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Dans une analyse « L'avenir
du dollar - Le pouvoir financier américain dépend de Washington, pas de Pékin
», l'ancien secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson,
s'interroge sur le statut du dollar américain dans les années et décennies à
venir. Il écrit : «Le statut du dollar est un indicateur de la solidité
fondamentale du système politique et économique américain. Pour préserver la
position du dollar, l'économie américaine doit rester un modèle de réussite et
d'émulation. Cela, à son tour, nécessite un système politique capable de mettre
en œuvre des politiques qui permettront à plus d'Américains de s'épanouir et
d'atteindre la prospérité économique. Cela nécessite également un système
politique capable de maintenir la santé budgétaire du pays. L'histoire ne
connaît aucun pays qui est resté en tête sans prudence budgétaire à long terme.
Le système politique américain doit être sensible aux défis économiques
d'aujourd'hui». (1)
Mais force de dire que le monde a complètement changé. Aujourd'hui, il faut le dire tout haut que les donnes ne sont plus favorables pour les États-Unis comme d'ailleurs pour l'Europe et le Japon, les principaux pays occidentaux qui font la force de l'Occident. Ce qui se passe aujourd'hui sur le plan économique relève d'un cours naturel de l'évolution du monde. Mais ce qui est intéressant comment cela va évoluer pour l'Occident et les grandes nations émergentes, en particulier la Chine qui retient l'attention de tous les marchés mondiaux. Et le président Donald Trump ne cesse de mener son combat à coups de tarifs douaniers punitifs contre les pratiques commerciales de la Chine qu'il juge «déloyales», nombre d'entreprises américaines ont cherché des alternatives dans des pays voisins à bas coûts. Mais est-ce que les États-Unis réussiront dans leur guerre commerciale contre la Chine ? Et cette politique active du président américain contre la Chine ne cache-t-elle pas des enjeux beaucoup plus grands qui concernent en fait l'avenir des États-Unis en tant que première puissance économique du monde mais aussi le monde, et peut-être beaucoup plus le reste du monde que les États-Unis eux-mêmes. En clair, ce n'est pas un simple bras de fer sino-américain mais en fait, il concerne l'avenir de l'Occident, des pays émergents, des pays en voie de développement, des pays arabes et donc de l'Afrique du Nord au Moyen-Orient, avec au centre l'Arabie saoudite et Israël. Ce sont tous les pays du monde qui sont concernés par cette guerre économique USA-Chine. L'ancien secrétaire américain au Trésor met en avant les avancées technologiques en matière de paiement par voie de smartphone qui sont en train de supprimer toute circulation d'espèces monétaires physiques dans les transactions commerciales internes en Chine. Il écrit : «Beaucoup de ceux qui reviennent de Chine remarquent à quel point le pays est devenu sans argent. De l'achat de collations au magasin du coin à la remise d'argent aux mendiants, tout se fait désormais via les smartphones et les codes QR (codes-barres carrés à scanner). Les lignes ATM font partie du passé. Les entreprises chinoises sont de plus en plus compétitives en fintech, et les consommateurs chinois sont ses plus gros utilisateurs. Pékin a encore des obstacles majeurs à surmonter avant que le RMB puisse vraiment émerger en tant que principale monnaie de réserve mondiale. Ces faits amènent régulièrement des experts à penser que la domination de la fintech chinoise pourrait bientôt mettre en péril le statut mondial du dollar. Ce n'est pas une préoccupation sérieuse et il n'est pas clair non plus que les États-Unis accusent un retard en matière de fintech. La Chine n'était pas un pionnier de la fintech mais plutôt un adopteur rapide et un diffuseur de la technologie. Les géants chinois de la technologie, Alibaba et Tencent, ont ouvert la voie en créant des services qui rendent les transactions numériques beaucoup plus efficaces, tout en ayant accès à un vaste marché de clients non bancarisés, en particulier dans les régions rurales de la Chine. L'adoption de leurs services a été phénoménale. En 2018, par exemple, le volume des transactions de paiement mobile en Chine a totalisé 41,5 billions de dollars. Ce succès a été possible en grande partie parce que l'infrastructure financière existante de la Chine était dépassée et que son système bancaire public était inefficace. Tout aussi important, les cartes de crédit ne se sont jamais implantées en Chine. Ainsi, lorsque les smartphones sont devenus bon marché et répandus, il était parfaitement logique de passer directement d'une économie basée sur les espèces aux services bancaires mobiles. De plus, malgré que la Chine soit devenue «sans espèces », de nombreux Américains auraient également du mal à se rappeler la dernière fois qu'ils ont utilisé de l'argent pour autre chose qu'une transaction mineure. Ils peuvent transférer de l'argent d'un compte bancaire à un autre instantanément et en toute transparence. Les services de paiement mobile tels que Venmo et Apple Pay fonctionnent aussi bien qu'Alipay et WeChat. Mais dans l'ensemble, les Américains préfèrent toujours les cartes de crédit, car leur utilisation est aussi pratique que l'utilisation d'un téléphone et l'infrastructure financière existante est sûre, robuste et fiable. Les entreprises technologiques chinoises ont accéléré l'innovation pour répondre à la demande des consommateurs et compenser l'infrastructure financière inadéquate du pays. De plus, ils ont commencé à déployer ces technologies sur les marchés en développement, dont les économies naissantes ont encouragé l'acceptation immédiate des smartphones et ont ainsi offert une énorme opportunité aux entreprises chinoises de gagner des parts de marché. FONCTION VERSUS Bien que la Banque centrale chinoise puisse lancer une monnaie numérique dès cette année, les gros titres exagèrent à quel point elle sera transformatrice. Ceux qui craignent que cette évolution n'annonce la fin de la primauté du dollar américain se méprennent sur le fait que, même si la forme de l'argent est en train de changer, sa nature n'a pas changé. Un RMB numérique serait toujours un RMB chinois. Personne ne réinvente l'argent. Le jeton utilisé pour les transactions peut être différent, mais les perspectives de la Chine concernant le statut de monnaie de réserve dépendent du même ensemble de facteurs qui s'appliquent à l'émetteur de cette monnaie. Et bien que le gouvernement chinois ait encouragé l'utilisation du RMB pour régler les transactions commerciales dans le cadre d'un effort d'internationalisation de sa monnaie, le pétrole et les autres principaux produits de base sont toujours libellés en dollars américains. [...] Bien qu'il soit peu probable qu'une monnaie numérique soutenue par Pékin sape en soi la suprématie du dollar, elle pourrait certainement faciliter les efforts de la Chine pour internationaliser le RMB. Dans les pays aux devises instables, comme le Venezuela, un RMB numérique est une alternative intéressante à la monnaie locale. Des entreprises chinoises telles que Tencent, qui ont déjà une présence importante dans les pays en développement en Afrique et en Amérique latine, pourraient y accroître leur présence, conduisant un futur RMB numérique à gagner des parts de marché. Cela pourrait contribuer à améliorer le statut mondial du RMB et à faire partie d'une stratégie plus large visant à projeter l'influence économique et politique de la Chine à l'étranger». (1) Et là, Henry Paulson a entièrement raison de souligner que «l'infrastructure financière existante de la Chine était dépassée et que son système bancaire public était inefficace. Tout aussi important, les cartes de crédit ne se sont jamais implantées en Chine». Précisément, l'utilisation du smartphone en Chine a permis de suppléer à le handicap du retard de la Chine dans le système bancaire chinois. Il demeure cependant que ce mode de paiement est nouveau, il constitue une révolution technologique puisqu'il permet un gain de temps, une économie en personnel dans les banques, une diminution de succursales bancaires dans les villes et villages et donc touchent toutes les catégories sociales (citadins, ruraux, etc.). Et la Banque centrale de Chine peut même avoir le traçage de toutes les opérations de paiement (règlements, virements, etc.) en temps réel qui s'opèrent de la Chine. C'est donc un progrès de demain, il peut être étendu aux pays en développement. De même pour les pays occidentaux qui auront à l'utiliser puisque le nouveau système de règlement monétaire par smartphone est à la portée de tous et surtout que le smartphone est devenu une nécessité pour toute personne de l'avoir. En Chine, le smartphone, par exemple, a permis, lors de la pandémie du Covid-19, de détecter toute personne qui n'a pas respecté les limites territoriales prescrites dans les zones déconfinées, en indiquant les contrevenants sortis de la zone autorisée. L'utilisation du smartphone n'est pas un choix, mais un progrès inévitable qui s'impose comme cela a été pour le chèque de paiement et la carte de crédit. Surtout en regard du progrès qu'il apporte en gains et temps pour les économies du monde. Jean Kany-Bourcart, un entrepreneur spécialiste du tourisme chinois, qui a vécu un an en Chine, et 7 ans à Taipei, vit maintenant à New York et parle couramment le mandarin, écrit : «La Chine a déjà devancé les pays traditionnellement les plus en pointe des technologies de paiement. Deux acteurs majeurs monopolisent les 3.000 milliards de dollars de transactions effectuées en 2016 : WeChat Pay et Alipay. Dans toutes les grandes villes de Chine, avoir un porte-monnaie dans sa poche ou son sac à main est une pratique totalement obsolète. Même au marché de fruits et légumes, les transactions se font aujourd'hui en scannant un QR Code unique à chaque utilisateur. Il est maintenant temps pour ces deux mastodontes chinois de faire adopter leur système aux entreprises étrangères. La conquête est en cours, et elle commence par les États-Unis. Le «m-payment » à la chinoise, un modèle pour le reste du monde ? La Chine a traité plus de 3.000 milliards dollars de transactions mobiles en 2016. Majoritairement par le biais de deux moyens de paiement mobile : Alipay et WeChat Pay. Ces deux entreprises traitent à elles seules 91% des paiements mobiles en Chine. Il n'est plus rare de croiser des jeunes Chinois vivant dans les grandes villes sans aucun billet de banque sur soi. Le phénomène est tellement puissant que même les mendiants ne demandent plus d'argent liquide, mais viennent directement avec un QR Code faire l'aumône. Avec 69% des Chinois connectés sur WeChat et 570 millions l'utilisant de manière quotidienne, l'application du mastodonte Tencent rivalise déjà avec les réseaux sociaux occidentaux les plus connus. De son côté, Alipay et ses 450 millions d'utilisateurs n'est pas en reste. Le système développé par Alibaba, le groupe de Jack Ma, a déjà plusieurs longueurs d'avance sur son concurrent WeChat à l'international : des aéroports et des boutiques sont déjà équipés pour recevoir ce type de paiement.» (2) La Chine est certes en avance sur le mode de paiement par smartphone, et si Henry Paulson le souligne, il demeure que peu importe que «l'infrastructure financière existante de la Chine était dépassée et que son système bancaire public était inefficace. Tout aussi important, les cartes de crédit ne se sont jamais implantées en Chine ». Tout simplement l'utilisation du «smartphone » a servi à dépasser le handicap du système bancaire chinois. Une innovation qui va forcément s'étendre aux pays en développement, et remplacera progressivement les cartes de crédit. Le problème de demain ne réside pas uniquement dans l'usage du smartphone qui n'est qu'un mode de paiement plus commode, moins coûteux pour les économies nationales, et constitue une avancée majeure pour l'humanité. Il a aussi un rôle majeur dans la santé de l'homme et les risques que fait porter l'usage des billets de banques et des pièces de monnaies dans la transmission des germes viraux des épidémies. Le remplacement des billets et pièces de monnaie (qui peuvent être des agents propagateurs de virus) par le smartphone aura encore à conforter le progrès humain. C'est dire les défis de demain pour le monde. Quant au renminbi chinois, l'ancien secrétaire d'État américain, Henry Paulson a entièrement raison. «Pékin a encore des obstacles majeurs à surmonter avant que le RMB puisse vraiment émerger en tant que principale monnaie de réserve mondiale ». Et on peut citer un obstacle majeur. Le système communiste en Chine qui ne peut s'adapter au monde. Le communisme n'a été qu'un «accident de l'histoire », il a existé au début du XXe siècle parce que les peuples étaient excédés par les guerres, la mal-vie, l'exploitation par les classes possédantes, et surtout une grande partie du monde était colonisée et sans droits humains. Le communisme était l'antithèse du capitalisme et «l'impérialisme, stade suprême du capitalisme » (Titre du livre de Vladimir Ilitch Lénine, publié en 1917). Karl Kautsky, homme politique et théoricien marxiste allemand, écrit : «Le nouvel impérialisme se distingue de l'ancien, premièrement, en ce qu'il substitue aux tendances d'un seul Empire en expansion la théorie et la pratique d'Empires rivaux, guidés chacun par les mêmes aspirations à l'expansion politique et au profit commercial; deuxièmement, en ce qu'il marque la prépondérance sur les intérêts commerciaux des intérêts financiers ou relatifs aux investissements de capitaux... » (3) Le capitalisme et l'impérialisme qui s'est développé surtout dans les colonies et les pays transocéaniques, et toujours en plein essor, la lutte des impérialismes mondiaux sur le partage du monde colonisé s'est aggravée. Deux guerres mondiales mirent un terme à la colonisation. Mais est-ce pour autant que l'impérialisme a disparu ? Qu'il vienne de l'Ouest ou de l'Est ? Le monde d'aujourd'hui est épris de liberté, de démocratie. Si la Chine reste dans le système communiste, les peuples du monde ne pourraient accepter de nouveau d'être intégrés dans un système totalitaire pur et dur. Et c'est là le handicap majeur pour la Chine. Cependant, au-delà du handicap idéologique, rien n'exclut par contre que le renminbi pourrait se substituer au dollar américain eu égard à la puissance économique et financière de la Chine à l'horizon 2030-2035. Quelles conséquences si le Renminbi détrône le dollar US ? Ce sera une révolution qui affectera l'humanité entière. Aussi posons-nous la question : «cette révolution aura-t-elle lieu ? Et si elle aura lieu, quelles seront les conséquences pour l'humanité entière? » Le système politique chinois s'étendra-t-il au monde ? Telle est la problématique du monde à venir et explique aujourd'hui le bras de fer entre les États-Unis et la Chine dans la lutte pour le leadership mondial. *Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective Notes : 1. «L'avenir du dollar - Le pouvoir financier américain dépend de Washington, pas de Pékin», par Henry M. Paulson. Le 19 mai 2020. https://www.foreignaffairs. com/articles/2020-05-19/future-dollar 2. «Le paiement mobile chinois à la conquête du monde» par Jean Kany-Boucart. Le 20/10/2017 https://asialyst.com/fr/2017/10/20/paiement-mobile-chinois-conquete-monde/ 3. HOBSON : Imperialism, Londres, 1902, p. 324 |
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