhésion des masses populaires pour justifier, voire légitimer, la place qu'ils occupent. Ils ont très vite compris que le pouvoir politique ne signifiait rien sans le pouvoir financier, et ce n'est que par la conquête de ce dernier qu'ils ont pu asseoir leur autorité sur une longue période. Le pays est sans planification stratégique depuis la fin des années 70, livré aux excès du système mondial dominant et aux dérives des politiques gouvernementales. Pourtant, ni les instituts, ni les hommes, ni l'argent n'ont manqué. C'est pour dire que le pétrole a également «pollué» nos esprits, nos corps et nos institutions. Il a créé le droit à la paresse des ouvriers, au déracinement des paysans, à la médiocrité des gestionnaires, à la faillite des entreprises publiques et au gain facile des entreprises privées. De plus, «les hommes ont l'Etat qu'ils méritent». Dans un pays évolué, économiquement développé où les citoyens «libérés de la peur et de la tyrannie» participent légalement et individuellement à leur destin collectif, l'Etat correspond à leur état, à leur degré d'évolution physique et mentale. C'est la suite des générations, avec leur histoire, leur ambition, leurs exigences ou leurs lâchetés, leurs égoïsmes ou leurs vertus, leurs révolutions ou leurs réactions qui sont responsables de l'héritage institutionnel. L'Etat, en tant que tel, n'est jamais responsable de l'organisation collective, de ses pouvoirs de gestion ou de disciplines, de ses moyens de contraintes ou de progrès, mais bien les hommes qui l'ont conduit là où il en est, qui le fabriquent, le consolident ou l'affaiblissent, le supportent ou le condamnent. L'Etat vaut ce que valent les citoyens. Les réflexes et les ambitions de la puissance publique sont toujours le reflet de la nature des hommes qui en ont la charge, lesquels, sauf exceptions provisoires, sont l'émanation naturelle de la communauté nationale qui les délègue à leur poste ou tout simplement qui les y maintient; à y regarder de près, il ne saurait donc exister de divorce prolongé entre le comportement de l'Etat et celui des citoyens qui le composent. Si l'Etat est apparemment amoral, voire immoral dans son action, c'est-à-dire dans ses lois, dans ses procédures et dans les fins qu'il poursuit, c'est que les hommes, tour à tour responsables de ces lois, de ces procédures et de ces fins, y ont projeté leur propre égoïsme, leur appétit de puissance et leurs propres carences. « La liberté est le pain que les peuples doivent gagner à la sueur de leur front » Félicité de Lamennais. Autrement dit, les mains propres mangent du pain sale. Qui a les mains propres ? *Docteur Notes : (1) Communication du gouverneur de la Banque centrale d'Algérie aux Assises nationales de l'entreprise algérienne face à la crise des 5 et 7 octobre 1990 d) Contraintes et perspectives Avec la réforme, l'accent sera mis non plus sur la réalisation et la mise en marche des équipements de production mais sur l'optimisation des processus de gestion. La finance étant un processus de gestion particulier et elle devrait jouer un rôle important dans la mise en œuvre d'un développement intensif. |
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